Vincent m’a fait remarquer il y a quelques semaines que cette nouvelle année serait certainement la seule de notre vie qui soit numérotée par un carré parfait : 2025 = 45 × 45. Comme en plus ce carré est obtenu à partir d’un nombre triangulaire 45 = 1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + 7 + 8 + 9, cela signifie qu’il est aussi une somme partielle de cubes : 2025 = 1³ + 2³+ 3³+ 4³ + 5³ + 6³ + 7³ + 8³ + 9³. D’autres propriétés arithmétiques dont listées sur de nombreux sites comme le blog Choux romanesco, vache qui rit et intégrales curvilignes.
Ce jeu de recherche des propriétés du nombre décrivant l’année en cours pourrait s’apparenter à une étude numérologique mais il ne dit rien des évènements à venir (en dehors bien sûr des cycles réguliers calendaires, d’élections ou de rencontres sportives notamment). Pour les mathématiciens, il s’agit surtout de s’amuser avec un objet d’actualité et de vulgariser certaines notions auprès du grand public.
L’an 2000 a été l’occasion de festivités particulières, longtemps présenté comme un symbole du futur. Les sectes millénaristes n’ont pas eu beaucoup plus de succès qu’autour de l’an mil mais sans doute pour des raisons différentes. Les annonces catastrophistes de l’époque se sont plutôt portées sur l’éclipse de 1999 ou la fin du calendrier maya en 2012, sans que cela ait vraiment inquiété une fraction notable de l’opinion publique. La crainte du bug de l’an 2000 était sans doute plus fondée, mais le passage informatique s’est finalement déroulé sans accroc visible.
Les palindromes ont souvent du succès, qu’il s’agisse de l’année seule, comme 1991 ou 2002, ou de la date au format standard, comme le 22 février 2022 ou le 3 février 2030. Les doubles palindromes sont forcément plus rares, il n’y en a que trois dans notre calendrier : le 10 janvier 1001, le 20 février 2002 et le 21 décembre 2112. Ils constituent aussi des palindromes graphiques en étant lisibles à l’endroit et à l’envers sur un système d’affichage à sept segments.
Spectacles
L’Opéra national du Rhin nous a régalé avec le ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski. Bravo à Rubén Julliard pour la chorégraphie très dynamique, servie par des danseurs merveilleux, et à Thibaut Welchlin pour les costumes magnifiques (et mention spéciale pour le monstre-ressort).
Le Maillon accueillait Reclaim, spectacle de cirque fondé sur une sorte de rituel chamanique au milieu d’un cercle de bancs dont émergent des cris et des crânes parmi les spectateurs. C’est drôle, impressionnant, dans une proximité que j’ai rarement vue en salle et bien servi par une chanteuse et deux violoncellistes qui ne s’arrêtent pas, même portées à plusieurs mètres du sol.
Au TAPS, Camarades est jouée par la Compagnie les Maladroits, un quatuor de comédiens pleins d’énergie, dans un travail assez intéressant sur la matière de la craie qui représente tour à tour des personnages d’une maquette, la fumée de cigarette, les bombes lacrymogènes lors d’une manifestation… Car ils explorent les revendications féministes de 1968, sans une seule femme sur scène cela dit.
Nous avons retrouvé avec plaisir Rachid Bouali dans les trois rôles de Dissolution, au TAPS également : un père, son fils et le grand-père mourant. La mise en scène sobre de Julia Vidit s’appuyait sur blanc hospitalier rehaussé de quelques éléments rouge vif que le comédien a su bien expliquer dans la rencontre plateau. Mais le texte ne nous a pas vraiment convaincus.
Au TNS, La Symphonie tombée du ciel est produite par l’orchestre La Sourde sur des témoignages de miracles, avec un travail assez intéressant sur la musicalité des paroles et la transformation du texte en musique. Nous avons juste regretté que cela se fasse parfois au détriment de l’intelligibilité.
Films
Avec Habemus Papam, Nanni Moretti imagine un souverain pontife (excellent Michel Piccoli) qui refuse de se montrer aux fidèles juste après son investiture. Les règles du secret s’emballent et piègent les cardinaux dans l’enceinte du Vatican, réduits à jouer au volleyball avec un psychanalyste appelé à la rescousse. C’est drôle et pas tout à fait réaliste.
Qui a vraiment le rôle-titre dans Un Homme heureux de Tristan Séguéla ? Fabrice Luchini ? ou Catherine Frot qui joue sa femme… et veut être reconnue comme homme ? L’histoire est pleine de bons sentiments, mais reste un peu caricaturale, avec des petits rôles assez rudimentaires.
Bande dessinée et récits graphiques
Documentaire
Lou Lubie revient avec Racines, une analyse informée mais très accessible sur le traitement des cheveux crépus en lien avec le regard de la société sur la chevelure.
