Suites réelles

Révisions
Entiers naturels
Fonctions d’une variable réelle
Notions
Suite, terme, terme initial, formule de récurrence, suite constante, arithmétique, géométrique, arithmetico-géométrique, symbole produit
Définitions
Suite majorée, minorée, bornée
Résultats
Terme général d’une suite arithmétique, d’une suite géométrique, critère de variations par différences, par quotients
Compétences
Déterminer le terme général d'une suite.
Étudier les variations, la majoration ou la minoration d'une suite définie par son terme général ou par une formule de récurrence.
Déterminer une relation de récurrence pour une suite définie à partir d'une autre.

Définitions et exemples

Une suite peut se concevoir comme une liste infinie de termes. Formellement, une suite réelle est une famille de réels indexée par l’ensemble N, ou une application de N dans R.

Si une suite est notée u, chaque terme de la suite associe un rang nN et une valeur unR. En particulier, le terme initial est a priori noté u0, mais il arrive qu’on définisse une suite sur N*, auquel cas le terme initial est noté u1.

Les suites sont souvent définies par un terme général de la forme nN, un = f(n) ou bien en précisant le terme initial et une formule de récurrence de la forme nN, un+1 = f(un).

Exemples

La série associée à une suite constante est donc arithmétique, tandis que la suite des produits partiels d’une suite constante est géométrique.

Terme général d’une suite arithmétique
Soit u une suite arithmétique de raison r. Pour tout nN, on a un = u0 + nr.
Terme général d’une suite géométrique
Soit u une suite géométrique de raison q. Pour tout nN, on a un = u0 × qn.
Démonstration
On procède par récurrence.
Propriété
Soit (a, b) ∈ (R \ {1}) × R. Soit  u une suite arithmético-géométrique satisfaisant la relation de récurrence nN, un+1 = aun + b. Alors en notant λ l'unique solution réelle de l'équation λ = aλ + b, la suite v définie par nN, vn = unλ est géométrique de raison a.

On peut aussi définir une suite à partir d’une autre.

Bornes et variations

Définitions

Soit u une suite réelle.

La suite est dite majorée s’il existe MR tel que pour tout nN on ait unM.

Elle est dite minorée s’il existe mR tel que pour tout nN on ait unm.

Elle est dite bornée si elle est à la fois majorée et minorée.

Les suites constantes sont bornées. Une suite est positive si et seulement si elle est minorée par 0. Elle est négative si et seulement si elle est majorée par 0.

Propriété
Toute suite majorée (resp. minorée, resp. bornée) à partir d’un certain rang est majorée (resp. minorée, resp. bornée) globalement.
Propriété
Soit u une suite réelle et I un intervalle stable par une fonction f. S’il existe nN tel que unI alors tous les termes suivants appartiennent aussi à I.
Propriétés

En particulier, une suite arithmétique est croissante si et seulement si sa raison est positive ; elle est décroissante si et seulement si sa raison est négative. Une suite géométrique strictement positive est croissante si et seulement si sa raison est supérieure à 1 ; elle est décroissante si et seulement si sa raison est inférieure à 1.

Critère de variations par différences
Une suite u est croissante (resp. croissante stricte, resp. décroissante, resp. décroissante stricte) si pour tout nN, on a un+1un ≥ 0 (resp. un+1un > 0, resp. un+1un ≤ 0, resp. un+1un < 0).
Critère de variations par quotients
Une suite u strictement positive est croissante (resp. croissante stricte, resp. décroissante, resp. décroissante stricte) si pour tout nN, on a un+1/un ≥ 1 (resp. un+1/un > 1, resp. un+1/un ≤ 1, resp. un+1/un < 1).
Propriété
La somme de deux suites croissantes est croissante. Le produit de deux suites positives croissante est positive et croissante.
Démonstration
On applique le critère de variations par différences avec la compatibilité de l’addition et de la multiplication avec la relation d’ordre dans R.
Propriété
Soit f une fonction définie et croissante sur un intervalle stable I. Soit u une suite définie par une relation de récurrence un+1 = f(un). S’il existe NN tel que uNI alors la suite u est monotone à partir du rang N.
Démonstration
On distingue deux cas, selon la comparaison de uN et uN+1.

