Revue culturelle de juin 2022

Lisa m’a repris l’autre jour en anglais parce que j’annonçais que j’allais dormir non pas sur le canapé (couch) mais sur le car (coach), avec ce faux-ami homonyme du terme passé en français au sens d’entraineur, notamment dans le domaine sportif. Pour un peu, j’aurais pu dormir sur ce que j’aurais attrapé (catch), sur une esthétique excentrique douteuse (kitsch), une bonne prune (quetsche), voire rien du tout (que tch’) selon une apocope en usage dans ma jeunesse.

Expositions

La Maison de la manufacture d’armes blanches du Klingental retrace l’histoire de ce village partagé entre deux communes, qui est né de l’installation d’une industrie royale au XVIIIe siècle pour rapatrier (au sens propre du mot) la production d’armes blanches en France. Elle rassemble des outils, machines et bien sûr des épées, sabres et autres joyeusetés, mais aussi des faux, suite à une reconversion du site dans le civil lorsque la production a été recentrée sur Châtellerault. C’est très intéressant et bien présenté.

C’est la première fois que je me rendais à une convention de la Japan Addict. Le folklore des déguisements, les étals de produits divers et notamment de dessins et livres attirent aussi les amateurs de culture geek, et tout ceci fait un mélange libertaire et bon enfant.

Films

La Voleuse de livres est l’adaptation par Brian Percival d’un roman de Markus Zusak. Une jeune fille adoptée par une famille allemande découvre la lecture et transgresse la politique anti-culturelle nazie en empruntant secrètement des livres de la bibliothèque personnelle du maire. La VO en anglais est par moments mâtinée de prononciation germanique, pas forcément très heureuse mais pas gênante non plus. Chapeau aux enfants comédiens très convaincants.

Quand on a besoin d’un peu de réconfort, cela fait toujours plaisir de revoir Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. L’esthétique coloriste de Jean-Pierre Jeunet donne à l’image un aspect délicieusement désuet, renforcé par le constat qu’en l’an 2000, on avait encore recours aux cabines téléphoniques…

Littérature

Théâtre

Dans Le Prénom (Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière), un couple reçoit des amis pour un diner au cours duquel ils discutent notamment d’un enfant à naitre, mais aussi de famille et de non-dits avec leur lot de révélations. C’est bien écrit, enlevé et incisif comme il faut.

Le Dernier Voyage de Sindbad (Erri de Luca) est écrit en 2002, et « les poissons de la Méditerranée se nourrissaient déjà de naufragés depuis cinq ans ». Mêlant références à l’univers du conte comme à celui de la tragédie humaine, cette pièce porte une voix chorale nécessaire.

Romans

Vortex est le dernier tome de la trilogie de Robert Charles Wilson initiée avec Spin, lequel avait été à mon avis porté par le fort charisme du personnage de Jason Lawton. Ici on retrouve Turk Findley au cœur d’un paradoxe temporel géré de façon inhabituelle pour le genre.

Merci à Jules de m’avoir conseillé Mathématiques congolaises de Koli Jan Bofane. On y suit la progression du jeune Célio, inspiré par les concepts mathématiques et physiques pour intriguer sur la politique locale (et même internationale) auprès du Bureau Informations et Plan. Ce roman expose sans concession les travers d’une société tiraillée entre les magouilles politicardes et la débrouille des individus pour échapper à la Faim.

Bande dessinée et récits graphiques

Voilà un manga qui m’a beaucoup plu : Erased de Kei Sanbe (en 8 tomes et un complément). Comme Quartier lointain, il repose sur le principe d’un retour involontaire dans le temps, mais le traitement comme thriller est très différent. Le héros s’est donné comme objectif de démasquer un meurtrier d’enfants qui a jusque là échappé à la justice.

I Will Judge You By Your Bookshelf (Grant Snider) croque avec humour et autodérision les travers d’un bibliophile. Difficile de nier que je m’y reconnais un peu, comme toute la famille. J’ai particulièrement aimé l’illustration des marque-pages improbables ainsi que le bingo Murakami.

Le 6e tome de Chronosquad : chapeaux melons et hordes de Huns renvoie en mission Bloch et Penn avec Madame au temps des Huns, alors que la désépocalisation engendre une diaspora disparate dans ses objectifs et ses structuration politico-économiques. Si vous ne connaissez pas cette excellente série de Giorgio Albertini, je vous conseille de commencer par les quatre premiers tomes.

Les Poutpoutpapillonneurs est le dernier opus de la série Donjon Monsters, de Trondheim et Sfar, dessiné ici par Juanungo. On retrouve Piruzine jeune aux prises avec un démon réveillé par les gamineries d’autres apprentis magiciens, donnant une origine au sort de Pout pout papillon.

Chaque chose est un récit de Julien Neel mettant en parallèle des souvenirs d’enfance et l’hospitalisation du père du narrateur. Avec beaucoup de douceur, il évoque le regard de l’adulte sur sa vision d’enfant, mais aussi sur la prise de rôle au changement de génération.

J’aime beaucoup la palette de Cyril Pedrosa, dont je viens de lire le deuxième tome de L’Âge d’or avec Roxane Moreil. La princesse Tilda s’épuise dans un siège défavorable de la citadelle, obnubilée par le mystérieux livre éponyme. L’héroïsme de quelques-uns n’occulte pas la désolation des images de combat et de mort.

Le ton est donné dès les premières pages de Demon de Jason Shiga : Jimmy se tue à plusieurs reprises en se réveillant à chaque fois dans un corps intact, comme si rien ne s’était passé. Le personnage analyse très scientifiquement le phénomène au fur et à mesure que les morts s’accumulent et qu’une course poursuite s’engage avec les autorités. C’est glauque et amoral, mais on retrouve l’intelligence de la construction narrative dont faisait déjà preuve l’auteur dans Vanille ou chocolat ?

Un monde poétique fantaisiste est décrit dans Lettres perdues de Jim Bishop. Le jeune Iode cherche la lettre que devrait lui avoir envoyée sa mère, mais ni les facteurs poissons-clowns ni l’intrépide Frangine ne peuvent répondre à son attente. C’est tendre et un peu foutraque.

Crevaisons est l’une des aventures rocambolesques de Manu Larcenet, mettant en scène le Soldat inconnu. Ce dernier réapparait (vivant ?) dans un cimetière dont le gardien, Ebenezer, survit seul avec ses vinyles de musique punk.

On the Frontier est un recueil d’histoires courtes de Tôru Izu, reliant certains personnages, lieux ou objets, dessinant ainsi en arrière-plan un univers plus riche, notamment autour de cette voie de chemin de fer et du jeune Eto. J’ai eu un peu de mal à m’y repérer mais l’expérience était intéressante.

My Fair Honey Boy est un manga de Junko Ike qui tente de renverser les stéréotypes de genre en mettant en scène une jeune femme championne de kendo et un jeune homme efféminé qui lui déclare sa flamme. Mais à force d’attribuer à chacun les clichés du sexe opposé, cela en devient tout aussi caricatural de mon point de vue.

Dans FUN, Paolo Bacilieri raconte l’histoire des mots croisés, mais pas seulement. On y trouve aussi des anecdotes qui semblent un peu plaquées sans que j’aie vu le lien avec le reste.