Revue culturelle de

C’est le retour des bredele, dont la prononciation et même l’écriture diffère d’un Alsacien à l’autre. Ces petits gâteaux confectionnés pendant tout le mois de décembre ont pris leur place dans nos habitudes culinaires. La chance que j’ai eue de vivre dans plusieurs régions au cours de ma vie (et de pouvoir voyager dans plusieurs pays) se retrouve dans la multiplicité des origines des recettes courantes à la maison. Le moule à kouglof a déjà bien servi (en sucré et en salé) depuis que je l’ai reçu il y a deux ans. Nous avons aussi rapidement intégré des recettes d’asperges car si ce légume est facilement disponible partout en France, il est omniprésent sur les marchés d’Alsace en saison. Les spätzles, la choucroute et les navets salés nous sont devenus des accompagnements courants.

Du Nord nous avons gardé la flamiche aux maroilles, même si on l’accommode volontiers au munster d’ici, et la carbonade flamande ne perd rien avec les bières locales. En revanche, pour préparer des endives au jambon, rien ne vaut une bonne ambrée belge ou flamande. L’automne nous guettons l’apparition des jack be little pour les farcir en portions individuelles.

Notre rougail saucisse s’inspire de notre premier repas à l’arrivée à la Réunion, tandis que la teurgoule (une sorte de riz au lait à la cannelle) nous rappelle la Normandie. C’est assez rare que l’on trouve de la tomme fraiche d’Auvergne pour préparer un aligot maison, mais le gratin de pommes de terre au comté et le poulet au vin jaune et aux morilles et la boite chaude sont des valeurs sûres familiales du Jura, comme le gâteau arboisien à la poudre d’amandes et de noisettes.

Des Iles Britanniques nous avons rapporté quelques bonnes habitudes, comme le petit déjeuner anglais (saucisse, bacon, œuf au plat, champignons, haricots à la sauce tomate et pains toastés à la marmelade d’orange, avec du thé bien sûr), les scones (pour lesquels le mascarpone ne parvient pas vraiment à concurrencer la vraie clotted cream), le cullen skink écossais (une soupe de légumes et de haddock) et le welsh welsh, autrement dit la version galloise de ces tartines garnies d’une préparation d’œuf, bière et cheddar, cuites au four, incomparables avec leur indigeste copie du Nord. Le carrot cake est même devenu un classique des gâteaux d’anniversaire.

C’est à partir de notre voyage en Andalousie que nous nous sommes mis au salmorejo (gaspacho local) et aux fèves au jambon. Et nous nous remémorons la Russie lorsque nous préparons un borchtch, un soupe de betterave au bœuf.

Spectacles

Au Théâtre national de Strasbourg, Radio Live, la relève présente en parallèle deux personnes invitées par Amélie Bonnin et Aurélie Charon. Ni tout à fait une interview en direct, ni complètement écrit à l’avance, la forme brinquebale parfois un peu. Mais l’idée est bonne et les récits très intéressants. Le soir où j’assistais à la représentation, il s’agissait de Yannick Kamanzi, artiste né au Rwanda en 1995, et Sumeet Samos, rappeur né dans une famille Dalit en Inde.

Lakmé est un opéra de Léo Delibes (1883), mis en scène par Laurent Pelly à l’Opéra national du Rhin. Il raconte le destin tragique de la fille d’un brahmane et d’un officier de l’armée anglaise. Avec des décors délicats de Camille Dugas et un belle gestion des lumières (Joël Adam), on plonge avec délices dans cette histoire d’une Inde un peu fantasmée.

Nous avons vu notre premier spectacle en alsacien au TAPS, avec En attendant Théo. Ce monologue d’un vieil homme qui attend son neveu se laisse écouter, même si son déroulé est assez attendu. Je regrette que la mise en scène d’Olivier Chapelet reste un peu maigre, avec une partie du texte confiée à une voix off sans que le bénéfice de cet artifice n’apparaisse clairement. Finalement, ce qui nous a peut-être le plus plu est l’installation du public, qui ne ressemblait pas tout à fait à celui dont nous avons l’habitude de voir au théâtre.

Le Maillon reprogrammait La taïga court d’Antoine Hespel, que j’avais manqué au TNS l’année dernière. Après un accueil simulant un cocktail confortable sur canapés avec de la musique douce, les comédiens enchainent des scènes assez peu convaincantes. Le principe de l’exclusion du public, contrastant fortement avec l’accueil, est peut-être l’élément le plus intéressant de la mise en scène. Mais tout ça pour ça ?

Littérature

Théâtre

Assoiffés est un texte court, un peu à part dans l’univers de Wajdi Mouawad. Résultat d’une commande assez libre, il compose l’histoire d’une enquête sur un adolescent à la logorrhée de mauvais présage associé à une jeune fille imaginaire. La langue fleurie du Québec joue dans le plaisir de la lecture.

