Revue culturelle de

Certains évènements marquent l’actualité, et ils peuvent être marquants aussi personnellement au point que je garde le souvenir du contexte dans lequel je les ai appris. Il s’agit le plus souvent de catastrophes humaines, mais pas seulement. Mon plus ancien souvenir de la sorte est la chute du mur de Berlin en novembre 1989, avec la réaction immédiate de mes proches. Je me revois aussi dans le salon où nous attendions le retour du courant lors des tempêtes de décembre 1999. Bien sûr, l’évènement le plus soudain à l’échelle mondiale est l’attentat du World Trade Center du 11 septembre 2001, dont l’impact se ressentait même dans le ralentissement de la connexion de la salle informatique où je me trouvais. Je participais à un concert de chorale lorsque les résultats du second tour de l’élection présidentielle française de 2002 sont tombés. Et je me souviens de mon ahurissement devant les chiffres de la température annoncée en France à mon retour de Croatie lors de la canicule d’aout 2023.

Plus récemment, l’année 2015 a tapé fort avec les attentats retentissants contre Charlie Hebdo le 7 janvier et au Bataclan le 13 novembre, le radio-réveil égrenant le déroulé de ce dernier comme dans un mauvais rêve. L’année suivante, c’est l’élection de Donald Trump qui m’a laissé de nouveau un réveil amer le 9 novembre 2016.

Cette énumération ne signifie pas que je considère ces évènements comme plus importants que d’autres survenus dans la même période. De multiples tremblements de terre, tsunamis, guerres et famines, crises économiques ou sanitaires ont été dommageables à de trop nombreuses vies humaines dans le monde et je ne veux pas minimiser leur poids dans l’histoire. Je souhaitais simplement m’attarder sur le processus de réminiscence associé, ce qui me fait d’ailleurs écarter toute la période des années 2020, encore trop fraiche dans nos mémoires.

Film

Va, vis et deviens est un très beau film de Radu Mihaileanu qui met en scène un jeune garçon éthiopien confié par sa mère à un convoi humanitaire israélien (historique) à la place d’un autre enfant juif tout juste décédé. En butte au racisme et tributaire malgré lui d’un mensonge, Schlomo grandit avec l’appui de ses proches.

Spectacles

À l’Opéra national du Rhin, Norma de Bellini est mis en scène par Marie-Ève Signeyrole dans un décor monumental en rotation bruyante presque constamment pendant les 3 heures de spectacle. Dommage pour l’intelligibilité du livret, alourdie par des références à des conflits plus contemporains. La performance vocale était au rendez-vous et l’esthétique visuelle très léchée, mais l’ensemble était finalement peu convaincant.

Littérature

Roman

La Machine à explorer le temps de H. G. Wells confronte son audacieux inventeur du XIXe siècle à de frêles créatures d’un futur éloigné, les Éloïms. Ceux-ci sont considérés comme les descendants d’une humanité affaiblie par trop de confort dans un monde dont les travers auraient été éliminés, alors que sous terre d’effrayants Morlocks seraient issus de classes travailleuses. L’idéologie décliniste par la résolution de tous les problèmes parait bien naïve aujourd’hui.

Théâtre

La Visite de la vieille dame est une pièce très intéressante de Fredrich Dürrenmatt sur la vengeance et la lente glissade vers la compromission. On pense évidemment à Dogville avec la galerie de personnages d’un village isolé, même si ici le passage du train diminue l’effet de huis-clos.

En prenant Celle-là de Daniel Danis, je faisais confiance à l’auteur dont j’avais beaucoup aimé Cendres de cailloux. On retrouve les tensions familiales et les perles de la langue québecoise, mais j’ai moins accroché à l’histoire de ce fils en rage et de ses parents voisins.

Les protagonistes de Hier et après-demain (Patrick Ourednik) se pensent les derniers survivants d’une fin du monde qui les cloitre dans une petite maison. On ne sait pas trop où cela les mène, ni pourquoi d’autres rentrent chez eux au fur et à mesure de la pièce.

