Disposition de clavier WÉEH

Photographie d’un clavier orthogonal TypeMatrix, d’après CC-BY-SA Karl432

Mon clavier d’ordinateur déroute souvent ceux qui passent par mon bureau, et a fortiori ceux qui essaient de l’utiliser. Il y a deux raisons à cela : d’abord il s’agit d’un clavier orthogonal, ou clavier matriciel, c’est-à-dire que les touches sont rangées dans un quadrillage au lieu d’avoir des rangées décalées comme sur l’immense majorité des claviers disponibles, ensuite les lettres ne sont pas placées dans l’ordre habituel qui commence par AZERTY. Ces deux particularités relèvent d’un même objectif : réduire les tensions musculaires pour dactylographier plus confortablement.

Présentation

Lettres et chiffres

Disposition des lettres en trois rangées : WÉEHJFDRLB, OUAIYMSNTPQ, È...ZGCXKV ' « " 1 » ( 2 [ ) 3 ] < 4 { > 5 } = 6 + 7 ± - 8 / 9 \ ÷ * 0 × ² ³ ⌫ Retour arrière Tab ↹ w W Э É Ы æ E Е ё H Ж # J Ш щ F Ф D Д R Р ® L Л £ B Б ° Й @ © ˊ @ VerrMaj ⇬ O œ О U ù У A à А æ I ı İ И Y ¥ Ю M µ М S ş С $ N ~ Н T Т & P % § П Q К | $ ¤ Entrée Maj ⇧ È Я ` ` ˊ ˜ ˚ , ; _ ? : · ¿ . ! ¡ Z ß З ß G Г ğ C Ч ç X Х ^ K Ц V В ˆ ¨ ˇ ¯ Ь ъ ⇧ Maj Ctrl Alt AltGr ⇮ Menu Ctrl
Touches de lettres en disposition WÉEHJ sur un clavier 105 touches standard
avec coloration des touches selon les doigts

Je m’inspire des avantages énoncés sur la page de présentation de la disposition BÉPO pour formuler mes principes d’ergonomie :

Je souhaite aussi prendre en compte que les doigts n’ont pas tous la même longueur, donc qu’il est plus facile pour le majeur et pour l’annulaire d’atteindre la rangée supérieure (l’index étant certes très mobile mais montera moins facilement du fait de l’inclinaison de la main). A contrario, la descente du majeur sur la ligne inférieure ralentit la frappe en relevant la position de la main.

Un mot en français se décompose en syllabes, et chaque syllabe est composée d’une ou plusieurs voyelles juxtaposées, souvent précédées (et parfois suivies) d’une ou plusieurs consonnes. Cette alternance entre voyelles et consonnes mène à une première règle de répartition des lettres, déjà respectée dans la disposition BÉPO : toutes les voyelles sont du même côté du clavier (ici à gauche), et les consonnes les plus fréquentes sont de l’autre côté. Ce choix est conforté par une analyse en composantes principales de la matrice des digrammes.

Enfin, j’ai essayé de conserver la proximité de lettres donnant lieu à des raccourcis clavier apparentés : Z et Y pour annuler et restaurer, C, X et V pour copier, couper et coller.

Diacritiques et ligatures

Marquage des touches avec diacritiques et ligatures Touches dédiées É sur la ligne supérieure, È sur la ligne inférieure. En AltGr : Æ avec É, Œ avec O, Ù avec U, Á avec A, Ç avec C. Touche morte en AltGr sur È avec accent grave et tilde. Touche morte avec accent circonflexe tréma, caron et macron au bout de la ligne inférieure.
Placement des diacritiques et ligatures

Le caractère É (avec accent aigu) est suffisamment fréquent en français pour mériter une touche plus accessible que sur la ligne des chiffres. On ne peut toutefois dédier une touche à chacune des lettres accentuées du français (15 répertoriées par Legifrance, sans compter la cédille). J’ai fait le choix sur mon clavier d’utiliser une touche morte pour l’accent grave (comme il en existe déjà une pour l’accent circonflexe et le tréma en disposition AZERTY). Cependant la figure ci-dessus représente une variante avec une touche supplémentaire pour È (accent grave) et les autres accents graves en AltGr sur les voyelles correspondantes : A, U.

