Revue culturelle de septembre 2022

Après ce bel été, j’essaie de poursuivre la tenue de la revue culturelle en vous parlant de quelques expositions, films, romans et BD.

L’autre jour sur FIP, (meilleure radio au monde et opportunément diffusée dans ma région en hertzien), j’entendais Histoire d’1 soir sur lequel j’avais envie de chanter Chacun fait (c’qui lui plaît). Le parallèle est connu, mais cela m’a rappelé d’autres superpositions plus inattendues, comme lorsque mon ami Jérôme chantait I Will Survive sur le Stabat Mater de Rossini pendant les répétitions du Chœur universitaire de Lyon. Je me souviens aussi avoir été frappé par la ressemblance entre Danser de Presque oui et La Montagne de Ferrat. Après, c’est toujours amusant de choisir au hasard deux chansons pour enfants et d’essayer de chanter Au clair de la lune sur l’air de La Famille Tortue.

Expositions

Au Palais des Beaux-Arts de Lille, La Forêt magique propose un parcourt sur la notion de forêt réelle ou virtuelle avec un beau projet « Pour une forêt primaire en Europe de l’Ouest » et des œuvres réalistes ou fantasmagoriques. J’ai notamment découvert le travail graphique de Frédéric Pillot qui illustre aussi des albums pour enfants.

Moins académique, l’exposition Les Vivants au Tri Postal à Lille rassemble des installations contemporaines plus ou moins convaincantes, des dessins et peintures de populations indigènes d’Amérique du Sud qui rappellent l’Art brut, mais aussi au dernier étage entre autres un dispositif de visualisation du Grand Orchestre des animaux. Ce projet saisissant montre l’intérêt artistique, scientifique et politique de techniques de visualisation de spectre sonore pour percevoir la vie animale dans sa diversité et ses interactions au sein de plusieurs environnements sonores.

À l’occasion d’un passage au Havre, nous avons visité le Musée Malraux, qui avait malheureusement décroché une partie de sa collection permanente, mais c’était pour installer une exposition très intéressante intitulée Le Vent, « cela qui ne peut être peint ». La thématique est bien traitée avec diversité dans les genres et les aspects. Je retiens notamment cette amusante réinterprétation photographique d’une peinture d’Hokusai constituée d’une centaine de tirages A4 sommairement attachés pour se soulever au moindre mouvement d’air et composant l’image sur tout un mur.

L’Abbaye de Jumièges expose A Roof For Silence de Hala Wardé, mêlant poésie, musique et architecture, en référence notamment à Beyrouth sinistrée. J’ai été moins convaincu par les œuvres à l’intérieur, même si on pouvait noter le travail d’interaction entre pièces contemporaines et vestiges archéologiques du lieu (lequel est vraiment impressionnant).

Films

The Lady in the Van, de Nicholas Hytner, m’a donné l’occasion d’apprécier une fois de plus le jeu de Maggie Smith dans un personnage un peu loufoque de sans domicile fixe. L’auteur du roman éponyme, Alan Bennett, est incarné par Alex Jennings avec tout le flegme nécessaire. C’est tendre plus que drôle, sans pathos ni licorne rose.

J’avais déjà vu Rebelle de Pixar dans l’avion pour les États-Unis, mais sur grand écran c’est plus agréable. Les quelques mots d’écossais et l’accent parfois marqué rendent la VO pas toujours facile à entendre sans sous-titre, mais l’intrigue est suffisamment simple pour que cela ne gêne pas la compréhension : une jeune princesse refuse de se voir dicter son mariage par un concours entre les différents clans et invoque un peu trop naïvement l’aide d’une sorcière. Les mimiques de l’ourse sont finalement au moins aussi compréhensibles.

Littérature

Romans

Après avoir vu l’adaptation théâtrale de Ce qu’il faut dire, j’avais envie de lire un roman de Léonora Miano. Avec Rouge impératrice, je n’ai pas été déçu ! À la fois roman d’amour et d’anticipation, manifeste politique et social, ce texte nous détaille la rencontre entre Boya, universitaire intéressé par le sort de Sinistrés, et Ilunga, chef d’État respecté du Katiopa unifié. J’aime quand les personnages, même antagonistes, font preuve d’intelligence. Le sous-texte qui aborde la colonisation et l’acculturation sous le double prisme de l’histoire réelle et du renversement imaginaire est aussi redoutablement efficace.

À la ligne ne ressemble pas vraiment à un roman. Ce récit sans fard d’une multiple expérience d’intérimaire dans l’industrie agro-alimentaire est délivré dans une langue inhabituelle, avec une forme poétique, s’appuyant explicitement sur la formation de l’auteur Joseph Ponthus. J’ai bien envie de l’adapter en théâtre.

Bande dessinée et récits graphiques

Cul de sac de Richard Thompson, a la fraicheur de ton des enfants dans Mafalda, une fantaisie qui évoque Peanuts et un crayonné à la Quentin Blake. Cette série de trois pavés est une belle découverte de cet été grâce à Loïc que je remercie au passage.

L’Esprit critique (Isabelle Bauthian) est une approche intelligente de l’analyse des pièges rhétoriques qui nous enferment dans des opinions à l’emporte-pièce. Clair et plaisant, cette histoire nous pousse à nous mettre à l’écoute des avis divergents avec un regard critique sans a priori.

À l’occasion de la sieste en couleurs dans le jardin de l’abbaye de Boscherville, j’ai pu lire Où vont les fourmis. Ce joli conte de Frank Le Gall et Michel Plessix met en scène le jeune Saïd qui quitte sa maison en suivant une colonne de fourmis, et se retrouve à garder des chèvres qui lui feront rencontrer tout une galerie de personnages.

Il y a beaucoup de poésie dans Le cirque, journal d’un dompteur de chaises d’Ileana Surducan. Les personnages sont attachants, et si l’histoire n’est pas particulièrement originale, dans sa lutte des rêveurs contre la société totalitaire, l’humour et la simplicité du trait en font un bon livre.

J’ai bien apprécié les faux-semblants du Fantôme d’Anya, de Vera Brosgol, où une jeune immigrée russe cherche sa place dans son école américaine, et se retrouve épaulée par un gentil fantôme.

Le souvenir du père est au cœur du récit de Marie-Anne Mohanna avec Dans son ombre. Le trait et le point de vue rappellent Persepolis, même si la toile de fond est plus personnelle.

Tom Gauld récidive avec En cuisine avec Kafka (à ne pas confondre avec La Cuisine de Kafka). Il n’y a pas vraiment de cuisine ici en dehors d’une page avec l’auteur éponyme, mais on retrouve les obsessions littéraires qui sous-tendent les albums précédents.