Limite

Définitions
Soit u une suite réelle et LR.

On dit que u converge vers L et on note limn→+∞ un = L si pour tout intervalle ouvert J contenant L, il existe NN tel que pour tout n > N on a unJ.

Une suite est dite divergente si elle n’est pas convergente.

On dit que u tend vers +∞ et on note limn→+∞ un = +∞ si pour tout MR, il existe NN tel que pour tout n > N on a un > M.

On dit que u tend vers −∞ et on note limn→+∞ un = −∞ si pour tout MR, il existe NN tel que pour tout n > N on a un < M.

Exemples
Démonstrations
Propriété
Si une suite admet une limite, alors toute sous-suite extraite (par exemple, la suite des termes de rang pair) a la même limite.
Propriété
Toute suite convergente est bornée.
Soit u une suite convergente. On note L sa limite.

Il existe un rang NN à partir duquel tous les termes de la suite appartiennent à l’intervalle ouvert ]L − 1 ; L + 1[. On note alors M = max({u0, u1, …, uN, L + 1}) et m = min({u0, u1, …, uN, L − 1}). Finalement, pour tout nN on a munM, donc la suite est bornée.

Propriété
Toute suite qui tend vers +∞ est minorée mais non majorée.
Démonstration
Soit u une suite qui tend vers +∞.

Il existe un rang NN à partir duquel tous les termes de la suite seront supérieurs à 0. On note alors m = min({u0, u1, …, uN, 0}). Finalement, pour tout nN on a unm, donc la suite est minorée par m.

Soit MR. Il existe un rang N′N à partir duquel tous les termes de la suite seront strictement supérieurs à M donc en particulier uN′+1 > M.

Finalement, la suite n’est pas majorée.

On démontre de manière analogue la propriété suivante.

Propriété
Toute suite qui tend vers −∞ est majorée mais non minorée.

Comparaison de limites

Propriété
Soient u et v deux suites réelles convergentes de limites respectives L et L′.
Remarque
Ces deux implications ne sont pas contraposées l’une de l’autre. En outre, leurs réciproques admettent des contre-exemples, comme celui constitué par u = (1/n) et v = (0), de même limite 0.
Démonstration
On démontre la deuxième implication à l’aide de la première.

Supposons L > L′. On pose ε = LL′/2. Alors il existe un rang NN à partir duquel tous les termes de u sont dans l’intervalle ouvert I = ]Lε ; L + ε[ et un rang N′N à partir duquel tous les termes de v sont dans l’intervalle ouvert I′ = ]L′ε ; L′ + ε[. En particulier, pour tout n > max(N, N′), on obtient un > Lε = L+L′/2 = L′ + ε > vn.

Supposons à présent qu’il existe NN tel que pour tout n > N on a unvn. On raisonne par l’absurde. Supposons donc en outre L > L′. D’après le cas précédent, il existe un rang à partir duquel tous les termes de u sont strictement supérieurs à ceux de v, ce qui est contradictoire avec l’inégalité large de sens contraire.

Unicité de la limite
Une suite ne peut pas avoir deux limites distinctes.
Démonstration
On procède par disjonction de cas.

Si une suite tend vers +∞, elle est non majorée donc ne peut converger ni tendre vers −∞.

Si une suite tend vers −∞, elle est non minorée donc ne peut converger non plus.

Soit u une suite admettant deux limites finies notée L et L′ avec L > L′. Alors il existe un rang à partir duquel tous les termes de u sont strictement supérieurs à eux-mêmes, ce qui est absurde.

Finalement, une suite ne peut converger que vers une seule limite.

On en déduit que toute suite admettant deux sous-suites extraites avec des limites différentes ne peut avoir de limite.

