Dans tout ce chapitre, on fixe un entier n ∈ N∗.
Introduction
Une fonction réelle de n variables réelles est une application d'une partie de Rn vers R.
- Pour tout i ∈ ⟦1 ; n⟧, on a la projection (x1, …, xn) ↦ xi définie sur Rn.
- Les monômes à n variables sont les produits de projections et d'une constante, s'écrivant
(x1, …, xn) ↦ λ∏i=1nxiki,
où λ ∈ R
et (k1, …, kn) ∈ Nn.
Le degré d'un tel monôme est la somme des exposants ∑i=1n ki. - Les fonctions polynômes à n variables sont les combinaisons linéaires de monômes.
La fonction polynomiale (x1, …, xn) ↦ x12 + … + xn2 est positive et ne s'annule qu'à l'origine.
Pour tout i ∈ ⟦1 ; n⟧, on a x12 + … + xn2 ≥ xi2 ≥ 0 donc en tout point d'annulation, toutes les composantes sont nulles.
Pour tout x = (x1, …, xn) ∈ Rn on définit sa norme euclidienne ||x|| = √(x12 + … + xn2).
La distance entre deux points x = (x1, …, xn) et y = (y1, …, yn) de Rn s'écrit d(x, y) = ||y − x|| = √((y1 − x1)2 + … + (yn − xn)2).
On étend ainsi la définition de la distance dans le plan euclidien.
- Inégalité triangulaire
- Pour tout (x, y, z) ∈ (Rn)3, on a ||x − y|| ≤ ||x − z|| + ||z − y||.
Topologie élémentaire
Soit a ∈ Rn et r ∈ R∗+. La boule ouverte de centre a et de rayon r est l'ensemble des points dont la distance à a est strictement inférieure à r : B(a, r) = {x ∈ Rn : ||x − a|| < r}.
En dimension 1, les boules ouvertes sont les intervalles ouverts bornés. En dimension 2, il s'agit des intérieurs de cercles. En dimension 3, une boule ouverte est l'intérieur d'une sphère.
Soit U une partie de Rn. On dit que U est ouverte si pour tout a ∈ U il existe r ∈ R∗+ tel que B(a, r) ⊂ U.
- Le vide est ouvert.
- L'espace Rn est ouvert dans lui-même.
- Les intervalles ouverts sont ouverts dans R.
- L'espace Rn privé d'un point est ouvert.
- Toute boule ouverte est un ouvert.
Le produit cartésien d'ouverts est un ouvert.
En particulier, le produit cartésien d'intervalles ouverts est un ouvert appelé pavé.
L'union d'une famille quelconque d'ouverts est un ouvert. L'intersection d'une famille finie non vide d'ouverts est un ouvert.
Soit A une partie de Rn et soit a ∈ A. On dit que a est un point isolé dans A s'il existe r ∈ R∗+ tel que B(a, r) ∩ A = {a}.
Limite et continuité
Soit f une fonction définie sur une partie A de Rn et soit a ∈ Rn tel que pour tout r ∈ R∗+, B(a, r) ∩ A ≠ ∅.
Soit L ∈ R.
On dit que f tend vers L en a et on note
limx→a f(x) = L
si pour tout voisinage V de L
il existe r ∈ R∗+ tel que pour tout
x ∈ B(a, r) ∩ A on ait
f(x) ∈ V.
La fonction (x, y) ↦ 1(x2 + y2), définie sur R2 \ {(0 ; 0)}, tend vers +∞ en (0 ; 0).
- Caractérisation séquentielle de la limite
- On a limx→a f(x) = L si et seulement si pour toute suite (uk) convergeant vers a on a limk→+∞ f(uk) = L.
Pour tout point a ∈ A, on dit que f est continue en a si on a limx→a f(x) = f(a).
On dit que f est continue sur A si elle est continue en tout point de A.
- Toute fonction constante est continue.
- Toute projection (x1, …, xn) ↦ xi est continue.
- La somme et le produit de deux fonctions continues sur un même domaine de Rn sont aussi des fonctions continues sur ce domaine.
- La composée d'une fonction continue sur un domaine A ⊂ Rn à valeurs dans un intervalle I de R et d'une fonction réelle continue définie sur I définit aussi une fonction continue sur A.
On en déduit directement que toute fonction polynomiale est continue.
Dérivées partielles
On note (e1, …, en) la base canonique de Rn.
