L’Odyssée
Prologue
Homère, sur l’air du Petit Âne gris —
Écoutez cette histoire, qui va vous enchanter. Du fond de ma mémoire, je vais vous la conter. Il y a trois mille ans, en Méditerranée, dans le sud de la Grèce commence l’Odyssée. (reprise en choeur) « dans le sud de la Grèce commence l’Odyssée » Pour planter le décor, je chante une chanson. Vous m’écoutez encore, merci et attention. Par respect pour les autres, pour nous aussi c’est mieux, éteins ton téléphone et ouvre grand tes yeux.Scène 1 : Les Kikones
Ulysse — On est les bad boys de l’Antiquité !
Elpénor — On est malins et on n’a pas froid aux pieds !
Ulysse après un silence — « On n’a pas froid aux pieds » ?
Elpénor — C’était pour que ça rime avec « Antiquité »…
Ulysse — Je suis Ulysse, le roi d’Ithaque, le guerrier aux mille ruses, et vous êtes mon joyeux équipage, formé des plus fins aventuriers de ce siècle. Tous les enfants du futur ont pu lire nos aventures dans L’Iliade, en vente dans toutes les bonnes librairies. Nous sommes partis pour l’Odyssée, un terrible voyage qui va nous occuper encore pendant des années. Homère va se décarcasser pour nous décrire avec les adjectifs les plus formidables. Il faut qu’on les mérite. On n’est pas dans une publicité pour les chaussettes en laine.
Elpénor — Oui Ulysse.
Ulysse — Montrez-moi que vous êtes des guerriers courageux !
Vigie — Terre en vue !
Elpénor — On n’a pas froid aux yeux !
Vigie, après un court silence — Ismare…
Elpénor — Mais non, je me marre pas, c’était pour que ça rime avec « courageux » !
Vigie — C’est la ville d’Ismare, la terre des Kikones, qui étaient alliés avec Troie.
Antiphos — Ça fait pas beaucoup.
Périmède — Mais pas le chiffre 3, la cité de Troie.
Antiphos — Ah c’est une ville vers Paris, non ?
Clytios (soupir) — Non, pas Troyes avec un ’Y’ et un ’S’, Troie T-R-O-I-E, la cité du roi Priam, aux confins de l’Asie Mineure, ennemie des cités grecques à cause d’une sombre histoire de Pâris, de pomme d’or et de concours de beauté entre trois déesses qui jouent à Miss France.
Différents compagnons — On a fini par les avoir en planquant des soldats dans un cheval en bois qu’on avait mis devant leurs murailles. — Le cheval, c’est leur grande passion. — C’était. On a tout ratiboisé. — C’est comme si Troie n’avait jamais existé. — Alors les Kikones, ils ne vont pas kikoner longtemps.
Tous — À l’attaque !
Vigie, pendant que les autres combattent — Eh, ne me laissez pas toute seule ! C’est toujours les mêmes qui s’amusent. Et voilà Ulysse qui combat un autre guerrier, oh comme il est beau, et même deux autres guerriers, quel audace ! Trois guerriers à la fois, ah, ça fait mal ça, onze guerriers, ma parole, c’est une équipe de foot ! Et il y en a encore d’autres qui arrivent. Revenez !
(Tous reviennent en criant.)
Scène 2 : Les Lotophages
Ulysse — Bien joué les amis.
Différents compagnons — Heureusement qu’on était les plus forts, parce qu’ils étaient vraiment trop nombreux. — Regardez, j’ai récupéré plusieurs tonneaux de vin noir. — Du vin noir ? — Oui, il a dû être fait avec du raisin rouge. — Et maintenant, chantons pour nous donner du courage. C’est un fameux trois-mats…
(La tempête se déchaine.)
Différents compagnons — Mais arrête de chanter, tu vois bien que Poséidon n’aime pas ça. — Je chante si je veux, et je veux.
(Les autres le baillonnent et l’emportent. La tempête se calme.)
Ulysse — Il faudrait qu’on récupère de l’eau. Ohé, la vigie ! Ne vois-tu rien venir ?
