Entiers naturels

Deux et deux quatre
quatre et quatre huit
huit et huit font seize…
Répétez ! dit le maître

Les entiers naturels idéalisent la notion de quantité d’objets distincts. Le dénombrement est probablement beaucoup plus ancien que l’écriture : des marques parallèles sur des objets vieux de vingt millénaires (os d’Ishango) ont été ainsi interprétées comme des signes de comptage. Mais le concept de nombre ne se détache progressivement de la nature des objets à dénombrer qu’au IIIe millénaire avant notre ère en Mésopotamie (Catherine Goldstein, « La naissance du nombre en Mésopotamie », Histoire des nombres, Tallandier 2007). Au cours des cinq siècles avant notre ère, les mathématiciens de la Grèce antique et notamment l’école pythagoricienne tentent d’asseoir le raisonnement mathématique sur ce concept fondamental de nombre entier (positif), à l’exclusion du zéro. Ce dernier n’est perçu comme un nombre que depuis le Ve siècle de notre ère, d’abord en Inde avec Brahmagupta, puis dans les mathématiques arabes (Ahmed Jebbar, Une histoire de la science arabe, Éditions du Seuil 2001) avant d’être transmis à l’Occident avec Gerbert d’Aurillac autour de l’an mil.

L’ensemble N = {0 ; 1 ; 2 ; …} est noté ainsi d’après Peano, même si ce dernier ne considérait comme entiers naturels que les entiers strictement positifs. Il est caractérisé par une courte liste d’axiomes dont dérivent les notions présentées ci-dessous.

Opérations

L'ensemble des entiers naturels est muni de deux opérations binaires, l'addition et la multiplication, qui satisfont les propriétés suivantes.

Commutativité
Le résultat d'une addition ou d'une multiplication ne dépend pas de l'ordre dans lequel sont donnés les opérandes : si a et b sont deux entiers naturels, alors a + b = b + a et a × b = b × a.
Associativité
L'addition et la multiplication peuvent être appliquées à plus de deux termes sans avoir besoin de préciser les regroupements effectués : si a, b et c sont trois entiers naturels, alors (a + b) + c = a + (b + c) et (a × b) × c = a × (b × c).
Distributivité de la multiplication par rapport à l'addition
Si a, b et c sont trois entiers naturels, alors (a + b) × c = (a × c) + (b × c) et a × (b + c) = (a × b) + (a × c).
Existence de neutres
Pour tout entier naturel a, on a a + 0 = 0 + a = a et a × 1 = 1 × a = a.

Si a et b sont deux entiers naturels et que b n'est pas écrit en chiffres, on pourra noter ab = a × b.

Dans une expression comportant des additions et des multiplications sans regroupement par des parenthèses, on effectue d'abord les multiplications.

On définit le carré d’un entier a par a2 = a × a.

Propriété
Quels que soient a et b deux entiers naturels, (a + b)2 = a2 + b2 + 2ab.
Démonstration
Il s’agit d’une propriété universelle.

Soient a et b deux entiers naturels. On calcule (a + b)2 = (a + b) × (a + b) = a2 + ab + ba + b2 = a2 + b2 + 2ab.

De même que la multiplication d’entiers peut être vue comme la répétition d’une addition, la répétition de la multiplication par un entier a définit les puissances de base a qui se notent sous la forme an où l’entier n est appelé exposant, d’où le nom de l’opération d’exponentiation. On trouve alors les propriétés suivantes.

Opérations sur les puissances
Si a, b, n, p sont quatre entiers naturels, alors on a
  • a0 = 1
  • an+p = an × ap
  • (an)p = an×p
  • (ab)n = anbn

Principe de récurrence

La définition des opérations arithmétiques et la démonstration de leurs propriétés reposent sur le principe suivant.

Soit Pn un prédicat dépendant d'une variable n.

Récurrence simple
Si les deux conditions suivantes sont remplies :
  • la proposition initiale P0 est vraie ;
  • la proposition est héréditaire, c’est-à-dire que pour tout entier naturel n on a l’implication PnPn+1
alors la proposition Pn est vraie pour tout entier naturel n.

Ce principe peut être aménagé pour démontrer une propriété seulement à partir du rang n = 1 voire à partir d’un rang supérieur, en modifiant la proposition initiale et en démontrant l’hérédité à partir de ce rang.

Le même principe permet de démontrer également les résultats suivants.

Récurrence double
Si les deux conditions suivantes sont remplies :
  • les propositions initiales P0 et P1 sont vraies ;
  • pour tout entier naturel n on a l’implication (Pn et Pn+1) ⇒ Pn+2
alors la proposition Pn est vraie pour tout entier naturel n.
Récurrence forte
Si les deux conditions suivantes sont remplies :
  • la proposition initiale P0 est vraie ;
  • pour tout entier naturel n on a l’implication (P0, …, Pn) ⇒ Pn+1
alors la proposition Pn est vraie pour tout entier naturel n.

Symboles somme et produit

Le principe de récurrence permet aussi de définir des opérateurs comme le symbole somme et le symbole produit : à partir d’une formule Fk dépendant d’un entier k, on pose quels que soient les entiers pq :

Par exemple, on a k=16 k2 = 12 + 22 + 32 + 42 + 52 + 62 et k=25 (2k + 1) = 5 × 7 × 9 × 11.

