Corps des nombres réels

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Reprenons pied sur le réel
Nerval, Les Filles du feu, « Sylvie », 1854, p. 597.

Les nombres réels peuvent se concevoir comme les nombres s’écrivant avec un signe (positif ou négatif), un nombre fini de chiffres avant la virgule et une suite infinie de chiffres (éventuellement nuls) après la virgule.

Structure algébrique

Définitions

L’ensemble R, muni des opérations d'addition et de multiplication, est un corps commutatif, c'est-à-dire qu'il satisfait les propriétés suivantes :

Pour tout couple de réels (a, b), on définit alors la différence ab = a + (−b), résultat de la soustraction et si b ≠ 0, le quotient  a/b = a / b = a × b−1 est le résultat de la division.

Pour tout réel a, on définit aussi son carré a2 = a × a.

Premières propriétés

Tout nombre réel a un seul opposé et tout nombre réel non nul a un seul inverse.

Tout nombre réel est l'opposé de son opposé.

Le nombre 0 est absorbant pour la multiplication : pour tout réel a, on a 0 × a = 0, donc 0 n'a pas d'inverse.

On en déduit aussi que pour tout réel a, on a a = (−1) × a et en particulier, (−1)2 = (−1) × (−1) = −(−1) = 1.

On trouve aussi que l'inverse d'un nombre réel non nul n'est jamais nul et que tout nombre réel non nul est l'inverse de son inverse.

Changement de signe
Pour tout (a, b) ∈ R2, on a −(a + b) = −ab et −(ab) = −a + b.
Identités remarquables
Pour tout (a, b) ∈ R2, on a :
  • (a + b)2 = a2 + b2 + 2ab
  • (ab)2 = a2 + b2 − 2ab
  • (a + b)(ab) = a2b2.
Règle d’annulation du produit
Le produit de deux réels est nul si et seulement si l’un des deux facteurs est nul.

Fractions

Pour tout (a, b, c, d) ∈ R4 tel que c ≠ 0 et d ≠ 0, on a les propriétés suivantes.

Caractérisation de l'égalité avec les produits en croix
a/c = b/dad = bc
Propriétés de calcul
  • a = a/1
  • a/c × b/d = ab/cd
  • a/c + b/c = a + b/c
  • a/c + b/d = ad + bc/cd
  • a/b = a/b = a/b
  • 1/c/d = d/c.

Relation d’ordre total

L'ensemble R est muni d'un ordre total. On dit qu'un réel est positif s'il est supérieur ou égal à 0. Il est négatif s'il est inférieur ou égal à 0. En particulier, 0 est le seul réel qui soit à la fois positif et négatif.

Règles de compatibilité

Les opérations d’addition et de multiplication sont compatibles avec la relation d’ordre total, c’est-à-dire qu’on a pour tout (a, b, c) ∈ R3 :

La règle de compatibilité avec l’addition aboutit aux propriétés suivantes.

Pour tout (a, b, c, d) ∈ R4 :

En particulier, l'opposé d'un réel positif est négatif, et réciproquement.

La deuxième règle de compatibilité donne alors la règle des signes.

Règle des signes
×+
++
+
Règle des signes
Le produit ou le quotient de deux nombres de même signe est positif ; le produit ou le quotient de deux nombres de signes contraires est négatif.

En particulier, tout carré est positif, donc 1 est positif.

Cette règle permet aussi de démontrer les propriétés suivantes.

Pour tout (a, b, c, d) ∈ R4 :
On a les équivalences suivantes :

Intervalles

Pour tout (a, b) ∈ R2 tel que a < b, on définit quatre intervalles d’extrémités a et b, qui sont :

fermé
[a, b] = {xR : axb}
ouvert
]a, b[ = {xR : a < x < b}
semi-ouvert à gauche
]a, b] = {xR : a < xb}
semi-ouvert à droite
[a, b[ = {xR : ax < b}

Pour tout aR on définit aussi deux intervalles fermés [a, +∞[ = {xR : ax} et ]−∞, a] = {xR : xa} et deux intervalles ouverts ]a, +∞[ = {xR : a < x} et ]−∞, a[ = {xR : x < a}.

