Des dessins tout frais arrivent quasiment quotidiennement sur votre ordinateur avec les nombreux blogs BD. C’est encore mieux s’ils sont munis de flux RSS, comme ça il n’y a pas besoin d’aller manuellement vérifier s’ils ont été mis à jour : votre lecteur de flux se charge de faire le tour à votre place et vous prévient de chaque nouvelle entrée (voire vous la sert directement pour les plus conciliants).
Parmi les plus réguliers actuellement, je citerai xkcd de Randall Munroe, qui se présente comme webcomic of romance, sarcasm, math, and language, avec ses personnages batons en noir et blanc mais extraordinaire dans ses références scientifiques et parfois inventif dans sa forme (plusieurs interfaces interactives sont remarquables). Questionable Content de Jeph Jacques a énormément évolué sur le plan graphique depuis ses débuts, mais je l’apprécie surtout pour son exploration d’un monde contemporain mais dans lequel des androïdes partagent la vie des humains sans rapport hiérarchique net. Non Sequitur alterne entre des gags en une image et des histoires courtes, parfois avec quelques personnages récurrents. Le célèbre Garfield de Jim Davis est un chat gourmand et paresseux qui endure stoïquement les fantaisies ridicules de son maitre. Une année au lycée de Fabrice Erre met en scène un prof d’histoire-géographie dans le monde merveilleux de l’Éducation nationale.
Plus occasionnel, Pepper & Carrot est un webcomic libre de David Revoy sur une jeune sorcière du chaos et son chat. False Knees de Joshua Barkman met en scène des petits animaux qui parlent dans des histoires un peu déjantées qui peuvent s’étaler sur plusieurs épisodes.
Parmi les séries désormais taries mais dont on peut consulter les archives, il y a les Notes de Boulet, qui couvrent 17 ans d’histoires personnelles ou imaginaires avec beaucoup de petits traits. Piled Higher and Deeper de Jorge Cham reprend les initiales de PhD pour des gags de quelques cases sur différents doctorants et personnels d’université. Dans Yodablog Thierry Vivian réutilise les personnages de Star Wars dans des gags pas toujours très fins mais assez souvent drôles. Stand Still Stay Silent de Minna Sundberg a un beau prologue apocalyptique dans les pays scandinaves et un déroulement plus fantastique dans les deux livres qui suivent.
Sorties
À la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg, l’exposition Mari présente quelques pièces issues des fouilles archéologiques de cette cité de l’actuelle Syrie. Le protomé, une tête de lion verte emblématique est effectivement impressionnante. J’y ai découvert aussi la divination sur les foies, à l’aide d’une collection de modèles en terre commentés sur leur surface. Beaucoup de documents concernent le travail des explorateurs sur le terrain au cours du XXe siècle, ainsi que la déterioration du site par excavation mécanique et autres missiles depuis le début du XXIe du fait de l’instabilité politique et sociale dans la région.
Vidéo
La Revanche des Crevettes pailletées est une comédie française de Cédric Le Gallo en Maxime Govare qui traite de l’homosexualité masculine avec intelligence et beaucoup d’humour. On y suit les déboires d’une équipe de water-polo française en partance pour les Gay Games à Tokyo, bloquée pour vingt-quatre heures en Russie, confrontée à une société pas toujours très progressiste sur la question de l’orientation sexuelle. Loin de la dérision convenue des films grand public, j’ai trouvé que la thématique était abordée avec justesse et respect, parvenant à rester léger tout en soulignant certaines situations critiques.
Les Poupées russes est le deuxième volet du cycle de Cédric Klapisch entamé avec L’Auberge espagnole, dont on retrouve avec plaisir la bande d’étudiants internationale. Romain Duris reprend un Xavier pipauteur multipliant les aventures affectives (je n’ose dire « amoureuses » tant le faire semble prendre le pas sur être avec) au risque de collisions. Il est à peu près aussi facile d’y lire une critique féministe du comportement de mâle consommateur qu’une valorisation de ce même comportement. Mais les images de Saint-Pétersbourg me rappellent bien de souvenirs.
J’ai emprunté en médiathèque un DVD des Guignols de l’info de la grande époque de la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac, alors président de la République. Mine de rien, c’est un bon cours d’histoire de la vie politique française, entre les minutes nécessaires de Jospin et les avanies des ténors de la droite. Les déboires du chef de l’État face à un ordinateur portable récalcitrant sont également délectables.
