À une époque où je me destinais encore à la profession de journaliste, je relevais consciencieusement les gros titres du journal du matin sur France Info pour les inscrire dans un petit cahier. En dehors de ce rendez-vous quotidien, la première émission de radio que je me souviens avoir suivie plus ou moins régulièrement était Les Deux Minutes du Peuple de François Pérusse, une pastille humoristique à l’accent québecois (sur Europe 2 ?) À l’époque, j’étais subjugué par la poésie incantatoire de la météo marine. Pendant mes années de thèse, mes trajets en voiture depuis Louvain-la-Neuve ne manquaient pas Le Jeu des dictionnaires sur la Première, émission d’humour belge véritable. J’aimais bien aussi le rendez-vous d’actualité Et pourtant elle tourne (aujourd’hui Un jour dans le monde) sur France inter comme beaucoup d’autres : les enquêtes de Là bas si j’y suis avec Daniel Mermet, les florilèges vocaux de La prochaine fois, je vous le chanterai de Philippe Meyer, les impertinences de La Bande à Bonnaud (et notamment celles de Philippe Collin), la revue scientifique de La Tête au carré de Mathieu Vidard, le tour de France des initiatives réjouissantes des Carnets de campagne, le magazine culturel Boomerang d’Augustin Trapenard, les chroniques rafraichissantes d’Hoedt et Piron sur la langue française dans Tu parles !, l’espace de liberté Par Jupiter de Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek, l’analyse connaisseuse de Rebecca Manzoni avec ses Tubes & co., l’émission gastronomique On va déguster de François-Régis Gaudry. Enfin, je dois citer les séries d’enquêtes thématiques de Sur les docks d’Irène Omélianenko puis La Série documentaire de Perrine Kervran sur France Info.
Spectacles
Pour la première fois, je suis allé au Théâtre du Peuple de Bussang, créé par Maurice Pottecher, pour y voir Cyrano de Bergerac, mis en scène par la compagnie Yanua (Katja Hunsinger et Rodolphe Dana). Le lieu est assez exceptionnel, non seulement par la structure physique en bois avec un fond de scène qui s’ouvre sur la nature environnante, mais aussi par l’intégration traditionnelle de comédiens amateurs (très bons au demeurant). Parmi les professionnels, Laurie Barthélémy donnait un caractère vivace au personnage de Roxane.
La ville d’Erstein reconduisait le festival de reconstitution historique Tempus initié l’année dernière. Des Gaulois jusqu’à la deuxième guerre mondiale, des passionnés jouent des scènes ou informent les visiteurs sur les conditions de vie de l’époque choisie.
Visites
Dans la liste des sites historique de renommée européenne sinon mondiale, Stonehenge est en bonne place et la mérite. Oui, il y a beaucoup de monde et on ne peut pas trop s’approcher des pierres, mais c’est tant mieux pour leur préservation et pour la vue d’ensemble. À proximité des mégalithes, on trouve aussi des séries de tombes circulaires ou tumulus, qui sont peut-être moins photogéniques mais aussi intéressantes de mon point de vue.
Le Château de Tintagel n’a plus beaucoup de murs à montrer, même si leurs bases sont encore visibles à plusieurs endroit, mais le lieu est assez formidable, sur une presqu’ile reliée à la côte par un pont piéton depuis l’effondrement de la falaise intermédiaire il y a cinq siècles. Le lieu est associé aux légendes arthuriennes mais la construction du château est postérieure.
Les jardins de Pashley Manor présentent de très beaux parterres fleuris mais aussi une diversité d’essences d’arbres, un potager épatant et de nombreuses statues d’artistes différents mais qui s’intègrent bien au paysage. Le buffet de restauration est également très satisfaisant avec des produits frais, des légumes et un bon choix de desserts.
Le Château de Douvres a une sacrée stature, manifestement bien rénovée, avec du mobilier et des tentures intérieures de facture récente mais qui imite un style médiéval avec beaucoup de couleurs.
