Revue culturelle de

Le programme du deuxième semestre de la Cohue, cette année, était intitulé Tango Choral, et nous avons chanté en espagnol (avec une prononciation argentine) accompagnés par quelques musiciens et des danseurs du SUAPS. C’est l’occasion pour moi d’évoquer quelques pièces du genre qui m’ont marqué : le Tango corse interprété par Fernandel, que j’avais vu petit à la télévision (déjà à l’époque c’était une image d’archive, soit dit au passage), Lumière tango de Boby Lapointe, que je prenais pour un chansonnier pour enfants mais dont les textes me semblaient assez osés pour ce public, Libertango de Piazzolla, arrangé pour chœur par Lincoln Andrade, que j’avais chanté à Wattrelos au cours de mon premier cycle de chant lyrique au conservatoire municipal de Mons-en-Barœul, le Tango en skaï de Roland Dyens, croisé pour les rencontres internationales de guitare à Croix, Tango en herbe de Thierry Tisserand, interprété notamment par Chloé de Bretagne, que j’ai tous deux rencontrés à l’occasion des stages de guitare de l’association Cord’Accord, le Tango d’Albeniz, et ça va commencer à se voir que j’aime la guitare, le très doux et très musical Tangonino (Hélène Bohy) qui nous avait été offert en cadeau de naissance, et puis tant qu’à faire Rosa de Jacques Brel, dont le refrain survient d’une façon inattendue au sein d’une version pour chœur de Lily.

Spectacles

Encore un très bon cru du Théâtre du Prisme avec Together de Dennis Kelly, mis en scène par Arnaud Anckaert, avec Vanessa Fonte et Maxime Guyon formant un couple qui ne peut plus se supporter. C’est drôle et concret, dans le bouleversement psychologique et social qu’a constitué le confinement avec ses rechutes.

À l’Opéra national du Rhin, Le Conte du Tsar Saltane de Rimski-Korsakov était musicalement et visuellement très abouti, avec un choix de mise en scène (Dmitri Tcherniakov) audacieuse et bien menée de représenter le jeune prince en autiste (magistralement interprété par Bogdan Volkov). J’ai enfin compris dans quelle histoire s’insère le Vol du bourdon que j’avais déjà entendu à la radio et dont mon plus lointain souvenir est une mention dans un calembour des pies de bas de pages dans un album de La Jungle en folie.

Plus de cinq heures de spectacles se présentaient sous le titre Esthétique de la Résistance au Théâtre national de Strasbourg. Sylvain Creuzevault y mettait en scène le roman de Peter Weiss pour les jeunes comédiens et autres artistes du Groupe 47 et la compagnie Le Singe. Il y a eu beaucoup de beaux moments, et je comprends bien le principe d’une œuvre qui permet à chacun de faire son morceau de bravoure, mais je ne me souviens pas avoir été convaincu par la nécessité de telles longueurs au théâtre.

C’est avec une mise en scène très sobre de Jean-Christophe Cochard que Jean-Yves Ruf interprétait J’ai saigné de Blaise Cendrars au TAPS. Un lit d’hôpital et une voix posée nous font rentrer avec beaucoup d’humanité dans les affres de la Première Guerre mondiale, au moment où l’auteur est extrait du front pour être amputé, puis hospitalisé pendant quelques semaines.

Au Maillon, Entre chien et loup revisitait le très théâtral Dogville de Lars von Trier. L’adaptation était intéressante, se terminant par un parallèle explicite avec la situation politique et sociale au Brésil sous Bolsonaro. Mais les personnages, qui font explicitement allusion au film, reconduisent les mêmes épisodes.

Également au Maillon, j’ai pu voir Wakatt sur une chorégraphie de Serge Aimé Coulibaly et la musique de Magic Malik. Si je ne me suis pas mépris sur l’identité de ce dernier, il réalisait le tour de force de chanter et jouer de la flûte traversière en même temps ! Sur scène, les danseurs s’agitaient en une sorte de transe communicative qui ne m’a pas complètement convaincu

Dans le cadre du festival Arsmondo slave à l’Opéra, Olga Peretyatko donnait un récital avec des airs russes, ukrainiens et tchèques. La voix était belle et bien maitrisée, presque trop propre pour qu’une émotion soit vraiment présente à mon gout.

Films

Nous avons revu Volver de Pedro Almodóvar, dans laquelle la chanson éponyme est chantée comme un flamenco par une Penélope Cruz assez formidable. J’aime beaucoup ce film drôle et touchant, où l’enterrement d’une vieille tante fait réapparaitre une mère disparue.

Le Grand Restaurant est un film de Jacques Besnard dans lequel Louis de Funès incarne le patron d’une grande table parisienne. J’avais vu quelques images du film à l’occasion de l’exposition Open Museum Alain Passard au Palais des beaux-arts de Lille, où on voyait toute l’équipe danser en se lançant des saucières. Le film accumule les gags mais comme disait Hubert, ce n’est pas un puits (sous-entendu, « de félicité gustative »).

Littérature

Essai

Suite à la déprogrammation injustifiable de son émission quotidienne C’est encore nous !, Charline Vanhoenacker était à l’honneur à la médiathèque, avec Aux vannes, citoyens. ELle y expose avec humour bien sûr mais aussi réflexion et références universitaires la relation à l’humour et à ceux qui le pratiquent professionnellement dans les médias.

