Dans tout ce chapitre, K désigne l'un des deux corps commutatifs R ou C.
Dans toute cette partie, on considère un K-espace vectoriel E.
Soit (u1, …, un) une famille de vecteurs de E
et (λ1, …, λn) une famille de scalaires.
La combinaison linéaire de ces vecteurs avec les coefficients λ1, …, λn est la somme ∑k=1n
λk.uk.
L'ensemble des combinaisons linéaires sur la famille (u1, …, un) se note Vect (u1, …, un).
Toute combinaison linéaire de combinaisons linéaires d'une famille de vecteurs est encore une combinaison linéaire de cette famille de vecteurs, donc l'ensemble Vect (u1, …, un) est un sous-espace vectoriel appelé sous-espace engendré par la famille (u1, …, un).
Tout sous-espace vectoriel est stable par combinaison linéaire.
L'espace F étant stable par multiplication scalaire, il est stable par combinaison linéaire avec un seul terme.
Soit n ∈ N∗ tel que F contienne toute combinaison linéaire de n vecteurs de F.
Soit (u1, …, un+1) ∈ Fn+1 et (λ1, …, λn+1) ∈ Kn+1. Alors on a
∑k=1n+1
λk.uk
= λ1.u1
+ ∑k=2n+1
λk.uk
avec ∑k=2n+1
λk.uk = v ∈ F
par hypothèse de récurrence, donc par hypothèse, on trouve
λ1.u1 + v ∈ F.
L'image d'une combinaison linéaire par une application linéaire est la combinaison linéaire des images.
Une famille de vecteurs (u1, …, un) de E est dite libre si la seule combinaison linéaire nulle de ces vecteurs est celle obtenue avec des coefficients tous nuls. Dans ce cas, on dit aussi que les vecteurs de la famille sont linéairement indépendants.
Une famille de vecteurs est dite liée si elle n'est pas libre.
Puisque l'addition est associative et commutative, toute permutation des termes d'une famille libre donne une famille libre et toute permutation des termes d'une famille liée laisse une famille liée.
Une famille de deux vecteurs est liée si et seulement si les vecteurs sont colinéaires.
Si (u, v) est liée alors il existe (λ, μ) ∈ K2 tel que λ.u + μ.v = 0 et λ ≠ 0 (ou μ ≠ 0). Alors on a u = −μλ.v (ou v = −λμ.u) donc les vecteurs sont colinéaires.
Réciproquement, si les vecteurs sont colinéaires alors l'un peut s'exprimer à partir de l'autre par multiplication scalaire, donc il existe λ ∈ K tel que u = λ.v donc u − λ.v = 0 (ou v = λ.u donc v − λ.u = 0). Dans les deux cas, on trouve une combinaison linéaire nulle de u et v avec au moins un coefficient non nul, donc la famille (u, v) est liée.
Toute sous-famille d'une famille libre est libre.
On en déduit que dans une famille libre, tous les vecteurs sont deux à deux non colinéaires et en particulier que tous les vecteurs sont différents.
Une famille (u1, …, un) de vecteurs de E est dite génératrice dans E (ou qu'elle engendre E) si tout vecteur de E peut s'écrire comme une combinaison linéaire sur (u1, …, un), c'est-à-dire si on a Vect({u1, …, un}) = E.
Le fait qu'une famille est libre est intrinsèque mais le fait qu'elle soit génératrice dépend de l'espace vectoriel considéré.
Comme pour les familles libres, le fait qu'une famille soit génératrice n'est pas modifié par permutation des termes.
Toute famille de vecteurs de E contenant une famille génératrice de E est elle-même génératrice dans E.
Une base de E est une famille de vecteurs de E qui à la fois libre et génératrice dans E.
Si c'est une base, alors tout vecteur x ∈ E peut s'écrire comme une combinaison linéaire sur (e1, …, en). Soit (λ1, …, λn, μ1, …, μn) ∈ K2n tel que x = ∑i=1n λi.ei = ∑i=1n μi.ei. Alors par soustraction on trouve ∑i=1n (λi −μi).ei = 0 donc pour tout i on trouve λi −μi = 0, donc (λ1, …, λn) = (μ1, …, μn). Donc la décomposition est unique.
Réciproquement, supposons que tout vecteur de E se décompose d'une unique façon comme combinaison linéaire sur (e1, …, en). Alors par définition, la famille (e1, …, en) est génératrice. En outre, le vecteur nul ne peut admettre d'autre décomposition que celle avec les coefficients tous nuls, donc la famille est libre. Finalement, c'est donc une base.
Supposons que les espaces F et G sont supplémentaires dans E et que les familles (f1, …, fp)
et (g1, …, gq) soient des bases respectives.
Soit x ∈ E.
Il existe (y, z) ∈ F × G
tel que x = y + z
et il existe (λ1, …, λp, μ1, …, μq) ∈ Kp+q
tel que
y = ∑i=1p λi.fi
et z = ∑i=1q μi.gi
donc x = ∑i=1p λi.fi + ∑i=1q μi.gi, donc la famille ℰ est génératrice dans E.
Soit (λ1, …, λp, μ1, …, μq) ∈ Kp+q tel que
∑i=1p λi.fi
+ ∑i=1q μi.gi= 0.
Alors on trouve
∑i=1p λi.fi
= −∑i=1q μi.gi ∈ F ∩ G donc ces deux combinaisons linéaires sont nulles, donc tous leurs coefficients sont nuls. Donc la famille ℰ est libre.