Propriété
Les symboles sommes et produit satisfont une relation de Chasles avec un décalage : avec trois entiers pq < r, on a

Propriété
Pour tout entier naturel n > 0, si a est une constante alors k=1n a = n × a et k=1n a = an.
Démonstration
On procède par récurrence sur n.
Réindexation
Soient p, q, r trois entiers tels que pq. On a :

  • k=p+rq+r Fkr = k=pq Fk = k=rqrp Frk
  • k=p+rq+r Fkr = k=pq Fk = k=rqrp Frk .
Définition
On définit la factorielle par 0! = 1 et pour tout entier n ≥ 1, n! = k=1n k.
Propriété
Pour tout entier naturel n, (n + 1)! = n! × (n + 1).

Relation d’ordre

L’ensemble des entiers naturels est muni d’une relation d’ordre total notée , c’est-à-dire qu’il satisfait les propriétés suivantes :

Réflexivité
Tout entier a est inférieur à lui-même : aa.
Antisymétrie
Deux entiers distincts ne peuvent être simultanément inférieurs l’un à l’autre : si a et b sont deux entiers naturels tels que ab et ba alors a = b.
Transitivité
Si a, b et c sont trois entiers naturels tels que ab et bc alors ac.
Totalité
Deux entiers sont toujours comparables : si a et b sont deux entiers naturels alors on a ab ou ba.

La relation réciproque est notée . On a ainsi les équivalences quels que soient les entiers a et b : abba.

Les relations strictes associées sont notées < et >. Elles sont définies pour tous les entiers naturels a et b par :

Les relations contraires peuvent être notées avec le symbole barré, mais dans le cadre d’une relation d’ordre totale on utilise plutôt le fait que le contraire de ab s’écrive a > b.

Propriété
Soient a et b deux entiers naturels. On a ab si et seulement s'il existe un entier naturel k tel que a = b + k. Dans ce cas, il n'existe pas d'autre entier naturel satisfaisant cette égalité et on note k = ab.

Cette propriété permet de justifier la relation d’ordre à partir de l’opération d’addition. Elle montre aussi l’inégalité 1 ≥ 0. Réciproquement, tout entier naturel différent de 0 est supérieur ou égal à 1, autrement dit 0 est le seul entier naturel inférieur à 1.

Caractérisation de l’ordre strict
Si a et b sont deux entiers tels que a > b alors ab + 1.
Démonstration
Si a > b alors ab est un entier naturel non nul donc il existe un entier naturel k tel que ab = 1 + k donc a = b + 1 + k donc ab + 1.

Divisibilité

Définition
Si a et b sont deux entiers naturels, on dit que b divise a ou que b est un diviseur de a ou encore que a est un multiple de b s'il existe un entier k tel que a = b × k.
Propriété
Si b divise a avec a ≠ 0 alors ba.
Division euclidienne
Si a et b sont deux entiers naturels avec b > 0, alors il existe deux entiers naturels q et r tels que a = b × q + r et r < b. En outre, ces deux relations définissent q et r de façon unique.
Définition
Avec les notations de la propriété précédente, les entiers q et r sont respectivement appelés quotient et reste de la division euclidienne de a par b.
Propriété
Soit a et b deux entiers naturels avec b ≠ 0. L'entier a est un diviseur de b si et seulement si le reste est nul dans la division euclidienne de a par b.

Si le reste est nul, le quotient de a par b est noté a/b ou a/b.

Définition
Un entier est dit pair s'il est un multiple de 2. Il est dit impair dans le cas contraire.
Propriété
Un entier naturel a est impair si et seulement s'il existe un entier naturel k tel que a = 2 × k + 1.
Propriété
Le produit de deux entiers consécutifs est toujours pair.
Nombres triangulaires
Pour tout nN, on a k=0n k = (n(n + 1))/2.
Propriété
Toute puissance d’un nombre impair est impaire.
Propriété
En numération décimale, le dernier chiffre d’un entier est le reste de sa division euclidienne par 10.

Nombres premiers

Définition
Un entier naturel est dit premier s'il admet exactement deux diviseurs distincts : 1 et lui-même.
Propriété
Tout entier naturel supérieur ou égal à 2 admet un diviseur premier.
Propriété
Soit n un nombre entier supérieur ou égal à 2. Si aucun nombre premier p tel que p2n ne divise n alors n est premier.
Lemme de Gauss
Si un nombre premier p divise un produit d’entiers ab mais ne divise pas a alors p divise b.
Théorème fondamental de l’arithmétique
Tout entier naturel non nul se décompose comme produit de puissances de nombres premiers distincts. Deux décompositions d'un même entier ont les mêmes facteurs premiers avec les mêmes exposants.
Propriété
L’entier 2 ne peut s’écrire comme le rapport de deux carrés.

Notes

Ensemble
Un ensemble est un objet mathématique qui formalise la notion de contenant sans ordre ni répétition. Par exemple, une classe est un ensemble d’élèves, que l’on peut certes ordonner selon la taille, l’âge, le nom de famille ou la moyenne de mathématiques, mais qui reste la même classe indépendamment de ces ordres.
Opération binaire
Une opération binaire définit un unique résultat pour chaque couple de valeurs de ses opérandes. Elle est souvent notée à l'aide d'un symbole propre (+, , ×, , ) entre les expressions de ses opérandes.
Propriété
Pour un objet mathématique, une propriété est un prédicat, c’est-à-dire une phrase dans laquelle le verbe peut être représenté par un opérateur de relation comme l'égalité, l'inégalité ou un comparateur (, , <, >, ) et qui permet éventuellement de distinguer cet objet d’autres objets similaires.
Pour aller plus loin…
Nombres réels