Soit f une fonction réelle définie sur un ouvert U de Rn. Soit a ∈ U
et i ∈ ⟦1 ; n⟧.
On dit que la fonction f admet une dérivée partielle par rapport à la i-ème variable en a si la fonction h ↦ f(a + hei) est dérivable en 0.
Dans ce cas, le nombre dérivé obtenu est noté Dif(a)
ou ∂f∂xi(a).
Avec les notations de la définition, on trouve donc ∂f∂xi(a) = limh→0 (f(a + tei) − f(a))h.
Toute projection (x1, …, xn) ↦ xi est dérivable de dérivée partielle constante de valeur 1 par rapport à xi, et de dérivée partielle nulle par rapport aux autres variables.
Les dérivées partielles sont linéaires et satisfont la relation de dérivation du produit : si f et g sont deux fonctions admettant une dérivée partielle par rapport à la même i-ème variable en un point a d'un même ouvert sur lequel elles sont définies, alors les combinaisons linéaires et le produit de ces deux fonctions sont aussi dérivables par rapport à cette variable en a et on a ∂(λf + g)∂xi = λ∂f∂xi + ∂g∂xi et ∂(f × g)∂xi = ∂f∂xi × g + f × ∂g∂xi.
La composée d'une fonction de plusieurs variables f à valeurs dans un intervalle I admettant des dérivées partielles et d'une fonction g ∈ D1(I, R) admet aussi des dérivées partielles avec ∂(g ∘ f)∂xi = ∂f∂xi × (g′ ∘ f).
Une fonction est dite de classe C1 sur un ouvert U si elle est dérivable par rapport à toutes ses variables en tout point de U et si toutes ses dérivées partielles sont continues en tant que fonctions de plusieurs variables.
Toute fonction polynomiale est de classe C1 et ses dérivées partielles sont polynomiales également.
Différentielle
Soit f une fonction définie sur un ouvert U ⊂ Rn
et soit a ∈ U.
On dit que f est différentiable en a s'il existe une forme linéaire φ ∈ L(Rn, R)
telle que pour tout v ∈ Rn vérifiant a + v ∈ U
on a
f(a + v)
= f(a) + φ(v)
+ ov→0(||v||).
Il ne peut exister deux formes linéaires distinctes satisfaisant la relation de la définition ci-dessus pour une même fonction en un même point.
La forme linéaire de la définition, si elle existe, est appelée différentielle de f en a et notée dfa.
Si f est une fonction de classe C1 sur un ouvert U de Rn alors f est différentiable en tout point a ∈ U avec dfa : (h1, …, hn) ↦ ∑i=1n hi ∂f∂xi(a).
On en déduit que toute fonction de classe C1 est continue. Contrairement à la propriété de continuité des fonctions dérivables à une seule variable, l'existence des dérivées partielles en tout point d'un ouvert ne garantit pas la continuité d'une fonction de plusieurs variables.
La fonction (x, y) ↦ xy(x2 + y2) prolongée par 0 en (0 ; 0) admet des dérivées partielles en tout point de R2 mais n'est pas continue en (0 ; 0).
- Dérivée d'une composée
- Soit f une fonction de classe C1 sur un ouvert U ⊂ Rn.
Soit (u1, …, un) une famille de fonctions réelles dérivables sur un même intervalle réel I telle que pour tout t ∈ I on a (u1(t), …, un(t)) ∈ U. Alors la fonction g : t ↦ f(u1(t), …, un(t)) est dérivable et pour tout t ∈ I on a g′(t) = ∑i=1n ui′(t) × ∂f∂xi(u1(t), …, un(t)).
Extremums
On dit que f admet un maximum local en a s'il existe r ∈ R∗+ tel que la restriction de f à la boule ouverte B(a, r) admette un maximum en a, c'est-à-dire que pour tout x ∈ U tel que ||x − a|| < r on ait f(x) ≤ f(a).
De même, on dit que f admet un minimum local en a s'il existe r ∈ R∗+ tel que la restriction de f à la boule ouverte B(a, r) admette un minimum en a, c'est-à-dire que pour tout x ∈ U tel que ||x − a|| < r on ait f(x) ≥ f(a).
On dit que a est un point critique pour la fonction f si les dérivées partielles de f s'annulent en a.
- Condition nécessaire pour un extremum libre
- Si une fonction de classe C1 sur un ouvert U ⊂ Rn admet un minimum ou un maximum local en un point a ∈ U alors ce point est un point critique de la fonction f.
