La première fois que j’ai entendu parler de culture du viol, j’ai trouvé l’expression maladroite. Je ne voyais pas de transmission de valeurs en ce sens. Bien sûr, le sujet est présent dans les médias, mais il me semblait naïvement que c’était forcément présenté comme un mal. Par exemple, le conte du Petit Chaperon rouge ou certaines chansons traditionnelles telle À la pêche aux moules ont pu tenir lieu d’avertissement pour les plus jeunes.
Pourtant, en y faisant plus attention, parmi les nombreuses manifestations du sexisme ordinaire, j’ai commencé à distinguer des éléments qui contribuent à perpétuer une norme du droit de disposer du corps de l’autre dans un rapport de domination. L’autre jour, immédiatement après l’annonce de la découverte du corps de Lina Delsarte, la radio diffusait la chanson Cœur de loup de Philippe Lafontaine : La victime est si belle et le crime est si gai
. Bien sûr, cela ne se veut pas un appel au viol. Mais il y a des juxtapositions qui sont dommageables.
Certaines œuvres connues sont construites sur une agression sexuelle réelle, comme le baiser volé de Times Square ou le viol du Dernier Tango à Paris. Mais même en ne considérant que le viol fictif, il est bien souvent banal voire joyeux, perpétré par un héros positif.
Force est de constater que même des auteurs que j’apprécie y passent. Dans L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch, Judith Godrèche interprète une jeune femme qui ne parvient pas à se soustraire à l’emprise du personnage joué par Romain Duris, sur les conseils d’une autre femme (Cécile de France). Jean Ferrat chante Pardonnez-moi mad’moiselle d’avoir frôlé vos dentelles, effleuré vos bas nylon, [sans] excuse officielle, ni justification
. Pierre Desproges raconte l’origine de son éviérisme dans le sketche Obsessions de son premier spectacle, avec la prise en soudard
de la matrone Anita. Charles Aznavour évoque le renversement malgré tes prières à corps défendant [de] ta robe légère et tes dix-sept ans
dans le petit bois de Trousse chemise. Tous se décrieraient sans doute (pour ceux qui sont encore vivants) qu’on puisse imaginer qu’ils promeuvent ces comportements. Mais reste que dans notre culture, l’impunité associée est écrasante.
Qu’on ne se méprenne pas : je n’appelle pas à censurer ces œuvres. Simplement, il me semble nécessaire d’identifier le phénomène et de reconnaitre que notre modèle culturel avalise la situation, rendant d’autant plus délicate le soutien aux victimes. Il serait temps d’apporter un contrepoids à cet état de fait.
Visites
Pour dépasser la grisaille ambiante, quelle bonne idée d’aller faire un tour au Champ du feu ! Au-dessus de la mer de nuages, une promenade au frais mais sous un beau soleil d’automne a permis de recharger les batteries.
Spectacles
Au Théâtre national de Strasbourg, Inconditionnelles de Kae Tempest est mise en scène par Dorothée Munyaneza avec humour, poésie et énergie. Deux femmes s’épaulent en prison ; l’une d’elles craint sa prochaine libération, tandis que l’autre reste et compose des chansons.
L’Opéra national du Rhin présente Ariodante de Haendel, sur un complot de cour via la calomnie de la princesse. La mise en scène de Jetske Mijnssen est très réussie, avec des décors assez épurés d’Étienne Pluss et une exploitation intelligente des passages instrumentaux, notamment avec une entrée jouée par des enfants.
À la Cité de la Musique et de la Danse est créée Les Trois Brigands de Didier Puntos, d’après l’album de Tomi Ungerer. La musique contemporaine y est plutôt agréable mais l’articulation des chanteurs ne nous a pas permis de comprendre le texte. Est-ce pour ne pas faire de différence entre les spectateurs de tous âges que la structure s’interdit le surtitrage ? Les costumes de Violaine Thel sont vraiment remarquables, avec un travail sur la bidimensionalité qui semble faire émerger les personnages de pages de papier.
À Pôle-Sud, Alessandro Bernardeschi et Maura Paccagnella dansent leur Closing Party (arrivederci e grazie) avec pas mal de texte plutôt réjouissant et une chorégraphie plutôt simple en apparence. Le résultat est assez sympathique mais sans plus.
Toujours à Pôle-Sud, j’ai été beaucoup moins convaincu par Amour-s de Rahouane El Meddeb. Trois tableaux de danse solo sont censés évoquer l’amour mais ne m’ont pas accroché. Tant pis. L’accompagnement au piano était un peu plus intéressant, sans vraiment briller quand même.
Films
J’avais beaucoup aimé le livre de Douglas Adams et je craignais d’être déçu par le film : H2G2, le guide du voyageur galactique réalisé par Garth Jennings s’en sort honnêtement. Le jeu de Martin Freeman (Arthur Dent) y contribue bien sûr. Forcément, la mise en images du missile-cachalot est plus lourde que les deux pages du texte qui y sont consacrées, mais les répugnants Vogons sont assez bien rendus.
Textes de théâtre
Pour un oui ou pour un non est un dialogue de Nathalie Sarraute entre deux hommes qui se disputent pour des mots échangés antérieurement.
Homini Lupus mélange trois monologues prononcés dans des situations très différentes mais dont les expressions se répondent parfois et qui montrent tous une violence humaine.