Les éléments −∞ et +∞ ne représentent pas des réels, mais peuvent être conçus comme des éléments supplémentaires d'un ensemble appelé droite réelle continuée et noté R.

L'ensemble R = ]−∞ ; +∞[ est aussi un intervalle (à la fois ouvert et fermé), de même que les intervalles dégénérés que sont le vide et les singletons de la forme {a}.

On note aussi R+ = {xR : x ≥ 0} = [0 ; +∞[ et R = {xR : x ≤ 0} = ]−∞ ; 0]. Un éventuel astérisque indique que l’on exclut 0 : R* = {xR : x ≠ 0} = ]−∞ ; 0[ ∪ ]0 ; +∞[.

Soit (a, b) ∈ R2 tel que a < b.
L'intervalle ]a, b[ contient le réel a + b/2 donc il est non vide.

Majoration, minoration et extremum

Soit A une partie de R.
Elle est dite minorée s'il existe mR tel que pour tout xA, on ait mx.
Elle est dite majorée s'il existe MR tel que pour tout xA, on ait xM.
Elle est dite bornée si elle est à la fois minorée et majorée.
Un maximum (ou plus grand élément) de A est un majorant de A qui appartient à A.
Un minimum (ou plus petit élément) de A est un minorant de A qui appartient à A.

L'intervalle ]0 ; 1] est majoré par 1 (mais aussi par 2 et par tout nombre plus grand que 1), minoré par 0 (mais aussi par tout nombre négatif). Il admet 1 comme maximum mais n'admet pas de minimum.

Une partie ne peut admettre deux maximums distincts, ni deux minimums distincts.

On note respectivement max(A) et min(A) le maximum et le minimum d'une partie A de R, lorsqu'ils existent.

Pour toute partie A de R, on appelle symétrique de A l'ensemble {−x, xA}. On dit que la partie A est symétrique par rapport à 0 si elle est son propre symétrique.

Racine carrée

Définition et premières propriétés

Pour tout xR+ il existe un unique rR+ tel que r2 = x. On le note x et on l'appelle racine carrée de x.

En particulier, on a 0 = 0 et 1 = 1.

Opérations sur les radicaux
Pour tout (a, b) ∈ (R+)2 on a a × b = a × b et si b > 0, a/b = a / b
Inégalités avec les radicaux
Pour tout (a, b) ∈ (R+)2, on a l'équivalence ab  ⇔  ab.
Pour tout a ∈ ]0 ; 1[, on a a > a
et pour tout a ∈ ]1 ; +∞[, on a a < a.

Trinôme du second degré

Un trinôme du second degré à coefficients réels en la variable x est une expression s'écrivant sous la forme ax2 + bx + c, où a, b et c sont trois réels indépendants de x avec a ≠ 0. Dans ce cas, le réel Δ = b2 − 4ac est appelé discriminant du trinôme.

L'équation ax2 + bx + c = 0 d’inconnue x est alors appelée équation du second degré et ses solutions sont les racines du trinôme.

On distingue trois cas.
Soit (a, b, c) ∈ R* × R2. On note Δ = b2 − 4ac.

Pour tout xR on a ax2 + bx + c = a(x2 + b/a x + c/a) = a((x + b/2a)2b2/4a2 + 4ac/4a2)
= a((x + b/2a)2Δ/4a2)
dont la dernière forme est appelée forme canonique et on se ramène bien à l'un des trois cas suivants.

Le signe d'un trinôme du second degré ax2 + bx + c est du signe de son coefficient dominant a sauf entre ses éventuelles racines.

On distingue deux cas en fonction du signe du discriminant.

Ensembles de nombres

L'ensemble N des entiers naturels peut être caractérisé dans l'ensemble R des nombres réels comme la plus petite partie (au sens de l'inclusion) vérifiant les conditions suivantes :

On peut en déduire les axiomes de N.