Bande dessinée documentaire

Le récit de Guy Delisle sur son séjour à Pyongyang reste édifiant sur l’aveuglement de cette société cadenassée. On ne peut pas vraiment savoir si les autochtones sont dupes ou pas de leur situation et du mythe selon lequel ils conçoivent l’extérieur.

Le Potager Rocambole de Luc Bienvenu, dessiné par Laurent Toussaint, propose un modèle intéressant de production agricole, biologique mais un peu à contre-courant de la permaculture. Du coup, cela permet d’alimenter la réflexion sur les choix d’organisation pour son propre potager.

Mathieu Burniat et Sébastien Martinez racontent l’histoire fictive d’un monarque inculte devenant très rapidement cultivé et polyglotte dans Une mémoire de roi, à l’aide de procédés éprouvés de mémorisation, complétés par quelques exercices. J’ai regretté cependant que la culture soit réduite à l’aspect mémoriel, faisant l’impasse sur l’intelligence des systèmes (culturels, scientifiques et techniques...) et la structuration du savoir (chronologique, spatial, arborescent, classification et ontologies...) La méthode du palais mental est certes efficace mais il aurait été pertinent de citer voire développer d’autres outils mnémotechniques comme l’usage de l’émotion ou de la rythmique musicale, l’organisation de la révision, l’inscription kinesthésique...

Fourmies-la-rouge d’Alex W. Inker illustre la répression mortelle d’une manifestation d’ouvriers réclamant la journée de huit heures devant leur filature du Nord à l’occasion du 1er mai 1981. Dommage que le récit s’arrête au premier coup de fusil, sans regard documentaire additionnel.

L’Économie en BD – la microéconomie est le premier tome de deux ouvrages de Grady Klein et Yoram Bauman. On peut découvrir ici les fondamentaux de cette théorie, répartis en trois niveaux : l’agent maximisateur, l’interaction stratégique et la structure de marché. La forme dessinée est souvent facilitatrice pour apprendre de tels concepts, mais ici je trouve le trait peu attrayant, et bien sûr l’approche est orthodoxe.

Bande dessinée de fiction

Géante ou l’histoire de celle qui parcourut le monde à la recherche de la liberté, est un conte humaniste qui évoque à la fois les géants rabelaisiens et les pérégrinations de Candide, tout en intégrant une dimension féministe plus moderne dans un contexte sociologique relevant plutôt de la Renaissance. J’ai bien aimé la ligne claire faussement naïve de Jean-Christophe Deveney et la liberté résolue des personnages.

Gilles, Le Petit Frère de Jean-Louis Tripp, est mort à onze ans heurté par une voiture. L’auteur raconte avec une distance pudique le traumatisme et le deuil qu’il a vécu avec sa famille. Ce récit fort et nécessaire permet d’appréhender ce vécu que l’on ne souhaite à personne.

Le titre de Mars horizon pourrait faire craindre une énième mission catastrophe à la surface de cette nouvelle Terre à conquérir. Mais Florence Porcel et Erwann Surcouf prennent le parti d’un journal de bord très dialogué sur l’état psychologique des astronautes et leur gestion du quotidien au sein d’un projet extraordinaire. On suit donc une équipe bien préparée affrontant des difficultés parfois vitales mais plausibles.

Écumes est aussi une histoire de deuil sur un enfant attendu. Ingrid Chabbert et Carole Maurel nous livrent un récit intimiste, d’une résilience jamais achevée.

J’aime le trait de Jirô Taniguchi, qui met en scène dans Un zoo en hiver un jeune homme qui rêve de devenir mangaka. La narration est sobre tout en déroulant une galerie de personnages plus ou moins fantasques.

Avec Zenkamono (Tôji Tsukishima) j’ai découvert le métier de ces agents de probabition qui au Japon sont des fonctionnaires bénévoles supervisant la réinsertion des anciens prisonniers. Le personnage principal de cette série est une jeune femme qui accomplit cette mission en plus de deux autres emplois pour assurer sa subsistance. Ce manga éclaire donc des aspects sociologiques spécifiques tout en poussant la réflexion sur la structuration du travail.

Lyse et Didier Tarquin sont les auteurs de la série UCC Dolorès. Une jeune nonne quitte son couvent pour se retrouver à la tête d’un vaisseau de guerre à la recherche d’un mystérieux cristal. On retrouve le trait et l’univers de science-fiction interplanétaire de Lanfeust, l’humour d’Arleston en moins.

To Your Eternity est une série de manga de Yoshitoki Oima, dans laquelle une boule lumineuse immortelle acquiert successivement des formes minérales ou vivantes avec leur sentience propre. J’ai lu les quatre premiers tomes sans vraiment accrocher à l’histoire.

Longtemps après avoir lu le roman éponyme de Bernard Werber, j’ai voulu tester la version en bande dessinée des Thanatonautes par Éric Corbeyran. Des scientifiques parviennent à dépasser l’expérience de mort imminente en investissant les strates successives d’un au-delà qui devient un enjeu de pouvoir. J’avoue ne pas accrocher au dessin, qui renforce la vision judéo-chrétienne du tribunal des anges par le recours à son iconographie.

Jeu

Nous avons ressorti l’autre jour Bang! (ou plus exactement Wanted avant son renommage) d’Emiliano Sciarra. De trois à sept joueurs incarnent shérif, adjoint ou hors-la-loi, sachant qu’un rénégat cherchera d’abord à éliminer les adversaires du shérif pour l’affronter en duel à la fin. Les parties sont brèves et sans pitié. Dans la vie, il y a ceux qui ont un flingue…