Bande dessinée documentaire

Les Vies volées sont celles des enfants arrachés à leurs parents sous la dictature militaire instaurée en Argentine à la fin des année 1970. Matz et Mayalen Goutz livrent ici un récit attachant de recherche de l’identité et de reconstruction, sur une histoire qui n’est pas complètement résolue malgré la fin de ce régime.

Les Amants d’Hérouville (Yann Le Quellec) retrace la vie mouvementée mais réelle de Michel Magne, compositeur et fondateur d’un studio d’enregistrement au château du lieu, et d’une jeune fille qui deviendra sa femme, entourés de stars internationales de la musique, qu’on s’amuse à reconnaitre au fil des pages. L’ensemble est bien ficelé, avec un appendice documentaire appréciable.

La Différence invisible raconte la situation d’une jeune femme qui reçoit son diagnostic du syndrôme d’Asperger comme une révélation, lui permettant de mieux vivre ses agnoisses du quotidien. Ce récit illustre le vécu de l’autrice Julie Dachez, avec le trait sobre mais efficace de Mademoiselle Caroline.

L’Imposture relate le vécu glaçant de son autrice Marie Bosch, abandonnée soudainement par son mari et apprenant alors que sa vie de ce dernier était un tissu de mensonges. On pense évidemment à L’Adversaire, en moins extrême, mais le comportement désinvolte de l’homme, qui réapparait presque aussitôt sur les réseaux sociaux avec une nouvelle situation et en quête d’une nouvelle vie, m’évoque la légèreté avec laquelle une partie de l’espèce humaine épuise sans vergogne son environnement, se contentant de partir ailleurs quand rester devient trop difficile.

Nicolas Debon met en image le Marathon olympique d’Amsterdam en 1928, remporté par l’Algérien Boughéra El Ouafi. Cet ouvrier d’usine automobile n’a cependant pas pu profiter longtemps de sa victoire : exclu ensuite du mouvement olympique pour avoir quitté le statut d’amateur, il a fini sa vie dans la misère. La bande dessinée rend justice à ce champion mal célébré.

À nous deux, Paris ! s’exclame Jean-Paul Nishi pour introduire la description de son séjour dans la capitale française. La naïveté assumée du personnage fait sourire, et l’auteur distille au passage une comparaison plaisante des mœurs entre son pays et la France, mais cela ne va quand même pas très loin et le traitement graphique reste assez basique.

Bande dessinée de fiction

Étienne Davodeau déploie sa Loire en couleurs douces et avec une galerie de personnages comme il aime nous les montrer : tétus, émus, marqués par la vie mais en mouvement. C’est visuellement un cadeau à chaque page, et scénaristiquement d’une humanité qui ne se dément pas.

Le Prince et la Couturière est un conte en images de Jen Wang qui va au-delà de la simple histoire de travestissement en jouant sur les devoirs du pouvoir royal et les appétits de la bourgeoisie, avec beaucoup de simplicité et un peu d’inattendu.

Furari parcourt les paysages qui l’entourent avec une forme d’empathie exacerbée, en citant des haïkus et mesurant les distances par ses pas. Ce manga de Jirô Taniguchi et Vincent Lefrançois sur le Japon du XVIIIe siècle serait inspiré par cartographe ayant réellement existé.

Le 22e tome de Sillage (Philippe Buchet) prolonge les aventures de la jeune Nävis, seule humaine ou presque au sein d’une constellation d’espèces extraterrestres en proie aux machinations politiques. Il y a un peu de surenchère des difficultés pour compenser ses capacités hors norme, et la toile de fond s’enlise un peu à force de multiplier les aventures qui doivent durer chacune l’espace d’un album. Mais bon, on l’aime toujours.

Teleportation Inc. (Dominique Latil) envoie également une héroïne dans des aventures explosives interplanétaires à travers des portails de transfert, mais le propos est plus confus.

Queen Emeraldas est la version fénimine du Capitaire Albator, par Leiji Matsumoto. Ténébreuse, surpuissante, implacable, mais en dehors d’expédier les destructions de super-méchants, il ne se passe pas grand-chose. Alors elle soliloque dans son grand vaisseau.

Jeunesse

Der Schrei – Le Loup migrant est un album de Patrice Seiler qui décrit un loup fuyant sa forêt détruite et cherchant refuge dans une ville inhospitalière. Mêlant questions environnementales et sociales, c’est sans doute un bon support pour aborder ces thématiques complexes avec des enfants. Le texte est bilingue, alternant entre français et allemand, avec une traduction intégrale dans chaque langue en fin de volume.