Réciproquement, supposons que ℰ
soit une base de E.
En particulier, elle est libre donc les sous-familles
(f1, …, fp)
et (g1, …, gq) aussi,
donc ce sont des bases respectives de F et G.
Pour tout x ∈ E,
il existe (λ1, …, λp, μ1, …, μq) ∈ Kp+q
tel que
x = ∑i=1p λi.fi
+ ∑i=1q
μi.gi
∈ F + G donc E = F + G.
Soit x ∈ F ∩ G. Il existe (λ1, …, λp, μ1, …, μq) ∈ Kp+q tel que x = ∑i=1p λi.fi = ∑i=1q μi.gi donc par unicité de la décomposition sur ℰ, tous les coefficients sont nuls donc on obtient x = 0. Par conséquent, on trouve F ∩ G = {0}, donc les sous-espaces F et G sont supplémentaires.
Ce théorème montre que tout espace vectoriel admettant une famille génératrice admet aussi une base.
On pose ℱ0 = ℱ, qui est libre et qui engendre le vecteur nul.
Soit k ∈ [[0 ; q − 1]] tel qu'il existe famille libre ℱk = (f1, …, fr) satisfaisant l'hypothèse de récurrence. On distingue deux cas.
Puisque la propriété est initialisée et héréditaire, elle est vraie pour k = q donc la famille ℱq est libre, composée des vecteurs de ℱ et de vecteurs de 𝒢 et elle engendre Vect(g1, …, gq) = E. Donc il s'agit d'une base de E.
Une famille de vecteurs de E est dite libre maximale si elle ne peut pas être prolongée avec un vecteur en une famille libre de E.
Toute famille libre maximale est une base.
Pour p = 1,
on a donc f1 ∈ E \ {0} et E = Vect(g1, …, gq)
donc il existe (μ1, …, μq) ∈ Kq
tel que
f1 = ∑i=1q μi.gi.
Or on a f1 ≠ 0 donc il existe j ∈ [[1 ; q]] tel que μj ≠ 0
et
gj = −1μj
(∑i=1qi ≠ j μi.gi − f1).
Donc la famille obtenue en remplaçant gj par f1 dans 𝒢 est génératrice de E.
Soit p ∈ N
telle que la propriété soit vraie au rang p.
Soit (f1, …, fp+1)
une famille libre de vecteurs de E
et 𝒢
une famille génératrice de E.
Par hypothèse de récurrence, on a p ≤ q
et il existe une sous-famille (g′1, …, g′q−p)
de 𝒢 telle que la famille 𝒢′ = (f1, …, fp, g′1, …, g′q−p) soit génératrice également dans E.
En particulier, il existe (λ1, …, λp, μ1, …, μq−p) ∈ Kq tel que
fp+1
= ∑i=1q λi.fi
+ ∑i=1q−pμi.g′i.
Supposons que pour tout j ∈ [[1 ; q−p]] on ait μi = 0.
Alors la combinaison linéaire nulle
fp+1
− ∑i=1q λi.fi
sur la famille libre (f1, …, fp+1) devrait avoir des coefficients tous nuls, ce qui n'est pas le cas.
On en déduit q − p ≥ 1 et qu'il existe j ∈ [[1 ; q − p]] tel que μj ≠ 0, d'où
g′j
= −1μj
(∑i=1q−pi ≠ j
μi.g′i
+ ∑i=1p
λi.fi − fp+1).
Donc la famille obtenue en remplaçant g′j par fp+1 dans 𝒢′ est génératrice.
En particulier, ce lemme montre que toute famille libre a moins de termes qu'une famille génératrice, ce qui permet de démontrer facilement le résultat suivant.
Un K-espace vectoriel E est dit de dimension finie s'il admet une famille génératrice et dans ce cas, sa dimension, notée dimK(E) est le nombre de termes dans chacune de ses bases.
On omet parfois de préciser le corps lorsqu'il n'y a pas d'ambiguïté.
Dans un espace vectoriel de dimension finie n, d'après le lemme de Steinitz d'une part, toute famille libre a au plus n termes et toute famille génératrice a au moins n termes ; d'après le théorème de la base incomplète d'autre part, toute famille libre ou génératrice avec n termes est une base.
Si E est de dimension finie, tout sous-espace vectoriel strict de E est de dimension finie strictement inférieure.
Soient F et G deux sous-espaces supplémentaires de E. L'espace E est de dimension finie si et seulement si les sous-espaces F et G le sont et dans ce cas, on a l'égalité dim(E) = dim(F) + dim(G).
Dans un espace vectoriel de dimension finie, tout sous-espace vectoriel admet un supplémentaire.
Si E et F sont deux espaces vectoriels de dimension finie, alors E×F est de dimension finie aussi avec dim(E × F) = dim(E) + dim(F).
Cette famille engendre les vecteurs de la base de F et ceux de la base de G donc elle est génératrice dans F + G.
Soit (λ1, … , λn, μ1, … , μq) ∈ Kn+q tel que ∑k=1n λk.ek + ∑k=1q μk.e′k = 0. Alors on a ∑k=1n λk.ek = −∑k=1q μk.e′k ∈ F ∩ G donc par unicité de la décomposition dans F, on trouve pour tout k ≤ p, λk = 0 puis par unicité de la décomposition dans G on obtient que les autres coefficients sont nuls.
Finalement, on obtient dim E = n + q = dim F + (dim G − dim (F ∩ G)).