De même, le C avec cédille est en AltGr sur la touche de C, comme les ligatures Œ sur O et Æ sur É.

D’autres diacritiques sont accessibles en AltGr(+Maj) sur la touche morte au bout de la rangée inférieure pour un usage dans d’autres langues : le caron (ˇ) et le macron (¯). La lettre allemande eszett (ß) est aussi en AltGr sur Z.

Ponctuation, espace et apostrophes

Marquage des touches avec ponctuation et apostrophe Sur la première ligne du haut, en première touche, apostrophe droite (') et guillemets ouvrants („ « “) ; en deuxième touche (sur 1) guillemets droits (") et fermants (» ”) ; parenthèses ouvrante sur 2 et fermante sur 3 ; sur 8, traits d’union sécable et non sécable. Sur la deuxième ligne, apostrophe typographique (’) après la dixième lettre. Sur la quatrième ligne, après la première touche de lettre, virgule (,) et point-virgule (;), puis deux-points (:) et points d’interrogation (?¿), puis point (.) avec points d’exclamation (!¡) et points de suspension (…).
Placement des ponctuations et apostrophes

Pour la ponctuation, les signes les plus courants (apostrophe, virgule et point) ont été rendus directement accessibles, en haut à droite pour la première (avec l’auriculaire droit, où elle ne risque pas d’interférer avec B, P, Q et V), en bas à gauche pour les deux autres (sur annulaire et index), avec un réflexe pour l’espace dans la foulée. Le deux-points, toujours à encadrer d’espaces dans un texte en français, est placé sur la ligne inférieure pour le majeur gauche pour minimiser les enchainements avec A et E. Les points de suspension sont en AltGr sur le point.

Les ponctuations hautes (point-virgule, point d’interrogation et point d’exclamation) sont distribuées avec Maj sur la virgule, le deux-points et le point. Les versions culbutées utiles en espagnol sont placées en AltGr+Maj sur les touches correspondantes.

Les guillemets droits simples et doubles doivent être directement accessibles et se trouvent sur les deux premières touches de la ligne du haut. Les guillemets français («) et (») y sont respectivement accessibles via AltGr. Les parenthèses sont directement accessibles sur les deux touches suivantes.

Le trait d’union apparait en main droite sur la ligne du haut également (touche 8), en version sécable et insécable. Son usage est à distinguer de ceux des tirets moyen et long placés sur la touche qui suit le 0.

L’espace insécable, normalement associée au deux-points et aux guillemets français, est accessible sur la barre d’espace avec AltGr. L’espace fine insécable, associée aux ponctuations hautes, est de façon cohérente sur la barre d’espace avec Maj.

Autres symboles ASCII

Marquage des touches avec autres symboles ASCII Sur la première ligne du haut, crochets en AltGr ouvert sur 2 et fermant sur 3, chevrons (< >) et accolades ({ }) en AltGr ouverts sur 4 et fermants sur 5, signe égal (=) sur 6, signe plus (+) sur 7, barre oblique (/) et barre oblique inversée (\) en AltGr sur 8, astérisque (*) sur 9. Sur la deuxième ligne, croisillon (#) en AltGr sur H, arobase (@) sur la dernière touche avant Entrée. Sur la troisième ligne en AltGr, tilde (~) sur N, éperluette (&) sur T, pourcent (%) sur P, barre verticale (|) sur Q ; symbole dollar en accès direct sur la touche suivante. Sur la quatrième ligne en AltGr, symbole souligné (_) sur la deuxième touche et caret (^) sur X.
Placement des autres symboles ASCII

