Revue culturelle de

Ma présentation préférée de la science-fiction est celle qu’en donne Gotlib dans Rubrique-à-brac, taume 2 : extraterrestres, moyens technologiques futuristes, voyage dans le temps, robots et mutant. Ces thèmes sont présents dans la littérature sous des formes diverses depuis plusieurs siècles, mais il semble que l’on s’accorde à considérer la naissance du genre à la fin du XIXe siècle avec Frankenstein de Mary Shelley, les romans de Jules Verne (et en particulier De la Terre à la Lune) et ceux de H. G. Wells (que je n’ai pas lus). Les auteurs français sont d’ailleurs assez précoces dans le domaine, et on peut citer notamment René Barjavel (Ravage) et Pierre Boulle (La Planète des singes), bien que je trouve leur écriture assez datée.

Parmi les plus célèbres cycles de science-fiction, j’ai d’abord lu celui de Fondation d’Isaac Asimov, qui me fascinait avec son concept de psychohistoire pour calculer le futur. Mais avec le recul je conseillerais plutôt de commencer par les recueils de nouvelles et romans des Robots, questionnant notre humanité à travers ses histoires machines qui raisonnent. Plus mystique et politique, Frank Herbert crée avec Dune un univers qui continue d’inspirer aujourd’hui. J’ai bien aimé aussi son Programme conscience avec Bill Ransom, qui débute par Destination : vide où un astronef est conduit par des clones. La saga Star Wars de George Lucas est évidemment un incontournable, décliné sur tous les supports possibles avec plus ou moins de bonheur. Si Arthur C. Clarke est surtout connu pour 2001, l’Odyssée de l’espace et ses suites, j’ai trouvé plus intéressant son cycle sur Rama, un vaisseau spatial inhabité mais exploré par une équipe d’astronautes : loin de toute confrontation belliqueuse, cette rencontre technologique modifie en profondeur la représentation que les êtres humains ont de leur place dans l’univers. Le Monde du fleuve de Philip-José Farmer imagine l’humanité entière ressuscitant simultanément sur un monde artificiel pourvoyant à tous nos besoins élémentaires. Plus récemment, la trilogie martienne de Kim Stanley Robinson se présente comme un archétype de hard science-fiction, en décrivant une conquête de la planète rouge de façon vraisemblable dans l’état de nos connaissances scientifiques. L’univers de la Culture de Iain M. Banks est assez complexe à comprendre, mais j’apprécie justement son extrapolation à d’autres formes de conscience.

La science-fiction n’a pas de frontières étanches au sein de la littérature. Elle se mélange assez facilement avec la fantasy, comme dans la Romance de Ténébreuse de Marion Zimmer Bradley, où une société médievale-fantastique se développe sur une planète après le crash de l’astronef qui y apporte l’espèce humaine. La culture geek s’est emparée d’une parodie de la SF que constitue la seule trilogie en cinq volumes de l’excellent Guide galactique de Douglas Adams.

D’autres cycles valent à mon sens surtout pour leur premier tome, comme la Stratégie Ender d’Orson Scott Card, sur un petit génie envoyé dans une académie de guerre spatiale, Spin de Robert Charles Wilson, déjà chroniqué ici, ou les Fourmis de Bernard Werber, qui fait se croiser les intelligences de nos deux espèces. Comme romans isolés, je recommande bien sûr les Chroniques martiennes de Ray Bradbury, le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, une dystopie qui m’a longtemps semblé tellement plus réaliste que 1984.

Enfin, en bande dessinée, j’ai grandi avec les séries du Scrameustache de Gos, une petite créature extraterrestre qui s’installe avec un jeune garçon et son oncle archéologue, et Yoko Tsuno de Roger Leloup, une scientifique aventurière qui parcourt le temps et l’espace avec ses amis. Au rayon jeunesse, j’aime bien Zita, la fille de l’espace de Ben Hatke. Côté adulte, je conseille la série Chronosquad, qui décrit une agence de régulation autour de voyages dans le temps ; Infinity 8, qui relève un peu de l’OuBaPo en décrivant 8 variations sur un même départ à bord d’un vaisseau spatial étrange avec des auteurs différents ; la Guerre éternelle adaptée par Marvano du roman de Joe Haldeman, sur des soldats emportés dans un conflit intergalactique qui tient compte des distorsions temporelles décrites par la théorie de la relativité ; ainsi que Soon, déjà décrite ici.

Tout ceci à la fois un peu massif (et après comparaison, en bonne partie redondant avec la page dédiée sur Wikipédia) et certainement très sommaire pour les vrais connaisseurs de SF, qui pourront conclure à raison que je n’ai pas lu grand-chose dans le domaine, ou que je ne sais pas apprécier de nombreux autres classiques. J’ai écarté de cette liste les fictions d’anticipation et les uchronies dans lesquelles les avancées de la science et la technologie ne sont pas vraiment déterminantes. Le développement filmographique pourra aussi trouver sa place dans une autre revue culturelle.

