Spectacles
Dans Je vous écoute de Mathilde Delahaye, les comédiens nous font entendre les paroles de personnes en détresse qui appellent une ligne téléphonique spécialisée pour parler de leur mal-être. Au-delà de la mise en évidence de déroutes ou d’angoisses personnelles, il y a un remarquable travail choral assez diversifié au long du spectacle, impliquant même des amateurs qui investissent la scène en groupe. Reste que je m'interroge sur la légitimité de l'exposition de ces récits, fussent-ils anonymes, mais délivrés dans un contexte où leurs auteurs se pensaient dans le secret.
Sylvain Creuzevault nous offre une mise en scène très réussie des Frères Karamazov de Dostoïevski, avec une profusion qui rappelle le travail de Sivadier, dont on retrouve ici un des acteurs fétiches, Nicolas Bouchaud. L’actualisation du texte permet de saisir la violence du propos, et la dérision n’occulte pas une certaine tendresse pour les personnages. La rupture du quatrième mur nous fait frôler le stand up et la vidéo semble un écho à notre consommation d’écrans.
Vanessa Michel-Oltra présentait The TRUE Conference, une conférence-performance sur Adam Smith à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Strasbourg. Avec humour et dynamisme, la maitre de conférence et sa compagnie Just’art avec Jérôme Batteux retracent le parcours du père spirituel de l’économie et sa perception actuelle.
Rocío Márquez ne pouvant assurer son spectacle à l’Opéra national du Rhin, c’est Esperanza Fernández qui nous a régalé de son art dans son récital de flamenco. Le guitariste Miguel Angel Cortés l’accompagnait avec une maestria qui forçait l’admiration. J’ai aussi découvert à cette occasion les palmas, claquements de mains suivant des rythmes sophistiqués et réalisés pour l’occasion par Antonio et Manuel Montes Saavedra.
Cela commence par un mur qui tombe. La masse et le vacarme nous font rentrer avec une violence physique dans Palermo Palermo de Pina Bausch, interprété par le Tanztheater de Wuppertal, à l’opéra de Lille. Cette pièce très théâtrale cahote sur les parpaings éparpillés sur scène, invoque au hasard des langues et des accents des souvenirs d’enfance tristes ou comiques, et nous dérange avec une infinie douceur en montrant l’oppression et la nécessité dans des mouvements dansés enrichis par des leitmotivs.
Vidéo
Dieu existe et il habite à Bruxelles, nous dit l’affiche du Tout Nouveau Testament. Cette comédie de Jaco Van Dormael installe Benoît Poelvoorde en démiurge intrinsèquement mauvais, dont la fille décide par vengeance envers lui de diffuser à tous les habitants de la Terre (munis d’un téléphone portable) leur date de mort. L’ambiance poétique et amorale de la suite nous laisse rire grâce notamment à la non moins divine Yolande Moreau.
J’avais pris un peu par hasard en médiathèque la première saison d’Orphan Black (Graeme Manson et John Fawcett). L’histoire de clones promettait un peu de science-fiction et d’enquête policière de bon aloi. Mais j’ai surtout été conquis par la performance de l’actrice principale Tatiana Maslany, qui joue tous ces clones avec des attitudes différentes bien marquées, et surtout qui joue à plusieurs reprises l’imitation par l’une par l’autre. S’imiter soi-même pourrait sembler une lapalissade, mais à mon avis c’est au contraire un tour de force que de ménager les différentes personnalités en jeu.
Théâtre
Dans Love, love, love, Mike Bartlett croque avec gourmandise un couple en devenir. Les deux actes suivants font déchanter l’histoire d’amour et perdent peut-être notre attachement par la même occasion. Le recueil contient aussi Bull, une conversation toxique en prélude à un licenciement. Le thème est dur mais j’ai eu le plaisir d’y retrouver le nom de Kelly Rivière qui en a fait la traduction. Je l’avais beaucoup appréciée dans l’interprétation de son propre texte An Irish Story – Une Histoire irlandaise à la Rose des Vents.
Bande dessinée et récits graphiques
Merci à Jules de m’avoir fait découvrir New York de Will Eisner. Ce recueil de plusieurs albums montre l’affection de son auteur pour la Grosse Pomme, ses bâtiments et ses habitants. Cela m’a permis aussi de mieux connaitre ce patriarche de la bande dessinée aux États-Unis.
Mathieu Bablet humanise ses robots de Carbone & Silicium bien au delà de leur apparence en les poussant dans une recherche de sens qui dépasse le réflexe de survie ou une quête de savoir. Les déclinaisons chromatiques au fil des chapitres adoucissent patiemment un trait que je trouve dur au premier abord. En cherchant à échapper à leur définition anthropomorphique, ces robots se montrent pourtant profondément humains.
La bande dessinée Tetris de Box Brown raconte l’histoire de ce jeu vidéo culte du XXe siècle, dont la musique vient instantanément à l’esprit lorsque mon regard croise un de ces tétraminos gauches (L ou S). Le dessin très sobre est un peu rebutant mais on plonge avec attention dans la saga de droits et de diffusion d’un simple jeu conçu sans ambition initiale de commercialisation.