Le jeu de caractères ASCII comprend 95 caractères imprimables dont les 10 chiffres, les 26 lettres de l’alphabet latin en version majuscule et minuscule, 11 signes de ponctuation, l’espace et un accent grave. Il reste 20 caractères dont

Symboles supplémentaires

Marquage des touches avec symboles supplémentaires Sur la première ligne du haut, symboles de comparaison en AltGr+Maj supérieur ou égal (≤) sur 4 et inférieur ou égal (≥) sur 5, symbole d’inégalité (≠) et d’approximation (≈) en AltGr sur 6, symbole plus ou moins (±) en AltGr sur 7, obélus (÷) en AltGr+Maj sur 9, symbole de multiplication (×) en AltGr sur 0, symboles carré (²) et cube (³), obèles († et ‡) sur la dernière touche. Sur la deuxième ligne, symbole infini (∞) en AltGr sur W, symbole euro (€) en AltGr sur E, symbole de la livre (£) en AltGr sur L, degré (°) avec prime (′) et seconde (″) sur l’apostrophe typographique, symbole copyright (©) en Maj avec l’arobase. Sur la troisième ligne, symbole micro (µ) en AltGr sur M, symbole de section (§) en AltGr+Maj sur P, symbole de monnaie (¤) en Maj avec le dollar. Sur la quatrième ligne, point médian (·) en AltGr avec la virgule, eszett (ß) en AltGr sur Z.
Placement des symboles supplémentaires

À cette disposition minimale, j’ai ajouté quelques symboles déjà présents sur les claviers en version standard en France :

J’ai aussi ajouté quelques symboles mathématiques pour l’écriture en ligne :

Enfin, on pourra trouver quelques signes typographiques supplémentaires :

Adaptations

Turc

Marquage des touches avec diacritiques pour le turc
Adaptation avec les diacritiques pour le turc

Suite à une demande, voici une modification de la disposition précédente avec les diacritiques utiles pour la saisie du turc. Le tréma est toujours disponible en touche morte sur la dernière ligne, le C avec cédille reste en AltGr sur C, mais j’ai rajouté S avec cédille de même en AltGr sur S, le G avec brève (ğ) en AltGr sur G, le I minuscule sans point (ı) en AltGr sur I, tandis que la majuscule avec point (İ) est en AltGr+Maj.

Russe

Disposition pour le russe : ЭЫЕЖШФДРЛБЙ, ОУАИЮМСНТПК, Я...ЗГЧХЦВЬ avec en AltGr, Ё sur Е, Щ sur Ш, Ъ sur Ь, et le symbole du rouble (₽) sur Р.
Disposition adaptée pour le russe

Pour la saisie du russe, je suis parti d’une translittération un peu naïve, en remplaçant directement ABDEÈFGIJKLMNOPRSTUVYZ par АБДЕЭФГИЖКЛМНОПРСТУВЫЗ, puis j’ai remplacé C par Ц (tsé), H par Ш (cha), Q par Ч (tché), W par Ю (iou), X par Х (kha).

La lettre Ё (io) est évidemment placée en AltGr pour Е. La lettre Щ (chtcha) étant rare, je l’ai placée en AltGr sur Ш. Le signe mou (Ь) et le signe dur (Ъ) ont pris la touche de fin de la ligne du bas. Le yod ou « i court » (Й) a pris la place de l’apostrophe inutile. L’accent tonique remplace l’arobase sur la touche suivante. La lettre Я est placée en AltGr sur А.

Pour faciliter la transition entre У et Ю (notamment pour l’accusatif des adjectifs de la 1re déclinaison), j’ai déplacé Ю sur l’index (5e touche de la ligne intermédiaire), renvoyant Ы sur la deuxième touche de la ligne supérieure. La touche libérée au début de la ligne supérieure accueille alors la lettre rare Э, qui cède sa place au début de la ligne inférieure à Я en accès direct.