Vigie — Je ne vois que le ciel par dessus le mât, si bleu, si calme, et un arbre tout au loin là-bas, qui berce sa palme.
Ulysse — Un arbre ! C’est bon signe. Cap sur la côte ! Bien, il me faut trois volontaires pour aller chercher de l’eau.
Antiphos — Troie ?
Ulysse — Oui.
Antiphos — Ce ne serait pas la cité du roi Priam, aux confins de l’Asie mineure ?
Ulysse — Il me faut trois volontaires, et que ça saute. (Ils sautent.) Toi, toi et toi, allez-y.
Un compagnon — Et nous ?
Ulysse — Vous, vous allez ranger ce bazar.
Homère, sur l’air de La Mère Michel —
Oh, qu’il était beau le temps, le temps lointain Où Ulysse dirigeait et mangeait à sa faim. Il était si bon roi, un super souverain, Mais le voilà parti pour un voyage sans fin. Mais il est temps de tourner la page Pour Ulysse et son équipage, Car bien dangereuse est l’ile des Lotophages. Nos trois compagnons devraient être là à cette heure. Non, pas comme les confins de l’Asie Mineure ! Peut-être ont-ils rencontré un monstre sanguinaire ? Ou se sont-ils intoxiqués car ils manquaient trop d’air ? Mais il est temps de tourner la page Pour Ulysse et son équipage, Car bien dangereuse est l’ile des Lotophages. Ça fait vraiment des heures qu’ils devraient être arrivés. Ulysse commence vraiment carrément à s’inquiéter. Peut-être ont-ils été avalés par un trou noir ? Eh bien mes chers amis vous allez bientôt le savoir.Ulysse — Ça commence à faire un moment qu’ils sont partis. Je vais les chercher. Toi, viens avec moi. Que ce bateau soit prêt à partir à notre retour.
Politès — Oh, chef, regardez les mignonnes petites fleurs blanches ! Je vais faire un bouquet.
Ulysse — Dépêche-toi, il faut qu’on retrouve nos camarades.
Politès — En plus elles sentent bon.
Ulysse — Écoute, tu feras ton étude de botanique plus tard.
Politès — Monsieur ?
Ulysse — Allez, active-toi un peu.
Politès — Qui êtes-vous ?
Ulysse — On n’est pas dans Alice aux Pays des merveilles, ici. Qu’est-ce que... Du lotos ? C’est du lotos ! Oh, misère. Je comprends maintenant pourquoi les autres ne sont pas revenus. Les voilà !
Les trois compagnons — Tiens qui c’est ? — Je ne sais pas. Et toi ? — Eh, j’ai même pas fini ma salade de lotos.
Ulysse — Venez-là, vous.
Les trois compagnons — Ah non, on est bien ici. — Il fait beau. — Il fait chaud. — Et il y a plein de petits papillons multicolores qui jouent de la musique.
Ulysse — C’est ça, allez, on avance.
(Ils retournent au bateau.)
Un compagnon — Pour Ulysse hip hip hip...
Tous — Hourra !
Ulysse — Partons d’ici au plus vite, sinon nous ne repartirons plus jamais.
Scène 3 : Le Cyclope Polyphème
Différents compagnons — Je ne sais pas pourquoi, j’ai l’impression qu’il y aura moins de papillons multicolores sur l’ile devant nous. — Regardez, il y a une grotte. — On va l’explorer, chef ?
Ulysse — Allons-y !
Différents compagnons — Ça sent la croquette. — Eh, mais c’est du fromage ! — Du jambon ! — Du miel ! — Des yaourts !
Clytios — Grrrmbl !
Un compagnons — Aaah, qu’est-ce que c’est ?
Clytios — C’est rien, c’est mon ventre.
(Tous mangent des victuailles. Hors scène, le même gargouillement furieux se fait entendre.)
Un compagnon — Ton ventre gargouille encore, avec tout ce que tu as mangé ?
Clytios — Ah non, cette fois ce n’est pas moi.
Polyphème — Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faites chez moi ?
Ulysse — Nous sommes des Grecs, de retour de la guerre de Troie. Accorde-nous ton hospitalité, comme l’ordonnent les dieux.
