Revue culturelle de

L’Alchimiste de Paul Coelho est un texte à la mystique un peu existentielle qui m’avait peu emballé. Que conseiller à une collégienne qui doit le lire et l’associer à d’autres œuvres littéraires ? C’est un peu facile de penser tout de suite à l’album du Petit Prince de Saint-Exupéry. Je préfère indiquer Johnatan Livingstone le goéland de Richard Bach, qui montre l’oiseau prendre confiance en lui pour dépasser progressivement les limites qu’il se figurait au préalable. On peut aussi se laisser porter par le conte poétique du Prophète de Khalil Gibran, ou appréhender doucement ces questions philosophiques dans Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder. Je me souviens aussi avoir trouvé matière à réflexion dans Anna et Mister God de Fynn et j’ai apprécié l’étrangeté bon enfant de l’album Christophe Cartier de la Noisette dit Nounours d’Antonine Maillet et Hans Troxler.

Vidéo

Je suis à vous tout de suite est une comédie de Baya Kasmi, dans laquelle une jeune femme se retrouve régulièrement dans des situations compliquées parce qu’elle ne sait pas dire non. Ce synopsis finalement pas très drôle est plus profond que ne le laisseraient présager les cinq premières minutes du film.

J’étais forcément accroché par le titre Comment j’ai détesté les maths. Ce documentaire d’Olivier Peyon donne à voir certains visages plus ou moins connus que j’ai pu croiser et les interventions sont assez représentatives du monde réel des mathématiques. Mais en dehors des cinq premières minutes où des jeunes montrent dans l’ensemble un rejet complet, une incompréhension ou au mieux une acceptation résignée et pragmatique de la discipline, cette problématique de la détestation est complètement évacuée. On reste donc sur le constat que les maths sont le domaine réservé d’une élite essentiellement masculine et dont le principal aboutissement est la confection de crises financières comme en 2008. Le résultat dément donc complètement le sous-titre qui promettait de vous réconcilier avec les mathématiques.

Nous avons renoncé à regarder la série Utopia au-delà du deuxième épisode. Le synopsis pouvait passer pour un thriller un peu inattendu : quatre fans d’une bande dessinée poursuivis par une mystérieuse organisation à la recherche du tome 2. Nous avons d’ailleurs découvert au générique que le scénario était de Denis Kelly dont j’aime beaucoup les pièces de théâtre. Mais l’omniprésence de la violence physique, suicides, meurtres et torture nous ont rapidement lassés.

Spectacles

Au Théâtre national de Strasbourg, Le Iench est une très belle pièce d’Eva Doumbia, portée par des comédiens époustouflants. Le chien du titre est le vœu le plus cher d’un jeune garçon qui grandit avec sa sœur jumelle, ses amis et le reste de sa famille dans une société où la couleur de peau fait obstacle. Qui sera le prochain ? scandent les voix dans la litanie des morts et de leur famille. À la fois brutalement réel et joyeusement drôle, je recommande très vivement ce spectacle.

Pourquoi La Langue de mon père serait-elle une langue interdite, demande Sultan Ulutas Alopé dans un texte magnifique, avec un jeu non moins jubilatoire et une scénographie simple mais très efficace. Il ne s’agit pas d’un documentaire, mais la forme théâtrale est bien employée pour raconter des éléments autobiographiques et donner corps à certaines questions sur la honte, l’enfance, les relations familiales, la violence.

Au TAPS, Logan Person incarne Iphigénie avec une perspective, une distribution et une mise en scène très différentes de la version que j’avais pu voir l’année dernière au TNS. Le texte de Jean-René Lemoine est un monologue vivant et nuancé, jouant un peu avec un anachronisme assumé. Certes, c’est un jeune homme barbu qui joue une jeune fille promise à la mort par son père pour envoyer des armées à la guerre, mais le résultat est vraiment plaisant, soutenu par la composition musicale précise et diverse de Ludmila Gander.

Léa Drouet se met en scène au Maillon dans J’ai une épée, rassemblant des récits d’enfants confrontés au milieu scolaire, à certains bulletins désobligeants et à l’accusation d’apologie du terrorisme. Le propos est sérieux et bienvenu, mais la scénographie très lente entre cartons plastifiés et capes brillantes ne m’a vraiment pas convaincu.

Littérature

La médiathèque avait rangé parmi les textes de théâtre les Pièces détachées écrites par des membres du mouvement Oulipo. Il s’agit plutôt de créations poétiques et surtout ludiques. J’ai bien aimé la princesse Hoppy de Jacques Rouband qui conte sans en avoir l’air un problème de théorie des groupes, ainsi que les réponses d’Hervé Le Tellier dans À quoi tu penses ? où il remarque notamment que la syntaxe de "Mon frère, son vélo, y a les freins qui déconnent" est extrêmement compliquée.