La lettre russe К étant beaucoup plus fréquente que son homologue en français, je l’ai replacée au bout de la ligne intermédiaire à la place de Ч, qui remplace alors Ц sur la ligne inférieure, cette dernière terminant la permutation circulaire deux touches plus loin.

Enfin, j’ai interverti les places de Ш/Щ et de Ж sur la ligne supérieure, pour rendre cette dernière plus accessible.

Le symbole du rouble (₽) est mis en AltGr sur Р.

TypeMatrix

Disposition WÉEH sur clavier TypeMatrix échap F1 F2 F3 F4 F5 suppr F6 F7 F8 F9 F10 F11 F12 num Retourarrière Tab Maj Entrée Maj VerrMaj Ctrl Menu Ctrl Alt Hyper AltGr
Disposition WÉEH sur clavier TypeMatrix

La configuration sur un clavier orthogonal comme TypeMatrix est essentiellement la même, à ceci près que la dernière touche de la ligne intermédiaire n’existe pas, donc les caractères correspondants doivent être redistribués. Le dollar est placé en AltGr sur S. En outre, il y a un décalage dans l’encodage des touches de la ligne inférieure par rapport à un clavier PC standard.

J’en propose une version complétée avec davantage de symboles mathématiques.

Disposition WÉEH sur clavier TypeMatrix avec suppléments mathématiques
Avec suppléments mathématiques

Pour avoir encore plus de symboles mathématiques, j’utilise la touche Hyper (combinable avec AltGr et Maj) à droite de Alt pour accéder à un deuxième niveau, sur lesquels je reporte les chiffres à la façon d’un pavé numérique.

Double disposition ' « " » ( { [ ) } ] < > = + ± - ¬ / ÷ \ * × 7 8 9 ω Ω η Η ε Ε 𝔼 χ Χ φ Φ ϕ 4 Δ δ 𝔻 5 Ρ ρ 6 Λ λ β Β ² ³ ο Ο υ Υ α Α ι Ι ψ Ψ μ Μ 1 Σ σ 𝄞 2 Ν ν 3 Τ τ π Π ζ Ζ γ Γ 0 Θ θ . Ξ ξ κ Κ
Disposition sur deux niveaux

Installation

Je détaille ci-dessous une procédure possible pour les utilisateurs de Linux. Je ne l’ai testée que sur Debian, mais elle devrait fonctionner sur d’autres distributions sous réserve de quelques adaptations. Les utilisateurs de systèmes propriétaires peuvent éventuellement voir (sans garantie d’exhaustivité) :

Procédure sous Linux (Debian Xfce)

  1. Récupérer une image du clavier que l’on souhaite, l’imprimer et l’afficher à proximité de l’écran (de préférence au dessus ou en dessous).
  2. Enregistrer le fichier weeh dans le répertoire /usr/share/X11/xkb/symbols
  3. Dans un terminal en mode utilisateur (et pas en superutilisateur !) taper la commande qui correspond à votre clavier actuel, par exemple setxkbmap fr ou setxkbmap fr bepo afin de pouvoir remettre immédiatement en état avec les deux touches et Entrée si un problème se pose. Ouvrir également un éditeur de fichier texte afin d’effectuer ses tests tranquillement.
  4. Appliquer la nouvelle disposition avec setxkbmap weeh
  5. Si cela vous convient, installer la nouvelle disposition dans le menu de configuration /usr/share/X11/xkb/rules/evdev.lst (en mode superutilisateur cette fois) en ajoutant la ligne suivante à la fin de la partie ! layout :
      weeh            Weeh
    et les lignes suivantes (en tout cas celles qui vous intéressent) à la fin de la partie ! variant :
      simple          weeh: French
      turc            weeh: Turkish
      ru              weeh: Russian
      math            weeh: French (math)
      symbol          weeh: Symbols
      double          weeh: French (math, symbols)
      tm              weeh: French (TypeMatrix)
      tmru            weeh: Russian (TypeMatrix)
      tmmath          weeh: French (math, TypeMatrix)
      tmdouble        weeh: Double (French, math, TypeMatrix)
    