Polyphème — J’ai pas peur des dieux. Nous, les Cyclopes, nous sommes plus fort qu’eux et moi, Polyphème, je suis le plus fort des Cyclopes.
Ulysse — Je vois bien que tu es le plus fort, alors je t’offre notre vin.
Polyphème — Ah, c’est vrai qu’il est bon ! Comment tu t’appelles ?
Ulysse — On m’appelle Personne.
Polyphème — Eh bien, P... Personne, comme tu m’as offert ton vin, je vais être g... gentil a... avec toi. Je te mangerai en dernier. Dodo.
Ulysse — Vite. Aidez-moi à porter cette poutre ! Prends ça !
Polyphème — Aaah, j’avais à peine fermé l’oeil, que tu me l’as crevé, vilain moucheron ! Au secours mes frères !
Les Cyclopes — Qu’est-ce qu’il y a, Polyphème ?
Polyphème — Personne m’a fait du mal !
Les Cyclopes — Eh bien tant mieux. C’est pour ça que tu nous réveilles ?
Polyphème — Venez m’aider à tuer ces moucherons ! Ils m’ont crevé l’oeil !
Les Cyclopes — Mais non ! Tu ne vois rien parce que c’est la nuit et que tu dors encore. Tu as trop bu !
Polyphème — Personne m’a donné du vin.
Les Cyclopes — Mais bien sûr, allez, va te coucher, maintenant.
Polyphème — Ah, je vais bien finir par te trouver, Personne. Venez mes petits moutons ! On va laisser ces vilains moucherons pourrir à l’intérieur de la grotte.
Ulysse — Les moutons ! On va se glisser dessous pour sortir.
Polyphème — Venez là, gentils moutons. Après, je passerai l’aspirateur.
Ulysse — Gros patapouf sans oeil ! On est sorti de ta grotte, tu ne nous auras pas !
Polyphème — Personne !
Ulysse — En fait, je suis Ulysse, le roi d’Ithaque, et je suis bien content de t’avoir crevé l’oeil.
Polyphème — Puisque c’est comme ça, j’appelle mon père. Papa ! Poséidon ! Allô !
Poséidon — Eh bien oui, où veux-tu que je sois ?
Polyphème — Je n’y vois plus rien, papa, Ulysse m’a fait croire qu’il était Personne et il m’a crevé l’oeil !
Poséidon — Ulysse, je ne suis pas ton père, mais je t’assure que tu ne t’en sortiras pas comme ça. Je te condamne à errer sur les mers jusqu’à ta mort et celle de tes compagnons.
Un compagnon — Il a le sens du spectacle, le vieux.
Scène 4 : Circé
Vigie — Une ile ! Elle a l’air habitée : je vois de la fumée.
Ulysse — Euryloque, prends la moitié de l’équipage avec toi pour explorer l’ile. Nous attendrons à bord.
Euryloque — Chef oui chef. Allons-y les gars. Et hi, et ho, on repart en explo ! Et hi et ho et hi et ho et hi… et oooh !
Un compagnon — Bonjour madame ! Que vous êtes jolie ! Que vos cheveux sont beaux !
Circé — Entrez, nobles étrangers. Bienvenue chez Circé. Je saurai bien vous accueillir !
Un compagnon — Eh, Euryloque, tu viens ?
Euryloque — Euh, pas tout de suite. Je vais faire un petit tour d’abord.
Circé — Régalez-vous, c’est un plat que j’ai cuisiné moi-même.
Différents compagnons — C’est super bon ! Il y a comme un petit goût que je n’arrive pas à identifier. — Dis-donc, tu n’es pas obligé de manger aussi salement ! Gruuik ! — Et toi, tu parles la bouche pleine, nouf nouf.
(Ils se transforment en cochons.)
Circé — Et voilà ! Qui c’est qui va faire du bon saucisson maintenant ?
Euryloque — Oh là là ! J’avais raison de me méfier. Au secours ! (Il retourne au bateau) Ulysse, Ulysse !
Ulysse — Respire. Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Où sont les autres ?
Euryloque — Ils ont été transformés en cochons !