Opérations

Limite d’une somme
Soit u et v deux suites réelles.
  • Si u et v convergent alors leur somme converge aussi et on trouve limn→+∞ (un + vn) = limn→+∞ un + limn→+∞ vn.
  • Si u tend vers +∞ et si v est minorée alors limn→+∞ (un + vn) = +∞.
  • Si u tend vers −∞ et si v est majorée alors limn→+∞ (un + vn) = −∞.
Démonstration
On démontre le premier et le deuxième cas. Le troisième se démontre de manière analogue au deuxième.
Limite d’un produit
Soit u et v deux suites réelles.
  • Si u tend vers 0 et si v est bornée alors leur produit converge vers 0.
  • Si u et v convergent alors leur produit converge aussi et on trouve limn→+∞ (un × vn) = limn→+∞ un × limn→+∞ vn.
  • Si u tend vers +∞ alors
    • pour tout kR∗+ on a limn→+∞ kun = +∞ ;
    • pour tout kR∗− on a limn→+∞ kun = −∞.
On démontre les trois cas successivement.
Limite de l’inverse
Soit u une suite réelle.
  • Si u converge avec une limite L réelle non nulle alors u ne s’annule plus à partir d’un certain rang et son inverse converge vers 1/L.
  • Si u converge vers 0 et si tous ses termes sont strictement positifs à partir d’un certain rang alors son inverse tend vers +∞.
  • Si u admet une limite infinie alors elle ne s’annule plus à partir d’un certain rang et son inverse tend vers 0.
On démontre les trois cas successivement.

On en déduit les règles de calcul de limites du quotient.

Limite du quotient
Soient u et v deux suites réelles telles que v ne s’annule plus à partir d’un certain rang.
  • Si u et v convergent avec limn→+∞ vn ≠ 0 alors u/v converge vers limn→+∞ un/limn→+∞ vn.
  • Si u tend vers l’infini et si v converge avec une limite non nulle alors u/v tend vers l’infini en respectant la règle des signes.
  • Si u est bornée et si v tend vers l’infini alors le quotient u/v converge vers 0.
  • Si u admet une limite non nulle et si v tend vers 0 avec des termes tous strictement positifs à partir d’un certain rang alors le quotient u/v tend vers l’infini en respectant la règle des signes.

Théorèmes

Théorème des limites de suites monotones
Toute suite croissante majorée converge.
Toute suite croissante non majorée tend vers +∞.
Toute suite décroissante minorée converge.
Toute suite décroissante non minorée tend vers −∞.
Démonstration
On démontre les deux premiers cas. Les deux suivants se démontrent de façon analogue.

Soit u une suite croissante majorée. On note L = sup({un, nN}). Soit J = ]a, b[ un intervalle ouvert contenant L.
Puisque a < L il existe NN tel que uN > a. Alors pour tout n > N on a a < uNunL < b donc unJ.

Finalement, la suite u converge bien vers L.

Soit u une suite croissante non majorée. Soit MR. Il existe NN tel que uN > M. Alors pour tout n > N on a un > uN > M.

Finalement, la suite u tend bien vers +∞.

Remarque
Pour tout MR, une suite croissante majorée par M ne converge pas nécessairement vers M.

Le théorème montre notamment que pour tout xR, la suite ((1 + x/n)n) admet une limite dans R∗+ ∪ {+∞} car elle est croissante à partir d'un certain rang.

Soit xR. Pour tout n > |x|, on a (1 + x/n)n (1 − x/n)n = (1 − x2/n2)n < 1 donc aucune des deux suites ((1 + x/n)n) et ((1 − x/n)n) ne peut tendre vers +∞ et on peut définir exp(x) = limn→+∞(1 + x/n)nR.

Théorème de comparaison
Soient u et v deux suites réelles telles que pour tout nN à partir d’un certain rang on a unvn.
  • Si limn→+∞ un = +∞ alors limn→+∞ vn = +∞.
  • Si limn→+∞ vn = −∞ alors limn→+∞ un = −∞.
Démonstration
On traite le premier cas. Le second se traite de manière analogue.

Supposons limn→+∞ un = +∞. Soit MR. Il existe un rang à partir duquel tous les termes de u sont supérieurs à M donc tous les termes de v aussi.

Finalement, la suite v tend aussi vers +∞.