    Modifier également le fichier /usr/share/X11/xkb/rules/evdev.xml entre les balises <layoutList> en ajoutant la disposition ainsi que les variantes qui vous sont utiles :
        <layout>
          <configItem>
            <name>weeh</name>
            <shortDescription>weeh</shortDescription>
            <description>Weeh</description>
            <languageList>
              <iso639Id>fra</iso639Id>
            </languageList>
          </configItem>
          <variantList>
            <variant>
             <configItem>
               <name>simple</name>
               <shortDescription>French layout</shortDescription>
               <description>French</description>
             </configItem>
            </variant>
            <variant>
             <configItem>
               <name>tmru</name>
               <shortDescription>Russian TM</shortDescription>
               <description>Russian (TypeMatrix)</description>
             </configItem>
            </variant>
          </variantList>
        </layout>
            <variant>
             <configItem>
               <name>tmdouble</name>
               <shortDescription>Double TM</shortDescription>
               <description>French and symbol layers (TypeMatrix)</description>
             </configItem>
            </variant>
          </variantList>
        </layout>
    
  6. Pour qu’une disposition favorite soit prise en compte dès l’allumage de l’ordinateur (attention à bien vérifier au préalable l’utilisabilité de cette version pour tous les utilisateurs de l’ordinateur et le fait qu’elle permette de saisir à la fois les identifiants de connexion et les mots de passe), modifier le fichier /etc/default/keyboard en précisant la disposition et la version :
    XKBLAYOUT="weeh"
    XKBVARIANT="tmdouble"

Évaluation

Accès direct

Marquage des touches selon leur facilité d’accès décroissante : OUAIÉESNTPRL puis BDMCXKVWHYZ puis FGJ
Facilité d’accès des touches sur un clavier standard pour une frappe avec les doigts des deux mains

Les touches qui ne semblent demander aucune tension supplémentaire de la main sont les quatre touches de repos des doigts de chaque main sur la ligne intermédiaire, les touches des majeurs et annulaires sur la ligne supérieure, ainsi que les touches des index sur la ligne inférieure juste en dessous (vers l’extérieur de la main avec des rangées décalées). J’ai la sensation que le déplacement des doigts d’une ligne à l’autre induit moins de tension musculaire que le déplacement latéral.

Cette représentation est assez proche de celle obtenue par duels d’accessibilité sur Bepo.fr que j’ai consultée a posteriori.

Les quatorze touches ainsi définies rassemblent les dix lettres les plus fréquentes (E, S, A, I, T, N, R, U, L, O) ainsi que trois des cinq suivantes (C, P, É), rassemblant ainsi plus de 70 % des frappes (hors espace). L’agilité de l’index droit permet d’obtenir facilement les deux autres (D, M), qui correspondent à près de 10 % supplémentaires. Les lettres restantes occupent encore un peu plus de 8 % des frappes. Le reste comprend les signes de ponctuation, les chiffres et d’autres symboles moins courants.

Diagramme circulaire. À gauche, Q 1 %, ZS 8 %, ED 19 %, FV 3 %, autres lettres 26 %. À droite, JN 8 %, IK 8 %, OL 11 %, M 3 %, autres lettres 14 %. AZERTY Q Z S E D F V J N I K O L M autres lettres Diagramme circulaire. À gauche, A 8 %, ÉU 8 %, PI 11 %, E 15 %, autres lettres 8 %. À droite, T 7 %, DS 12 %, LR 12 %, N 7 %, autres lettres 13 %. BÉPO A É U P I E T D S L R N autres lettres Diagramme circulaire. À gauche, O 5 %, ÉU 8 %, EA 23 %, IZ 8 %, autres lettres 3 %. À droite, SC 11 %, RN 14 %, LT 13 %, P 3 %, autres lettres 13 %. WÉEH O É U E A I Z S C R N L T P autres lettres
Fréquence d’utilisation des lettres en accès facile dans les dispositions AZERTY, BÉPO et WÉEH

Le majeur gauche peut paraitre ainsi sur-sollicité : les lettres A et E rassemblent à elles seules 20 % des frappes environ. Mais l’intérêt de cette juxtaposition tient dans l’étude des enchainements ci-dessous.