Ulysse — Allons les chercher !
Euryloque — Ah non, je ne veux pas me retrouver moi aussi avec une queue en tire-bouchon. Partons d’ici !
Ulysse — On n’est déjà plus beaucoup. Je vais les chercher.
Hermès — Tiens, bonjour Ulysse. Toi si rusé, tu vas chez Circé la magicienne les mains vides, comme si elle allait te laisser repartir avec tes hommes, tranquille la vie ? À moins que tu ne veuille aussi te transformer en cochon ?
Ulysse — Eh, d’où on se connait, machin ? Ah, mais attends, avec tes sandales et ton chapeau, tu ne serais pas Hermès par hasard ?
Hermès — Bien vu, gamin. Alors voilà. Tu vas mâcher ces quelques feuilles avant d’entrer chez Circé. Cela devrait te protéger de sa magie. Bonne chance !
Ulysse — Holà, il y a quelqu’un ?
Circé — Décidément, c’est Byzance aujourd’hui. Bonjour, noble étranger, tu dois avoir faim ! Viens te mettre à table.
Ulysse — Ce n’est pas de refus, j’ai encore un goût d’épinards dans la bouche.
Circé — Allez, toi aussi, transforme-toi !
Ulysse — Dans tes rêves, biquette. Je suis un homme et je le reste.
Circé — Ah, tu dois être Ulysse, roi d’Ithaque. Hermès m’avait prévenue qu’un jour tu viendrais me défier. Pose cette arme et viens, je vais te préparer un bain.
Ulysse — Rien du tout. Tu vas me rendre les hommes qui sont venus te voir tout à l’heure. Balance tes porcs.
Circé — Revenez à moi, petits cochons. Je vais souffler, souffler, et à trois vous serez redevenus comme avant. (Elle souffle sur eux.) Avant de partir, Ulysse, je dois te dire que les dieux t’ont réservé d’autres embuches sur la route de ton retour.
Ulysse — J’avais compris que ce ne serait pas simple, mais personne sur terre ne semble pouvoir m’aider.
Circé — Il faut donc que tu ailles chercher l’aide des morts, au royaume d’Hadès et Perséphone. Le devin Tirésias éclairera ton destin. Mais pour cela, tu devras aller au bord de l’Océan, là où la mer se déverse dans l’abyme. Là, tu sacrifieras deux moutons noirs, et les ombres des morts viendront boire leur sang. (rire spectral)
Scène 5 : L’invocation des morts
Ulysse — Eh bien nous y voilà. C’est marqué : « Au bord de l’Océan ». Ohé ! Il n’y a personne dans ce bar.
Un compagnon — Il n’y a pas grand-chose à se déverser dans l’abyme, ici.
Ulysse — Allez, en cercle. (Ils appellent les morts) Tirésias, divin devin !
Tirésias — Ulysse, fils de Laërte, tu es venu t’enquérir des moyens de rentrer à Ithaque. Fais … demi-tour … dès que possible. Calcule un nouvel itinéraire. Dans trois jours, passe au large de l’Ile des sirènes. Ne te laisse pas entrainer par leur chant, ou tu y perdrais ton sang. Passe ensuite entre les deux rochers monstrueux des Planktes. Charybde est un typhon qui t’aspirerait au fond de la mer. Scylla est une créature avec 6 têtes qui dévorerait tes hommes. Tu pourras ainsi longer l’ile du Trident, où paissent les troupeaux du divin Hélios, le dieu Soleil. Ne sois pas assez bête pour toucher à ses bêtes, où tu n’échapperais pas à la fureur de Zeus. Tu n’es pas encore arrivé à destination.
Ulysse — Eh bien merci pour toutes ces précisions. Ce n’est pas tout à fait encourageant, mais c’est mieux que rien. Oh, maman !
Anticlée — Tu ne peux pas m’embrasser, mon fils. Je ne suis plus qu’une ombre fragile, morte du chagrin de t’avoir perdu. Mais ta femme Pénélope est bien vivante et t’attend, malgré les nombreux prétendants qui l’assaillent. Ton fils Télémaque aussi espère ton retour, parce qu’il a un devoir à faire et il craint de ne pas y arriver tout seul.