Le Discours est une adaptation par Laurent Tirard du roman de Fabcaro où le narrateur se ronge les sangs à l’idée de devoir prendre la parole au mariage de sa sœur. On retrouve l’univers gentiment absurde et un brin pessimiste caractéristique de l’auteur. J’étais presque étonné que l’histoire finisse aussi bien. L’action est un peu statique, vu qu’elle se passe en bonne partie à table, et les quelques adresses caméra ou les dédoublements du personnage principal ne m’ont pas semblé très efficaces pour rendre compte de ses atermoiements. Mais il y a quelques passages assez drôles et l’ensemble reste plaisant.
Le Chat potté 2 (Joel Crawford et Januel Mercad) poursuit l’histoire de ce personnage de l’univers de Schrek, hableur magnifique en bottes et chapeau à plumes, ici à la recherche du dernier vœur d’une étoile filante pour récupérer ses vies perdues. L’intrigue n’est pas très compliquée, et seule la famille de Boucle d’or et les trois ours semble apporter un peu de profondeur au récit. Mais l’animation m’a semblé franchement sommaire sur toutes les scènes d’action. C’était sans doute voulu, mais à mon sens pas très heureux.
Spectacles
Please continue, Hamlet est un projet théâtral assez extraordinaire de Yan Duyvendak, consistant à faire le procès d’un cas fictif (mais fondé en partie sur des faits réels et en partie sur l’histoire de la pièce de Shakespeare) par des professionnels de la justice avec des comédiens qui incarnent l’accusé et les deux témoins (Ophélie et Gertrude). Il n’y a donc pas de texte écrit pour la performance sur scène, seulement un contexte très cadré en amont pour les trois comédiens. Pendant la délibération du jury, constitué de spectateurs tirés au sort, le reste du public est informé du nombre de soirs où Hamlet est innocenté ou condamné, avec le détail des peines reçues. J’avais été complètemen bluffé par ce que cela disait de la justice, de son irréductibilité à un algorithme de décision, mais aussi de la puissance du théâtre pour explorer le fonctionnement social et humain. C’était il y a plus de 5 ans, mais si j’en parle aujourd’hui c’est que je viens de tomber sur un document de 100 pages dans lequel l’auteur principal décrit diverses anecdotes glanées au cours des presque 15 ans de production, et c’est vertigineux.
Carmen. clot la trilogie de François Gremaud, après Phèdre ! et Giselle…, également écrites d’après des titres d’œuvres nommant des femmes. Rosemary Standley y raconte à la fois la trame de cet opéra comique et son contexte historique avec précision et humour, tout en interprétant vocalement de nombreux airs sur toutes les tessitures. Elle révèle ainsi une maitrise vocale époustouflante, jouant même à varier les timbres d’un rôle à l’autre. Elle est accompagnée d’un quintette de musiciennes impeccables qui recréent les parties instrumentales avec une flûte, un violon, un accordéon, une harpe et un saxophone, plus quelques percussions.
Lacrima est la première création de Caroline Guiela Nguyen depuis son installation au Théâtre national de Strasbourg l’année dernière. Elle y expose la réalisation d’une robe de mariage pour une princesse sur trois lieux de confection, en France et en Inde, mais aussi à travers des problématiques sociales, familiales, psychologiques, médiatiques et industrielles. Alternant entre l’atmosphère ouatée des milieux professionnels des métiers d’art et la violence humaine qui s’exprime ici uniquement dans la parole, ce spectacle joue aussi avec la confrontation des langues, français, anglais, tamoul et langue des signes, un choix qui fait sens dans le récit. Cela participe des aspects que j’aime chez cette metteuse en scène, avec le recours partiel à des comédiens amateurs.
Décidément, ce mois-ci aura été de haute volée, car je termine cette section avec 4,7 % de liberté de Métilde Weyergans et Samuel Hercule. C’est l’histoire d’un couple d’universitaires qui, ne parvenant pas à avoir d’enfant ensemble, deviennent famille d’accueil pour une adolescente. La scénographie est très efficace, qu’il s’agisse des décors ou de l’environnement sonore, pour accompagner le jeu faussement gauche des comédiens. Du coup, même si le scénario n’est pas d’une grande originalité, on passe un très bon moment.
Littérature
Roman
Stardust est le premier roman écrit par Léonora Miano, mais n’a été publié qu’après sa reconnaissance comme une écrivaine de talent. Il s’agit en effet du récit de ses années de galère comme jeune maman en foyer d’accueil, avec la difficile cohabitation entre femmes en souffrance. Seule sa fille brille dans cet univers, comme si l’être le plus fragile est en fait celui qui nous permet de tenir face aux difficultés. Si le courage et la détermination de l’autrice forcent le respect, on ne peut oublier que pour une majorité de ses femmes, il n’y a pas de happy end.