Non-fiction

Avec Hacke-moi si tu peux, Florent Curtet relate son parcours d’adolescent puis jeune adulte fasciné par ses possibilités dans le crime informatique. Il manque peut-être un peu d’analyse a posteriori sur le phénomène, pour dépasser la seule histoire personnelle, mais l’aveu sans trop de fard est instructif.

Bande dessinée documentaire

Nicolas Wild s’est rendu À la maison des femmes qu’il décrit avec beaucoup de petits récits et une mise en contexte bien menée.

Anna Politkovskaïa, journaliste dissidente est racontée par Francesco Matteuzzi et Elisabetta Benfatto dans ses combats, son caractère, ses déconvenues et sa fin. Les auteurs parviennent à éclairer ce parcours édifiant sans verser dans l’obscénité des images malgré la cruauté des évènements.

J’ai mis longtemps à ouvrir Le Monde sans fin de Jancovici et Blain. L’œuvre a clairement le mérite de mettre en lumière des enjeux, notamment en explicitant des ordres de grandeur énergétiques. Elle a subi plusieurs critiques (sur The Conversation ou sur Alternatives Économiques) mais plus sur les prises de position de l’expert que sur la qualité de la bande dessinée.

Fred Bernard et Vincent Bernière nous présentent les Chroniques de la fruitière – voyage au pays du comté. Avec un dessin très doux et un propos bien étayé, on découvre l’histoire de la première AOC de France (sous l’impulsion de mon grand oncle, Bernard Boilley, cité dans l’ouvrage).

Jardiner bio en BD (Panhuysen, Schelfhout, Lelièvre) est plus un guide qu’une histoire, mais détaille avec des personnages plaisants de nombreux concepts physico-chimiques, biologiques et techniques qui permettent de mettre du sens sur les procédés et dénominations qui foisonnent dans le monde de l’agriculture de jardin. Les multiples scénettes et références culturelles dans les coins de cases aident bien à digérer ce volume avec plaisir.

Bande dessinée de fiction

Une Maternité rouge fait référence à une statuette enfouie sous un baobab et qu’un jeune homme va transporter avec lui vers l’Europe pour la confier au musée du Louvres. Le dessin de Lax est très agréable, mais on peut regretter que la question de la préservation d’œuvres d’art africain ne soit pas mise en balance avec celle de la spoliation par les puissances européennes.

Encore deux tomes de la série Donjon sont sortis récemment : Larmes et brouillard, illustré par Boulet, qui raconte la difficile paternité d’Herbert, et Quelque part ailleurs, par Guy Delisle (en caméo éphémère), sur une jeune avocate au service d’enfants fantômes et confrontée aux Coffres aux âmes. Même si de nombreuses années séparent ces aventures, on prend plaisir comme toujours à détecter les échos de l’une à l’autre.

Connexions : Faux accords est un patchwork surprenant de Pierre Jeanneau sur des jeunes gens entre leur vie quotidienne et leurs aspirations artistiques ou libertaires. J’aime beaucoup la construction graphique de l’espace narratif, même si l’identification des personnages n’est pas très facile.

Le Boiseleur de Hubert et Gaëlle Hersant décrit un jeune sculpteur exploité par son maitre et qui finit par partir faire son apprentissage dans une ville qui le met en compétition. Le scénario est gentillet et le dessin plutôt plaisant malgré une police de caractère assez impersonnelle pour les nombreux placards narratifs.

Dans The Black Holes, Borja Gonzalez mélange les trames d’un groupe de trois punkettes contemporaines et des jeunes filles d’une forêt plus fantastique du temps passé. On peut trouver cela très poétique.

Cascade est un fourre-tout à pas toujours figuratif de souvenirs de Fabio Viscogliosi avec de multiples références détaillées en fin d’ouvrage. J’en ai reconnu quelques unes, mais l’essentiel m’a laissé assez perplexe.

Tristan et Yseult est mis en images par Agnès Maupré et Singeon mais je n’ai été emporté ni par le découpage scénique assez plat ni par le dessin en ligne claire désaturée. Bon, le mythe de ce couple maudit ne m’emballe pas non plus, ce qui n’arrange rien.