Enchainements

Il s’agit ici de minimiser la fréquence des enchainements utilisant deux fois le même doigt, ou deux doigts voisins renversant la courbure naturelle (par exemple avec un index ou un auriculaire sur une ligne au dessus de celle d’un majeur ou d’un annulaire). J’éprouve aussi une légère tension lors de l’alternance entre majeur et auriculaire.

Les cinq représentations ci-dessous illustrent les enchainements à éviter, avec un trait d’autant plus fort que la gêne occasionnée est plus importante. A contrario, une lettre déjà marquée comme difficile d’accès sera plus facilement enchainée depuis une touche voisine (typiquement entre D et F).

Marquages d’enchainements de lettres voisines avec le même doigt
Lettres voisines avec le même doigt
Marquages d’enchainements de lettres distantes avec le même doigt
Lettres distantes avec le même doigt
Marquages d’enchainements avec le majeur ou l’annulaire sur la ligne inférieure : K avec R, et a fortiori avec FDB, X avec FDLB
Majeur ou annulaire en bas
Marquages d’enchainements avec l’index ou l’auriculaire sur la ligne supérieure : entre FD et VN, entre B et GN
Index ou auriculaire en haut
Marquages d’enchainements entre majeur en RNX et auriculaire en BPQV
Alternance majeur auriculaire

Il reste ensuite à évaluer les répétitions d’une même touche. L’auriculaire semble un peu moins habile sur cet aspect, et la main gauche un petit peu plus lente. Cette dernière remarque ne vaut vraisemblablement que pour les droitiers, mais elle va dans le sens du choix de placer les voyelles à gauche plutôt qu’à droite, car celles-ci sont beaucoup moins sujettes à répétition que les consonnes.

Les difficultés d’enchainements avec les touches en bord de clavier sont illustrées sur les figures suivantes.

Touches difficilement accessibles depuis l’extrémité de la ligne supérieure, par ordre croissant : RLBC, NTPGV^, XK
Extrémité de la ligne supérieure
Touches difficilement accessibles depuis l’extrémité de la ligne intermédiaire, par ordre croissant : FNTG, BPXKV^
Extrémité de la ligne intermédiaire

Mesure d’ergonomie

Afin de mesurer la facilité d’accès des touches, j’ai comparé les temps mis pour effectuer 12 plusieurs frappes successives d’un même motif.

Les doigts de ma main droite ont à peu près tous la même vitesse de frappe en répétition (120 ms par frappe), en position de repos ou sur les autres touches associées. Seul l’auriculaire est un tout petit peu plus lent sur B, V et Q (un peu plus de 130 ms). Les doigts de la main gauche sont un peu plus lents en répétition (entre 150 ms et 200 ms de l’index à l’auriculaire), avec là aussi un temps légèrement rallongé pour l’auriculaire en dehors de la ligne de repos.

L’alternance des deux mains est nettement plus rapide : moins de 90 ms par frappe pour un motif comme « SI ».

Étant donnée une répartition des lettres sur les touches du clavier, on peut calculer une mesure d’ergonomie en calculant un score de position et un score d’enchainements. Le score de position est la moyenne des difficultés d’accès des touches pondérée par les fréquences des lettres correspondantes. De même, le score d’enchainement est la moyenne des évaluations des enchainements de touches pondérée par les fréquences des enchainements des lettres correspondantes.

Ces fréquences sont obtenues à partir d’un corpus à choisir. On peut utiliser celui effectué par Didier Müller, celui de Nicolas Chartier ou celui disponible sur Bepo.fr (sans source explicite).