Théorème d’encadrement ou théorème des gendarmes
Soient u, v, w trois suites réelles telles que u et w convergent vers la même limite et telles que pour tout nN à partir d’un certain rang on a unvnwn. Alors la suite v converge vers la même limite.
Démonstration
On note N0 un rang à partir duquel on a les inégalités.

Soit J = ]a, b[ un intervalle ouvert contenant la limite commune à u et w. Il existe un rang N à partir duquel tous les termes de u sont dans J et un rang N′ à partir duquel tous les termes de w sont dans J. Donc pour tout n > max(N0, N, N′) on a a < unvnwn < b, donc vnJ.

Finalement, la suite v converge bien vers la même limite.

Limite d’une suite géométrique
Soit qR. On distingue trois cas.
  • Si q > 1 alors limn→+∞ qn = +∞.
  • Si −1 < q < 1 alors limn→+∞ qn = 0.
  • Si q ≤ −1 alors la suite (qn) diverge sans limite.
On démontre les trois cas successivement.
Limite d’une suite récurrente
Soit f une fonction continue sur un intervalle stable I, et (un)nN une suite vérifiant pour tout nN, un+1 = f(un).
Si la suite converge à l’intérieur de I alors sa limite est un point fixe de f.
Démonstration
On note I la limite de la suite (un)nN, d’où limn→+∞ f(un) = f() par continuité de f. Mais limn→+∞ f(un) = limn→+∞ un+1 = donc f() = .

Comparaison de croissance

Propriété
Soit (un) une suite à termes strictement positifs. Si la suite des quotients (un+1/un) converge vers un réel L < 1 alors limn→+∞ un = 0.
Démonstration
Avec les notations de la propriété, on note q un réel de ]L, 1[. Il existe un entier N tel que pour tout nN on ait un+1/unq donc un+1q un. Donc par récurrence on trouve pour tout nN, 0 ≤ unqnN uN. Or limn→+∞ qnN = 0 donc par théorème d’encadrement, limn→+∞ un = 0.
Comparaison de croissance
Pour tout α > 0, pour tout q > 1, limn→+∞ qn/n! = 0, limn→+∞ nα/qn = 0 et limn→+∞ ln(n)/nα = 0.
Démonstration
Pour tout nN, on calcule les quotients de termes successifs (n + 1)α/qn+1 × qn/nα = 1/q (1 + 1/n)α qui tend vers 1/q, et qn+1/(n + 1)! × n!/qn = q/n + 1 qui tend vers 0 quand n tend vers +∞.
Pour le troisième quotient, on utilise l’inégalité ln(nα/2) ≤ nα/2 d’où α ln(n)/2nα/2 donc 0 ≤ ln(n)/nα2/αnα/2. Le théorème d’encadrement permet de conclure.

Suites adjacentes

Définition
Deux suites u et v sont dites adjacentes si elles sont monotones de sens contraires et si leur différence tend vers 0.
Convergence des suites adjacentes
Deux suites adjacentes convergent vers la même limite.
Démonstration
Soit u et v deux suites réelles telles que u soit croissante, v soit décroissante et limn→+∞ (vnun) = 0.

On raisonne par l’absurde pour montrer que tous les termes de u sont inférieurs à tous ceux de v.

Supposons qu’il existe (p, q) ∈ N2 tel que up > vq. Alors pour tout n > max(p, q) on a unup > vqvn donc unvnupvq. Donc par passage à la limite on obtient 0 ≥ upvq, ce qui est faux par définition.

Finalement, la suite u est croissante et majorée par v0 et la suite v est décroissante et minorée par u0, donc ces deux suites convergent.

On calcule alors limn→+∞ vnlimn→+∞ un = limn→+∞ (vnun) = 0 donc les deux suites ont la même limite.

Cette propriété permet notamment de définir la moyenne arithmético-géométrique de deux réels positifs x et y comme la limite commune aux suites adjacentes définies par u0 = xy, v0 = x + y/2 puis pour tout nN, un+1 = unvn, vn+1 = un + vn/2 (démonstration en exercice).