Madeleine, résistante est une série en trois tomes de Bertail et Morvan sur la jeunesse de Madeleine Riffaud, avant et pendant la seconde guerre mondiale. Le dessin est très beau, en teintes de bleu, et l’histoire captivante.
Petit Pays est l’adaptation du roman de Gaël Faye avec Sylvain Savoia et Marzena Sowa. Un enfant du Burundi, de père français et de mère rwandaise, assiste à la violence montante qui déborde du Rwanda voisin. Le récit et dur et pourtant plein de tendresse.
Nicolas Wild tente de répondre à la question À quoi pensent les Russes avec cette BD-reportage auprès des habitants eux-mêmes en Russie en 2022. Il y a de tout, mais c’est l’embrigadement de la jeunesse qui me laisse le plus de sueurs froides.
Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin s’attaquent maintenant à L’Arnaque des nouveaux pères en relevant les contradictions et les faux-semblants de l’engagement visible de certains. Ça fait du bien de modérer un peu l’enthousiasme de ceux qui pensent que l’égalité est atteinte, et en même temps on ne voudrait pas décourager les avancées, fussent-elles timides.
Psychotique est un témoignage de l’auteur, Jacques Mathis, sur son vécu en hôpital et à l’extérieur. Le dessin de Sylvain Dorange soutient ce rapport à la réalité à la fois simple et confus.
Fiction
Le dernier tome des Notes de Boulet, Un Royaume magique, toujours avec un humour ravageur, interroge notre représentation du monde et les choix qu’opère ce crétin de cerveau.
Le premier tome du Petit traité d’écologie sauvage d’Alessandro Pignocchi pose les bases de sa société renversée, avec des dirigeants qui veulent fuir le pouvoir pour intégrer le monde sauvage. Il est peut-être un peu moins jubilatoire que le deuxième album.
Moon de Cyrille Pomès décrit des adolescents dans la sphère des réseaux sociaux les mêmes batailles d’influence et de représentation qui animaient déjà à cet âge les générations précédentes. J’ai apprécié la profondeur des personnages et leur dessin moins réaliste que les décors qui les entourent.
Automne en baie de Somme est un polar de Philippe Pelaez avec Alexis Chabert. Le dessin est assez beau, l’histoire plus convenue : le cadavre trouvé dans un bateau est celui d’un industriel philanthrope mais qui aurait intérêt à sa disparition ?
Je suis retombé sur L’Anneau des Castellac de Peyo, une aventure de Johan et Pirlouit dans laquelle ils vont chercher les preuves du complot contre un duc emprisonné malgré le versement de la rançon. La scène de confection du britchabrotch rappelle celle de l’infâme potion concoctée par Astérix dans Les Lauriers de César.
La Fée assassine d’Olivier Grenson déroule l’enfance d’une jeune femme maltraitée par sa mère et qui tient grâce à sa sœur jumelle, jusqu’au drame.
Dans Mortesève, Quentin Rigaud reprend la traditionnelle quête de l’animal fabuleux qui doit sauver une région. Je n’ai pas vraiment aimé le scénario, parfois confus, ni le dessin.
Jeux
Le Château blanc de Sheila Santos et Israel Cendrero est un jeu de placement d’ouvriers en trois manches de trois tours avec un tirage de dés commun à tous les joueurs, dans et autour du château de Himeji au Japon. Les nombreuses possibilités et les variations des dispositions de bonus en début de partie rendent les parties assez riches au-delà de la simplicité du mécanisme.
Dans Harmonie, chaque joueur aménage son plateau avec différents terrains pour accueillir des espèces animales. Le jeu est très coloré avec de belles illustrations et repose sur la reproduction de motifs combinatoires.
Skull King est un jeu de plis avec atouts et des têtes (pirates et sirènes) en domination non transitive, dans lequel il faut essayer de remporter exactement le nombre de plis annoncés. Les pirates ont même des pouvoirs activables pour corser la stratégie. C’est sympathique et efficace.
Tom Lehmann reproduit dans Jump Drive le mécanisme de The City déjà décrit ici, avec les images de Race For The Galaxy. Le recyclage fonctionne assez bien.
Far Away représente un voyage dans lequel chaque joueur tire et pose une carte (personnage ou paysage) pendant huit tours, chaque carte rapportant des points en fonction des suivantes. Les illustrations colorées et la rapidité en font un petit jeu agréable avec une combinatoire pas trop compliquée.
Sea Salt and Paper est aussi un jeu de cartes où les combinaisons rapportent des points et des petits pouvoirs comme rejouer ou prendre au hasard chez les adversaires. Les très jolies illustrations en origami sont pour beaucoup dans l’attrait du jeu.
Maudit mot dit est un jeu de devinette dans lequel le nombre d’indices à donner est fixé. Il faut donc que les autres joueurs trouvent, mais pas trop vite. La contrainte est originale. Nous avons laissé de côté les cartes spéciales de malus qui nous semblaient superflues.