Analyse en composantes principale de la matrice des digrammes

Comment maximiser l’alternance entre les deux mains ? À partir d’un tableau répertoriant le nombre d’occurrences de chaque enchainement de deux lettres (ou plus généralement de deux caractères, voire de deux codes clavier en tenant compte des touches mortes), on cherche une répartition de ces lettres, symboles ou codes en deux parties, de façon à maximiser la somme des coefficients reliant les deux parties ou, ce qui revient au même, minimiser la somme des coefficients entre éléments d’une même partie.

On peut interpréter ce tableau comme une matrice carrée M (de taille 26 si on ne prend en compte que l’alphabet) et chaque partie est représentée par un vecteur avec autant de composantes que d’éléments, valant 1 pour chaque élément de la partie, et 0 pour les autres. La somme de ces deux vecteurs est donc un vecteur U uniquement composé de 1, donc on peut noter ces deux vecteurs X et UX.

La quantité à maximiser s’écrit alors matriciellement XM(UX) + (UX)MX = USXXSXS = M + M est une matrice symétrique.

Comme il existe 226 = 67 108 864 vecteurs X possibles, un calcul exhaustif est tout à fait faisable. Cependant, on peut essayer de remplacer ce problème discret par un problème d’analyse en considérant des vecteurs X dont les composantes peuvent valoir n’importe quel réel dans [0, 1]. Pour minimiser cette fonction quadratique, on peut déterminer son point critique solution de l’équation US − 2XS = 0. Pour peu que la matrice S soit inversible, ce qui presque certain, le seul point critique est donc 1/2U. En posant Z = X1/2U avec des composantes dans [−1/2, 1/2], notre quantité à minimiser s’écrit 1/2USUZSZ. Une heuristique consiste alors à prendre le sommet le plus proche du vecteur propre de S avec la valeur propre la plus basse.

Le logiciel SageMath produit très rapidement des approximations de ces valeurs propres qui se répartissent entre environ − 800 000 et 1,5 × 106. Mais l’évaluation des vecteurs propres associés par le même logiciel n’est exploitable que pour les valeurs propres les plus petites en valeur absolue. J’ai alors utilisé la méthode des puissances sur une transformée de la matrice, explicitement sur M = 500 000 IS, pour laquelle les vecteurs propres de la valeur propre dominante sont ceux de la valeur propre la plus basse de S. En une centaine d’itérations, on trouve un vecteur propre dont les composantes sont toutes de même signe sauf celles qui correspondent à A, E, I et O. Les voyelles U et Y doivent être trop souvent associées à ces quatre premières pour qu’il soit préférable de les basculer du côté des consonnes. Notons que les composantes les plus faibles en valeur absolue correspondent à K, Q, W, X, Y, B, F, G, H, J, U et Z.

Il est possible de ne considérer que les répartitions égalitaires en nombre d’éléments, auquel cas on se restreindra au sous-espace des vecteurs Z dont la somme des composantes est nulle. Il suffit alors de calculer la matrice de la restriction de la forme quadratique à cet espace grâce à une base orthonormée, puis de recommencer la méthode des puissances.

Images

Disposition WÉEH simple sur clavier standard
Disposition WÉEH simple sur clavier standard
Disposition WÉEH pour le turc sur clavier standard
Disposition WÉEH pour le turc sur clavier standard
Disposition pour le russe sur clavier standard
Disposition pour le russe sur clavier standard
Disposition WÉEH simple sur clavier TypeMatrix
Disposition WÉEH simple sur clavier TypeMatrix
Disposition pour le russe sur clavier TypeMatrix
Disposition pour le russe sur clavier TypeMatrix
Disposition WÉEH sur clavier TypeMatrix avec suppléments mathématiques
Disposition WÉEH sur clavier TypeMatrix avec suppléments mathématiques
Disposition WÉEH double sur clavier TypeMatrix
Disposition WÉEH double sur clavier TypeMatrix