À partir de cet ensemble, on peut définir Z = N ∪ {−n, nN}, ensemble des entiers relatifs, et Q = {p/q, (p, q) ∈ Z × N}, ensemble des rationnels.

On obtient la série d'inclusions NZQR qui sont toutes strictes. En effet, on démontre

On définit aussi pour tout (n, p) ∈ Z2 l'intervalle d'entiers [[n, p]] = [n, p] ∩ Z.

L'ensemble Z est un groupe abélien pour l'addition, c'est-à-dire que :

On obtient aussi les propriétés suivantes.

Pour tout réel x, le plus grand entier relatif inférieur à x est appelé partie entière de x et noté E(x) ou x.

Pour tout xR on a E(x) ≤ x < E(x) + 1.

Pour tout xR, la différence x − E(x) ∈ [0 ; 1[ est la partie fractionnaire de x.

Puissance d'un nombre

On définit par récurrence les puissances de tout nombre réel a par a0 = 1 et pour tout nN, an+1 = an × a.

Opérations sur les puissances
Pour tout (a, b, n, p) ∈ R2 × N2,
  • on a an+p = an × ap et (an)p = an×p
  • on a (ab)n = anbn
  • si b ≠ 0 alors (a/b)n = an/bn
  • si a ≥ 0 alors an = (a)n.
Inégalités sur les puissances
Pour tout (a, b, n, p) ∈ R2 × N2,
  • si 0 ≤ a < b et n > 0 alors 0 ≤ an < bn
  • si a ≥ 1 et np alors anap
  • si a > 1 et n > p alors an > ap
  • si 0 ≤ a ≤ 1 et np alors anap
  • si 0 < a < 1 et n > p alors an < ap

Puis on définit pour tout (b, n) ∈ R* × N*, bn = 1/bn, ce qui permet de généraliser les formules d'opérations sur les puissances avec des exposants entiers relatifs, à condition que la base soit non nulle.

Inégalité de Bernoulli
Pour tout xR tel que x ≥ −1, pour tout nN, on a (1 + x)n ≥ 1 + nx.
Soit xR tel que x ≥ −1. On procède par récurrence.

On a (1 + x)0 = 1 = 1 + 0x donc la propriété est vraie au rang 0.

Soit nN tel que (1 + x)n ≥ 1 + nx. On a (1 + x)n+1 = (1 + x)n(1 + x) or 1 + x ≥ 0 donc on trouve (1 + x)n+1 ≥ (1 + nx)(1 + x) = 1 + x + nx + nx2 ≥ 1 + (n + 1)x.

Finalement, par principe de récurrence, l’inégalité est vraie pour tout nN.

Valeur absolue

Formulation analytique

La valeur absolue d’un réel x se note |x| et est définie par : |x| = x si x ≥ 0 ; |x| = −x sinon.

Pour tout xR on a l’égalité |x| = |x| et les inégalités : |x| ≥ 0 et |x|x|x|.

Soit xR. On distingue deux cas.

Relations algébriques

Pour tout (x, y) ∈ R2, |x × y| = |x| × |y|
et si y ≠ 0, |x/y| = |x| / |y|.

On distingue les quatre cas selon les signes de x et de y.
Inégalité triangulaire
Pour tout (x, y) ∈ R2, on a |x + y||x| + |y| avec égalité si et seulement si x et y sont de même signe.
Puisque les deux expressions sont positives, l'inégalité est équivalente à (x + y)2(|x| + |y|)2
x2 + y2 + 2xyx2 + y2 + 2|xy|
⇔ 2xy ≤ 2|xy|
, ce qui est vrai d'après la propriété précédente. Le cas d'égalité correspond aux relations xy = |xy|  ⇔  xy ≥ 0 ce qui donne la condition annoncée par règle des signes.

Équations et inéquations

On démontre les résultats suivants pour tout (A, B) ∈ R2.