Ulysse — Ouh là, c’est vrai que ça fait un moment que je n’ai pas signé le cahier de liaison, moi. Tiens, mais c’est l’heure des mamans ! Bonjour, Jocaste.
Epicaste — Non, chez Homère on m’appelle Épicaste. Mais bon, je vais pas en faire un complexe. Mon fils Œdipe m’a déjà causé assez de soucis comme ça.
Ariane — Ulysse ! Toi au moins tu es fidèle à ta femme. À ce propos, je ne sais pas ce qu’elle trame avec sa tapisserie, ta Pénélope, mais ça m’a tout l’air d’être un travail fictif. Chaque jour elle brode sur le linceul de ton père, et chaque soir elle défait ce qu’elle a fait dans la journée. Tiens, il me reste du fil que cette andouille de Thésée m’a laissé. Tu pourras lui donner.
Ulysse — Ah, merci Ariane. Passe le bonjour à Dionysos. Mais que vois-je ? Agamemnon, roi de Mycènes, quelle bonne surprise !
Agamemnon — Sois prudent, Ulysse, car les monstres ne sont pas les seuls dangers qui te guettent. Des hommes chez toi préfèreraient t’assassiner sur le chemin de ton retour plutôt que de te voir retrouver ta famille et reprendre ta maison.
Ulysse — Achille, vaillant compagnon ! Même mort, tu restes le plus grand d’entre nous.
Achille — Détrompe-toi, Ulysse. Je préfèrerai travailler la terre sans puissance ni gloire, mais vivant, plutôt que de moisir ici. Que devient mon fils Néoptolème ?
Ulysse — Tu peux être fier de lui. Ça n’a pas toujours été facile à l’école d’avoir un prénom pareil, mais il est devenu un grand guerrier.
Minos — Messieurs, la Cour ! Ulysse, vous êtes accusé de simulation de folie, de pollution de terres agricoles, de vol de statue, d’offense aux dieux, de mutilation de cyclope. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
Ulysse — Mais enfin, Minos, je ne suis pas encore mort ! Tu ne peux pas encore me juger !
Tantale — À boire ! Oh, qu’est-ce que j’ai faim ! Ulysse, tu n’aurais pas une pomme ou une gourde d’eau s’il te plait ?
Ulysse — Désolé, Tantale, j’ai tout laissé sur le bateau. J’ai quelques pièces si tu veux.
Tantale — C’est gentil, mais à chaque fois que je vais au distributeur de boissons il est en panne. Salut Sisyphe, tu aurais quelque chose à boire ?
Sisyphe — Attends une minute, je monte ça là haut et je te trouve ça. Eh, reviens ici, toi !
Méduse — Où est-il ce gentil Ulysse ? Je ne l’ai pas encore vu.
Ulysse — Vingt-deux, voilà Méduse. Vite, on remonte à bord !
Scène 6 : Les sirènes, Charybde et Scylla
Ulysse — Est-ce que vous avez envie de rentrer à Ithaque ?
Tous — Oui !
Ulysse — Est-ce que vous en avez marre des monstres ?
Tous — Oui !
Ulysse — Eh bien il va falloir attendre encore un peu. Nous arrivons à proximité des sirènes.
Différents compagnons — J’aime bien les sirènes, toutes mignonnes avec leur queue de poisson. — Pas de bol, on est loin des sirènes de la mythologie nordique. Ici, ce sont des femmes avec un corps d’oiseau, qui chantent pour attirer les marins et ensuite elles les dévorent avec des huitres et du miel. — C’est horrible ! — Ah oui, je ne comprends pas pourquoi elles font comme ça. À la rigueur, avec un peu d’herbes de Provence et un filet de citron...
Ulysse — Vous avez fini avec votre chronique gastronomique ? Si vous ne voulez pas finir en sushi, vous allez vous mettre de la cire dans les oreilles. Comme ça, vous ne les entendrez pas et on passera sans encombre. Quant à moi...
(Tous se sont bouché les oreilles à la cire, et font mine de rire et de parler en silence. Ulysse s’énerve et débouche les oreilles d’un marin.)
