Dans l’épisode 2328 de xkcd, intitulé Space Basketball, Randall Munroe met en scène un personnage qui se donne pour objectif de mettre 30 paniers d’affilée (avec 30 % de réussite à chaque lancer) avant qu’un météore ne traverse l’anneau. En supposant que la réussite est indépendante d’un lancer à l’autre, nous déterminons la probabilité de succès, et en déduisons le rythme de lancer du joueur pour un jeu équitable.
Modélisation des lancers de ballon
La probabilité de mettre 30 paniers sur 30 lancers avec le même paramètre p = 0,3 se calcule aisément par p30 = 0,330 ≈ 2 × 10−16. Mais pour évaluer la probabilité de mettre 30 paniers consécutifs au cours d’un plus grand nombre de lancers, on introduit quelques variables aléatoires.
Variables aléatoires
On modélise les lancers de ballon par une suite (infinie) d’évènements indépendants et de même probabilité p = 0,3.
La probabilité de réussir tous les lancers à partir d’un certain rang est nulle, donc on peut noter (X1, X2, …) la suite des rangs des lancers manqués successifs, et on pose pour tout entier n ≥ 1, Yn = Xn − Xn−1, avec par convention X0 = 0.
Les variables (Y1, Y2, …) représentent donc les longueurs des séries consécutives de paniers se terminant par un lancer manqué (inclus). Elles sont mutuellement indépendantes et de même loi géométrique de paramètre (1 − p).
La probabilité que toutes les variables Yi soient inférieures ou égales à 30 est nulle, donc on peut noter M le nombre de lancers manqués avant d’obtenir une série de 30 paniers consécutifs. La variable (M + 1) suit donc une loi géométrique de paramètre p30.
Avec ces notations, le nombre de lancers effectués pour réaliser 30 paniers consécutifs s’écrit N = ∑i=1MYi + 30 (avec une somme nulle si M = 0).
Loi tronquée
Soient i et k deux entiers tels que 1 ≤ i ≤ k. La loi de Yi conditionnée par l’évènement {M = k} est donnée pour tout j ∈ ⟦1, 30⟧ par PM=k(Yi = j) = PYi≤30(Yi = j) = P(Yi = j)P(Yi ≤ 30) = pj−1(1 − p)(1 − p30).
Fonction génératrice des moments
La loi de probabilité de la variable N n’est pas immédiate, mais on peut calculer la fonction génératrice des moments associée définie au moins pour tout réel x ≤ 0 par E(exN).
Soit x ≤ 0. La formule des espérances totales donne la relation E(exN) = ∑k=0+∞ P(M = k) EM=k(exN) = ∑k=0+∞ p30(1 − p30)k EM=k(exN) .
Or pour tout entier k ≥ 1, les variables (Y1, … , Yk) sont aussi mutuellement indépendantes sous la condition M = k, donc EM=k(exN) = e30x ∏i=1kEM=k(exYi).
L’espérance conditionnelle associée à la loi tronquée permet d’écrire EM=k(exYi) = ∑j=130 exj (1 − p)pj−1(1 − p30) = ex ((1 − p)(1 − (pex)30))((1 − p30)(1 − pex)).
En notant f(x) le résultat précédent, on trouve
E(exN)
= ∑k=0+∞
(pex)30((1 − p30) f(x))k
= (pex)30(1 − (1 − p30) f(x))
donc E(exN)
= ((pex)30 (1 − pex))(1 − pex − (1 − p) ex(1 − (pex)30))
= ((pex)30 (1 − pex))(1 − ex + (1 − p) p30 e31x)
.
Confrontation entre le joueur et l’espace
Modélisation des passages de météores
On estime à 18 000 à 84 000 le nombre de météorites de masse supérieure à 10 g qui atteignent le sol chaque année1, c’est-à-dire 100 à 200 par jour, donc environ une toutes les dix minutes.
La surface de la Terre mesure environ 500 millions de km², tandis qu’un anneau de basketball de 46 cm de diamètre offre une surface d’environ 1600 cm², soit un rapport de 1 à 3 × 1015.
Le temps moyen d’attente avant qu’une météorite traverse le panier de basket peut donc être évalué à 2 × 1018 secondes (soit environ… 60 milliards d’années). Comme on peut considérer qu’il s’agit d’un phénomène sans mémoire, ce temps d’attente en secondes peut être assimilé à une variable exponentielle de paramètre λ ≈ 5 × 10−19.
Probabilité de victoire
En notant N le nombre de lancers effectués pour réaliser une série de 30 paniers consécutifs, avec une durée moyenne τ par lancer, et T le temps d’attente avant le premier passage d’une météorite à travers le panier, la probabilité d’une victoire du joueur humain s’écrit ∑n=30+∞ P(N = n) P(T > nτ) = ∑n=30+∞ P(N = n) e−λnτ = E(e−λNτ) par théorème de transfert.
À l’aide de la fonction génératrice des moments, on trouve finalement E(e−λNτ) = ((pe−λτ)30 (1 − pe−λτ))(1 − e−λτ + (1 − p)p30 e−31λτ).
Condition pour un jeu équitable
Les développements limités permettent d’obtenir les approximations suivantes : (pe−λτ)30 (1 − pe−λτ) ≈ (1 − p)p30 e−31λτ ≈ (1 − p)p30 et 1 − e−λτ ≈ λτ.
Le jeu est donc équitable si λτ ≈ (1 − p)p30 ≈ 1,5 × 10−16 d’où τ ≈ 300 s. Cela peut sembler lent comme rythme de tir, mais cela correspond à environ 300 lancers par jour.
Notes
- P. A. Bland et al., « The flux of meteorites to the Earth over the last 50,000 years », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, no 283, 1996, p. 551