Théâtre

Plus je lis Wajdi Mouawad et plus j’aime son écriture. Peut-être que Forêts me touche particulièrement parce qu’il y place une partie de son intrigue à Metz et en Alsace, en invoquant les guerres qui ont écorché ces terres et leurs habitants. Malgré les nombreux tiroirs de cette histoire qui s’étale sur sept générations semblant trainer une malédiction familiale, je reste conquis par cette imbrication de vies moins soumises à un destin arbitraire qu’à un contexte douloureux.

Par-dessus bord : forme hyper-brève est la troisième réduction d’une pièce de Michel Vinaver par lui-même, constituant quand même un texte imposant avec une vingtaine de personnages. Elle décrit le monde de l’entreprise avec des références au propre parcours de l’auteur, dans l’entrelacement des postes au sein d’une industrie de papier toilette.

L’humour des chroniques de Frédéric Pommier dans son éphéméride sur France Inter m’avait placé un horizon d’attente plutôt léger sur Le Prix des boîtes. Cette pièce décrit cependant avec une fantaisie assez dure la fin de vie de deux vieilles à chats, entre mesquineries de voisinage et mauvais traitements.

Bande dessinée documentaire

Sophie Parra raconte son parcours dans le dédale des consultations post-traumatiques, sur les plans physiologique, psychologique mais aussi juridique, dans Après le 13 novembre, dessiné par Gery et Davy Mourier. Elle souligne à la fois la pression haineuse des réseaux sociaux, la brutalité des méthodes de contrôle et le besoin d’humanité.

Jo Jin-Ho présente la conceptualisation du mouvement, du poids puis de la masse de l’Antiquité à nos jours dans Gravité express. La forme dessinée et l’humour sont de bons vecteurs pour transmettre ces notions et cette histoire complexe. Le premier chapitre est un peu décevant, avec son image de l’évolution animale un peu stéréotypée, mais l’intérêt reprend vite le dessus avec l’exposition des personnes et des théories qui se succèdent.

Filmo Graphique est une bande dessinée documentaire d’Edward Ross abordant quelques thèmes transversaux du cinéma. Je l’ai trouvé moins aboutie que Les Mondes du jeu, déjà chroniquée il y a quelques mois, mais qui a été écrite plus récemment. Et puis, je ne suis pas un grand cinéphile, donc le sujet me touche peut-être un peu moins.

L’Éveil du maître du donjon décrit la vie de Gary Gygax, créateur du jeu de rôles Donjons et Dragons. L’auteur David Kushner porte notre attention sur les hommes à l’origine du phénomène culturel, plus que sur la présentation du jeu, en recourant régulièrement à l’énonciation à la deuxième personne, comme si le livre était lui-même un maitre de jeu. Le dessin de Koren Shadmi est assez rond et sympathique, sans plus.

Bande dessinée de fiction

Rob Davis adapte magnifiquement Don Quichotte d’après le roman de Cervantès. La stratification du récit en histoires enchassées est très bien rendue graphiquement, et tout l’humour de situation se retrouve dans les dialogues truculents. Le résultat est à mille lieues du traitement très académique de la version des Les Grands Classiques de la littérature française en bande dessinée par Philippe Chanoinat, Djian et David Pellet.

Faut pas prendre les cons pour des gens (Emmanuel Reuzé, Nicolas Rouhaud) use un peu de la répétition d’une même vignette avec des dialogues différents, mais j’aime bien cet humour iconoclaste, surtout lorsqu’il épingle la politique éducative.

Je suis tombé sur l’album du Génie des alpages : les Intondables de F’Murr. J’adore ces petites brebis espiègles, le bélier Romuald, leur berger Athanase et son chien, accompagnés qu’une quantité de personnages plus ou moins récurrents qui remplissent les pages avec des scènes de fond.

Glace (Matthew Dooley) décrit un vendeur ambulant qui doit faire face à un concurrent déterminé à lui voler son quartier, dans une petite ville d’Angleterre. Il est entouré de personnages populaires lambda, placides mais attachants avec leurs marottes et habitudes. L’ensemble est gentillet mais plaisant.

Coutoo est album solo d’Andreas sur un tueur mystérieux dont les pensées sont retransmises par un jeune garçon médiumnique. On retrouve le découpage graphique et scénaristique caractéristiques de l’auteur, même si l’histoire est moins efficace que ses séries phares.

Anita Bomba est une feuilleton de Cromwell et Gratien en 5 tomes décrivant une aventurière poseuse de bombes et un robot aux multiples personnalités et pas tout à fait fiable. Le scénario foutraque et le dessin assez sombre (évoquant un peu le style de Loisel) ne m’ont pas particulièrement accroché.

Le Feul est un cycle de trois tomes de Gaudin et Peynet, sur quelques êtres plus ou moins humains en quête d’un remède ou d’une explication au mal qui ronge les populations d’une civilisation en races bien distinctes avec une très faible technologie. Les personnages ne sortent pas vraiment de l’archétype dans lesquels ils sont placés d’emblée.