Ulysse — Je disais que vous alliez m’attacher au mât, pour que j’entende les sirènes sans risque. Mais il ne faudra me détacher sous aucun prétexte tant que nous n’aurons pas échappé aux sirènes.
(Ulysse est attaché, les autres rament, les sirènes passent puis s’éloignent. Un marin fait signe à un autre de se déboucher les oreilles.)
Un compagnon — Eh, tu ne crois pas qu’on pourrait le détacher, maintenant ?
Ulysse — Ah, enfin ! Ça fait une heure qu’on n’entend plus les sirènes. Dépêchez-vous de me détacher, on arrive près de Charybde et Scylla ! Par ici, vite, sinon le typhon va emporter le bateau !
(Ils tanguent sur le bateau qui est bousculé par le typhon. Puis ils se rapprochent de Scylla qui emporte plusieurs hommes.)
Scène 7 : L’ile d’Hélios
Vigie — Voilà l’ile du Trident !
Ulysse — Nous sommes obligés d’aller à terre pour réparer le bateau. Mais je vous rappelle : il est interdit de toucher aux animaux d’Hélios ! En attendant, bonne nuit.
(Ils se couchent.)
Différents compagnons — Qu’est-ce que j’ai faim, tout à coup ! — Ah, toi aussi ? Eh, il y a une vache à côté du buisson. On va s’en griller une ? — Fais voir. Si Hélios ne veut pas qu’on touche à son bétail, il n’a qu’à marquer son nom dessus, on n’est pas censé savoir que c’est à lui. — Dites, les gars, c’est vous qui faites un méchoui ? Ça sent rudement bon ! — C’est marrant, ça fait une heure qu’elle est à la broche, et elle continue à meugler. — Bon ben moi j’ai trop faim, j’en prends un bout quand même.
(Tous mangent de la vache, sauf Ulysse qui dort encore.)
Hélios — Pâquerette ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Au secours ! À l’assassin !
Ulysse — Qu’est-ce qui se passe ? Mais qu’est-ce que vous faites ? Je vous avais dit de ne pas toucher au bétail ! C’est une catastrophe !
Hélios — Zeus, si tu ne les tues pas, je ne ferai plus jamais lever le soleil !
Zeus — Encore eux ! Ils commencent à m’énerver ceux-là !
Ulysse — Au bateau ! Fuyons !
(Ils embarquent mais tous se font emporter par la tempête sauf Ulysse.)
Scène 8 : Le naufrage
Notos — C’est moi, Notos, le vent du sud !
Zéphyr — Et moi, Zéphyr, le vent de l’ouest !
Borée — Et moi, Borée, le vent du nord !
Euros — Et moi, Euros, le vent de l’est !
Zéphyr — Et on va faire une grosse tempête !
Euros — Et Ulysse va se casser la tête !
Athéna — Pas question !
Notos — Oh non ! Pas encore Athéna !
Athéna — Oh si ! Zéphyr, Notos, et Euros vous allez me copier 100 fois « Je ne dois pas tuer de héros ». (Pendant ce temps, Ulysse se fait emporter.) Et toi, Borée, pour l’instant, tu peux t’amuser car tu le pousses du bon côté.
Notos — Oh non !
Zéphyr — C’est pas juste !
Euros — T’as tout gâché !
Athéna — J’AI DIT COPIEZ ! ET LOIN D’ICI !
Borée — Euh… Athéna ?
Athéna — Oui ?
Borée — Ben… c’est Ulysse… Il s’est fait emporter…
(Athéna et les vents sortent, tandis que Leucothée vient secourir Ulysse.)
Leucothée — Ne t’inquiète pas, je vais t’aider.
Ulysse — Qui êtes vous ?
Leucothée — La grande déesse Leucothée, et je vais te sauver !
Ulysse — Il serait temps !
Leucothée — Tiens, prend ce voile. Il te protégera des flots
Ulysse — Merci ! Et il rend invisible ?
Leucothée — Non.
Ulysse — Et il fait voler ?
Leucothée — Non.