Sorties

Depuis quelques jours Strasbourg est capitale mondiale du livre, excusez du peu. Pour l’inauguration de l’évènement, des lectures publiques avaient lieu un peu partout sous des formes diverses. Nous avons entendu quelques dizaines de scolaires motivés lire des passages poétiques ou romanesques, des fables et des lettres avec un certain succès.

Avec les beaux jours, nous avons été faire un tour au plan d’eau de Plobsheim. La masse liquide atténue un peu la chaleur du soleil qui couvre tout le chemin sans vraiment d’ombrage. Des sternes et deux chevaliers guignettes apportaient un peu de diversité ornithologique.

Spectacles

Au TAPS, La Vie et la Mort de Jacques Chirac, roi des Français a un sacré titre pour une belle performance retraçant plusieurs épisodes marquants de la deuxième moitié du XXe siècle dans la politique française. Julien Campani campe avec brio les expressions et le bagout de cet homme qui parvint au sommet de l’État malgré et peut-être en partie grâce aux nombreuses caricatures qu’on a fait de lui. Le projet s’insère dans une représentation des huit présidents de la Cinquième République par Léo Cohen-Paperman de la Compagnie des Animaux en Paradis. J’espère pouvoir voir les autres épisodes.

Au TNS, Maëlle Poésy met en scène Cosmos sur un texte de Kevin Keiss qui raconte la formation de treize femmes pour le programme spatial des États-Unis dans les années 1960. On suit leurs épreuves et leur destin hors du commun, avec un travail chorégraphique plutôt réussi sur l’impesanteur. Le combat contre le sexisme semble bien plus ardu que les efforts physiques et les sacrifices.

Les chorales de sapeurs-pompiers ne chantent que très rarement des chansons ayant trait à Marcel Proust, dirait-on au TAPS avec cette réécriture de sketches des Monty Python par O'Brother Company. C’est toujours difficile de réinterpréter l’humour de quelqu’un d’autre, et la mise en scène de Fabien Joubert était peut-être un peu statique autour de cette table monumentale, mais le jeu de certains comédiens valait le détour, y compris avec un chien clown étonnant.

J’étais en revanche plutôt déçu par The Köln Concert au Maillon, avec une chorégraphie répétitive de Trajal Harrell et une esthétique délibérément heurtée. À part un ou deux moments intéressants, comme celui où les danseurs se déplacent avec une démarche féminine, je n’ai pas réussi à trouver de symbiose entre le déroulement sur scène et la pièce musicale de Keith Jarrett.

Littérature

Théâtre

Trois pièces composent Modane de Fabrice Melquiot, très différentes dans la forme mais apparemment rattachées à la ville d’enfance de l’auteur. J’ai bien aimé Tarzan Boy, qui empile par effet choral des discussions et des souvenirs de jeunesse des années 1970–1980, citant abondamment la musique de l’époque. M’man est un dialogue entre un fils et sa mère se retrouvant régulièrement sur quelques dizaines d’années, intéressant et bien tourné. Miss Electricity dépeint une rencontre dans une langue plus onirique qui m’a moins convaincu.

Stefan Zweig adapte avec Volpone la pièce homonyme de Ben Jonson, elle-même apparemment inspirée du Dialogue des morts de Lucien de Samosate. Le personnage éponyme est un riche Vénitien qui se fait gâter par d’autres cupides voulant s’attirer ses bonnes grâces dans la perspective d’un testament généreux. Mais c’est son serviteur, Mosca, qui prend progressivement l’ascendant sur tout ce beau monde. Le texte est un peu daté, et la morale plus ironique que sentencieuse.

Bande dessinée et récits graphiques

J’ai relu avec plaisir Ghost money de Smolderen et Bertail, où l’on suit une jeune fille des rues devenue la protégée d’une multimilliardaire et brinqueballée par des forces politiques, militaires et technologiques. Pourtant, je ne me dirais pas très amateur de ce genre qui mêle luxe et violence. Mais le rythme est assez efficace au long des 4 premiers albums. Le cinquième tente de dénouer l’intrigue au prix d’un deus ex machina un peu facile.

Fabien Toulmé poursuit son œuvre humaniste et documentaire avec L’Odyssée d’Hakim. Il met ainsi en images le parcours d’un homme et sa famille de la Syrie à la France, exposant avec une distance respectueuse mais une attention soutenue la dure réalité des migrations humaines.

Jamais – Le jour J nous fait retrouver la vieille Madeleine et sa maison en équilibre en bord de falaise normande. Alors que les touristes prennent de plus en plus de risques et que les fâcheux attisent les peurs, le maire est parti dans une mission sauvetage. J’aime les personnages bien campés de Bruno Duhamel.