Supposons que f admette un maximum ou un minimum local en a. Alors toutes les fonctions partielles h ↦ f(a + hei) admettent un maximum ou un minimum local en 0 donc leur dérivée s'annule en 0.
Soit f une fonction définie sur un ouvert U ⊂ Rn
et soit C un hyperplan affine d'équation a1x1 + …
+ anxn
= c.
On dit que f présente un extremum local
en un point (x1, …, xn)
sous la contrainte C si la restriction de f à C admet un extremum local en (x1, …, xn).
- Théorème des extrema liés
- Soit f une fonction de classe C1 sur un ouvert U ⊂ Rn. Soit C un hyperplan d'équation ∑i=1n
aixi = c.
Si f présente un extremum local en un point (x1, …, xn) sous la contrainte C, alors il existe λ ∈ R tel que pour tout i ∈ ⟦1 ; n⟧ on ait ∂f∂xi(x1, …, xn) = λai.
Un réel λ satisfaisant la relation du théorème est appelé multiplicateur de Lagrange.
Fonctions homogènes
Soit C une partie de Rn. On dit que C est un cône si pour tout (x1, …, xn) ∈ C et pour tout t ∈ R∗+ on a (tx1, …, txn) ∈ C.
- L'espace Rn, privé ou non de l'origine, est un cône dans lui-même.
- L'image réciproque de R+ ou de R∗+ par une forme linéaire est un cône.
L'intersection et l'union d'une famille de cônes sont des cônes.
Soit α ∈ R. Une fonction réelle f définie sur un cône C ⊂ Rn est dite homogène de degré α si pour tout (x1, …, xn) ∈ C et pour tout t ∈ R∗+ on a f(tx1, …, txn) = tαf(x1, …, xn).
- Toute fonction constante est homogène de degré 0.
- Tout monôme de degré d est homogène de degré d. Un polynôme homogène est une combinaison linéaire de monômes de même degré. En particulier, les formes linéaires sont les polynômes homogènes de degré 1.
- La norme euclidienne est homogène de degré 1.
Aucune fonction non nulle et homogène de degré α < 0 ne peut admettre de limite finie à l'origine.
- Théorème d'Euler
- Soit α ∈ R et f une fonction de classe C1 sur un cône ouvert C ⊂ Rn. La fonction f est homogène de degré α si et seulement si pour tout (x1, …, xn) ∈ C on a ∑i=1n xi × ∂f∂xi(x1, …, xn) = αf(x1, …, xn).
- Supposons que la fonction f est homogène. Soit (x1, …, xn) ∈ C. Par dérivation on trouve pour tout t ∈ R+, ∑i=1n xi × ∂f∂xi(tx1, …, txn) = αtα−1f(x1, …, xn) donc avec t = 1 on trouve la relation du théorème.
- Supposons maintenant que la relation du théorème est vérifiée.
Soit (x1, …, xn) ∈ C.
La fonction g : t ↦ t−αf(tx1, …, txn)
est dérivable et pour tout t ∈ R+,
g′(t)
= −αt−α−1
f(tx1, …, txn)
+ t−α∑i=1n
xi × ∂f∂xi(tx1, …, txn)
= t−α−1 (∑i=1n txi × ∂f∂xi(tx1, …, txn) − αf(tx1, …, txn)) = 0.
Donc la fonction g est constante de valeur g(1) = f(x1, …, xn).
Dérivées partielles d'ordre 2
Soit f une fonction définie et admettant une dérivée partielle ∂f∂xi sur un ouvert U ⊂ Rn.
Si cette dérivée partielle est elle-même dérivable par rapport à une variable xj (avec i et j distincts ou non), alors on note ∂2f∂xj∂xi
cette dérivée partielle d'ordre 2 par rapport à xi puis xj.
Lorsque l'on dérive deux fois par la même variable, on note ∂2f∂xi∂xi = ∂2f∂xi2
Une fonction est dite de classe C2 sur un ouvert U ⊂ Rn si elle admet des dérivées partielles d'ordre 2 par rapport à tout couple de variables.
L'ensemble des fonctions de classe C2 sur un ouvert U ⊂ Rn est stable par combinaison linéaire, produit et composition avec des fonctions de classe C2.
- Théorème de Schwarz
- Soit f ∈ C2(U, R). Pour tout (i, j) ∈ ⟦1 ; n⟧2, on a ∂2f∂xj∂xi = ∂2f∂xi∂xj.