Théâtre
Dans La Table, Claude Ponti livre un tableau de la vie d’un couple, dans un désordre apparent d’âges et avec une langue parfois crue et parfois aussi lexicalement inventive que celle qui habite ses albums jeunesse. L’ensemble est assez intéressant et mériterait d’être porté avec deux comédiens assez complices pour jouer ce vécu en commun.
Bande dessinée documentaire
Avec Sous terre, Mathieu Burniat propose une description de la richesse du sol dans ses aspects physico-chimiques et biologiques, sous couvert d’une histoire un brin macabre : Hadès organise un jeu concours dont le seul survivant pourra devenir son successeur. L’accroche est assez maligne.
Les Belles Personnes de Chloé Cruchaudet juxtapose plusieurs portraits, graphiques et textuels, d’individus ordinaires mais dont la rencontre a été marquante pour qui la raconte. Le projet est bien intentionné mais le traitement un peu inégal.
Charlotte Mevel explique dans La Rousseur pointée du doigt les aspects génétiques de la chevelure rousse mais aussi le racisme tranquille dont les roux sont victimes. De fait, je me souviens avoir moi-même dû expliquer à des élèves de lycée que cette forme de xénophobie n’était pas plus admissible que d’autres.
Rien ne se passe jamais comme prévu pour Lucile Gorce qui met en couleurs les états d’âme d’un couple essayant d’avoir un enfant. Il y est question d’ovaires polykystiques, de traitements médicaux, y compris psychologiques, et de fécondation in vitro.
Bande dessinée de fiction
Lupano et Panaccione sont réunis dans Un océan d’amour, tendre récit sans texte mais avec beaucoup d’aventures pour un petit pêcheur et sa grande bigoudène, un goéland amoché et Fidel Castro.
Le Sculpteur de Scott McCloud reçoit le don de déformer pierre et métal à mains nues contre l’échéance de seulement 200 jours à vivre. De l’ivresse du pouvoir au sentiment de vacuité, de la tentation de l’amour à l’acceptation de la délivrance, le récit explore la palette des sentiments d’une âme humaine.
Trois albums de Tom Gauld ont attiré mon attention l’autre jour. Goliath montre le géant biblique comme un homme assigné à un rôle qu’il ne souhaite pas. Plus abouti sur les plans graphiques et scénaristiques, Police lunaire décrit une Lune progressivement vidée de ses habitants, remplacés par des robots mal adaptés. Vers la ville est bien antérieur et plus sommaire graphiquement, avec deux voyageurs et une brouette sur la route.
Bonaventure compose avec Kosmograd une dystopie politique et écologique évoquant une Russie futuriste. Je ne suis pas très attiré par ce dessin très anguleux en ligne claire, mais le scénario semble s’engager dans un rapport pas trop simpliste entre des jeunes rebelles et des forces multiples. Peut-être une suite donnera plus de corps à cette alchimie.
J’ai relu le premier tome d’Aspirine de Johann Sfar. Cette ado vampire ne soulage sans doute pas le mal de tête, mais sa relation avec un jeune rôliste est un peu amusante.
Eat, and love yourself de Sweeney Boo me met un peu mal à l’aise, sur l’acceptation de soi d’une jeune femme qui se trouve trop grosse. La surconsommation y est présentée à la fois comme un problème et un refuge, mais toute réflexion sur les causes renforce le sentiment de culpabilité et bloque ainsi sa résolution. L’histoire met le doigt avec justesse sur ces questions, cependant je crains qu’elle ne serve des discours simplistes sur une situation qui a besoin d’écoute individuelle.
Empire State montre un jeune nerd donnant rendez-vous à une amie au sommet de la tour. Les personnages patibulaires du voyage en car, plus caractéristique des ambiances un peu malsaines de Jason Shiga, sont finalement plus intéressants que le reste de cette comédie doucereuse.
Science
J’ai récupéré Le Dernier Théorème de Fermat à l’issue du Tournoi français des jeunes mathématiciens et mathématiciennes (TFJM²). Ce récit de Simon Singh décrit les fondements historique de cet énoncé mathématique, des triplets pythagoriciens de l’Antiquité grecque à sa formulation par le Prince des mathématiques, les avancées progressives au cours des deux derniers siècles, puis la quête victorieuse d’Andrew Wiles à la fin du XXe siècle pour le démontrer.
Jeunesse
Encore un album de Tom Gauld ! Le Petit Robot de bois et la Princesse Bûche est un conte mignon et un peu barré dans lequel on retrouve des listes de références qu’affectionne l’auteur.
Jeu
Galerapagos est un jeu d’élimination dans lequel l’entraide doit assez rapidement faire place aux coups bas pour espérer quitter l’ile sur l’un des radeaux de fortune.