Dans les Vosges, les Hautes-Mynes du Thillot gardent les traces d’une exploitation du métaux (essentiellement du cuivre) pendant deux siècles, de la Renaissance au milieu du XVIIIe. C’est assez différent des mines de charbon : pas de risque d’explosion ni de soutènement des galeries, le filon court à travers le granite. En contrepartie, c’est manifestement plus difficile de creuser.
Le Musée Pierre-Noël de Saint-Dié-des-Vosges a une section consacrée au Corbusier, lequel a failli être en charge de la reconstruction de la ville après la guerre. De fait, l’architecture locale ressemble à celle du Havre. Outre des œuvres et mobiliers contemporains, on trouve aussi une section avec de l’outillage agricole traditionnel et une section d’histoire naturelle. Lorsque j’y suis passé (à l’occasion de la Festoye du Mansuy), une exposition temporaire rassemblait des peintures de Mitsuo Shiraishi, qui évoquent les paysages surréalistes de Magritte.
Le sentier du Taennchel suit la crête entre la croix de Ribeauvillé et les châteaux de Ribeaupierre. Il borde de nombreux rochers remarquables comme le rocher des Géants ou les Trois Tables.
Vidéo
J’ai revu les premières saisons de Game of Thrones, qui sont décidément assez efficaces et plutôt fidèles aux romans (c’est à partir de la troisième que la divergence se fait vraiment sentir). Bon HBO oblige, on n’y lésine pas sur la nudité et la violence, et on perd le style de langue archaïsant de George Martin, mais les dragons sont vraiment réussis.
Dans l’Exoconference, Alexandre Astier tente de donner un ressort comique à un discours scientifique sur l’astrophysique et l’(in)existence des extra-terrestres. L’objectif est louable mais j’avoue n’avoir pas été convaincu par l’humour (alors que je l’apprécie plutôt dans Kaamelott) ni par les aspects scientifiques un peu taillés à la hache.
Littérature
Science
Merci à Sophie pour les Conversations avec le Sphinx, dans lesquelles Étienne Klein développe une réflexion sur la notion de paradoxe, sa fertilité pour les théories scientifique alors même qu’elles semble les mettre en danger. Dans une deuxième partie, il expose (pour un public un petit peu averti, il faut l’avouer) certains des grands paradoxes issus notamment des révolutions quantique et relativiste.
Romans
Dans Moi et François Mitterand, Hervé Le Tellier s’amuse à imaginer une relation épistolaire entre le narrateur et les présidents de la République française successifs d’un François à l’autre, recevant invariablement la même réponse du service courrier de l’Élysée. Amusant.
Le Pingouin du roman de Kourkov est en fait un manchot (de l’aveu même du narrateur) rescapé d’un zoo fermé. Il accompagne un journaliste embauché pour écrire des nécrologies en avance. L’ambiance est assez mélancolique.
La Nef des fous a donné lieu à de nombreux textes et bandes dessinées, mais c’est bien l’œuvre initiale de Sebastian Brant que j’ai essayé de lire : gloire locale, peut-être même source d’inspiration pour Rabelais, et illustrée par de nombreuses gravures de Dürer. C’est un monument certes, mais assurément d’une moralité datée.
D: A Tale of Two Worlds a bien la structure d’un conte en pays imaginaire, qu’une jeune fille parcourt en quête de la lettre D qui aurait disparu de notre réalité. Mais les obstacles s’effacent un peu facilement et la résolution est rapidement escamotée.
Théâtre
J’aime beaucoup le texte de Cuisine et dépendances, de et avec Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Mais ce dernier est tellement taillé pour son rôle que je me demande bien comment le réinventer. Toute la pièce se déroule dans la cuisine, où se croisent quelques invités et leurs hôtes, pour des confidences ou des arrangements qui racontent en même temps ce qui se passe dans le séjour qu’on ne verra jamais.
Ma main droite est une suite de saynètes de Gilles Moraton, mettant en scène des personnages différents mais qui peuvent parfois s’évoquer les uns les autres. Le principe est intelligent, souvent drôle et plutôt bien écrit, même si le résultat est un peu inégal.
Le 6e continent raconte une saga familiale de producteurs de savon. Pennac donne ici dans la fable écologique mais peine à convaincre. J’ai trouvé plus de dynamisme dans Ancien malade des hôpitaux de Paris, paru dans le même livre, où l’on suit un jeune interne pendant une nuit aux urgences.
Dans ses Noces de sang, l’écriture de Federico García Lorca est dense et référencée. Le couple maudit n’y manifeste pas l’amour impossible de Roméo et Juliette, mais la tension du cadre familial et social autour du mariage conduit tout aussi certainement au malheur. Difficile mais intéressant, notamment dans la désignation de tous les personnages par leur fonction (le fils, la mère, la servante…) Tous, sauf un.
Un magicien enchaine huit soliloque poétiques dans cette pièce de Zéno Bianu.
J’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l’histoire des deux pièces Nostalgie 2175 et Avel d’Anja Hilling. Pourtant, je sens bien qu’il y a là une vraie écriture. Trop de désolation peut-être, ou des enjeux que je n’ai pas compris entre les personnages.
Bande dessinée et récits graphiques
C’est toujours avec confiance que je prends les œuvres de Téhem, et Piments zoizos ne m’a pas déçu : de l’humour, des expressions linguistiques réunionnaises, un dessin sympathique, et un contexte historique instructif. Ici, il est question du placement d’enfants de la Réunion dans diverses régions de France (et notamment la Creuse) censément pour les sauver d’une situation familiale difficile. En pratique, le réseau fournissait entre autres de la main d’œuvre agricole bon marché.
IRL – Dans la vraie vie, les avatars des personnages de divers jeux de rôles en ligne peuvent être animés par des enfants d’ici ou d’ailleurs, en particulier dans les « fermes d’or ». La bande dessinée de Cory Doctorow et Jen Wang aborde plusieurs problématiques liées à cette situation dans une histoire fluide et bien construite.
Le dernier opus de Zerocalcare, No sleep till Shengal, court sur la veine de Kobane calling, toujours nécessaire dans son reportage sur la situation au Proche Orient, mais moins efficace sur le plan narratif. On se retrouve à le suivre d’un checkpoint à un autre, et pas assez à voir le quotidien des personnes sur place.
Marc Dubuisson revient avec Le président est une noix de coco, situation absurde et conséquences à l’avenant, mais qui, face à deux candidatures aussi détestables l’une que l’autre, pourrait nous faire dire comme l’un des personnages : Je me sens étrangement soulagée, en fait
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Dans L’Homme de la situation, Lou Lubie raconte un enfermement psychologique sous l’aspect d’une histoire fantastique. J’apprécie l’effort de vulgariser ces notions, comme ce qui structurait Goupil ou face, mais ici je regrette un peu l’amalgame des problématiques.
Geek War décrit un environnement post-apocalyptique opposant des vieux à des jeunes geeks (les quarantenaires étant impitoyablement massacrés de part et d’autre). C’est de l’humour typique de Fluide glacial. Je préfère les gags en une image de l’auteur Mo/CDM dans Science et vie junior.
Jeu
Race for the Galaxy est un jeu de cartes qui n’a rien perdu de sa jouabilité et de son intérêt depuis quinze ans que j’y joue. Chaque joueur développe une puissance galactique en douze cartes (planètes ou développements) avec de nombreuses combinaisons pour récupérer des points de façon différente. Le jeu en simultané permet de conserver des durées raisonnables, avec des interactions subtiles qui poussent à surveiller la situation des autres joueurs mais sans actions néfastes des uns sur les autres.