Ulysse — Et il peut faire prendre l’apparence qu’on veut ?
Leucothée — Non !
Ulysse — Et…
Leucothée — NON ! C’EST UN VOILE QUI PROTÈGE DES FLOTS ET C’EST TOUT ! Mais après, il faut me le rendre.
Ulysse — D’accord. Merci quand même !
Scène 9 : La colère de Télémaque
(Télémaque semble triste pendant qu’une fête bat son plein.)
Athéna — Télémaque ? Tu n’as pas l’air dans l’ambiance. Ce n’est pas ton père qui t’empêche de faire la fête !
Télémaque — Si papa était là, ils feraient moins les fiers, à tourner autour de maman et à vider le frigo. Papa où t’es ?
Athéna — Ne les laisse pas faire. Ulysse est vivant. Il est prisonnier mais il va bientôt s’en sortir. Impose-toi devant tous ces parasites et va retrouver Nestor et Ménélas. Tu es un homme maintenant.
Télémaque — Eh, les gros lourds, vous allez débarrasser le plancher fissa.
(Le silence se fait.)
Antinoos — Quel langage, petit insolent ! Tu ne voudrais pas faire de la peine à ta mère, non ? Regarde-la, comme ça lui plait de nous voir tous ici. Sinon, ne crois-tu pas qu’il y a longtemps qu’elle aurait choisi l’un d’entre nous pour se marier ? Oh non, j’attendrai d’avoir fini de tisser le linceul de mon beau-père ! Tu parles, Charles.
Télémaque — Moi, c’est Télémaque.
Antinoos — Tête à claques, Télémaque. Chaque nuit, ta mère défaisait ce qu’elle avait tissé le jour précédent. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers. C’est la politique de ta chère maman.
Télémaque — Vous êtes méchants. (Il s’en va.)
Scène 10 : L’ile de Nausicaa
Ulysse — Eh, mais c’est bien l’ile Shérie des Phéaciens ?
Par les dieux, je suis nu ! C’est un drame de taille ! Dans un froid aussi dru, C’est pire qu’un chandail ! (Il jette le voile à la mer.) Tiens, Leucothée, ton voile, et merci pour ton aide ! Ce cher Poséidon me veut vraiment du mal… (Il s’adresse au plafond.) J’ai bien blessé ton fils, mais coupable je plaide ! Sinon, je serais mort, pas vif, je te signale !
Une servante — Nausicaa, Nausicaa, il y a un monsieur tout nu qui fait de la poésie dans le buisson.
Ulysse —
Belle Nausicaa, au nom délicieux, Par des vents furieux je suis venu ici. Peux-tu par ta bonté me prêter un habit Que j’aille m’incliner devant l’autorité du lieu ?Nausicaa — Il est bien mignon. Les filles, passez-lui un linge. J’ai été vraiment bien inspirée de venir sur la plage aujourd’hui.
Athéna — Tu m’étonnes. Qui peut bien t’avoir envoyé un rêve de plage cette nuit ?
Nausicaa — Papa, regarde ce que j’ai trouvé sur la plage ! C’est plus gros qu’un coquillage, mais si tu le portes à ton oreille, il est beaucoup plus intéressant.
Alkinoos — Bienvenue chez nous, étranger. Tu arrives pile au moment où notre poète Démodocos allait nous raconter la guerre de Troie.
Démodocos —
Le beau Pâris avait séduit la belle Hélène, Femme de Ménélas, qui à Sparte est le roi. Les Grecs étaient entrés en guerre contre Troie, choqué par cet amour et poussés par la haine. Achille, Agamemnon, Ulysse d’un côté, Assiégeaient la cité et faisaient mille morts. Le roi Priam comptait sur son fidèle Hector Pour délivrer la ville des Grecs qui l’affrontaient. Achille l’a vaincu d’un coup d’épée au cœur, Avant de succomber d’une flèche au talon. Ulysse le rusé lança la construction D’un cheval creux en bois plein de guerriers sans peur.Alkinoos — Eh bien, étranger, tu sembles très ému par le chant de Démodocos.
Ulysse — Ah, c’est que son récit me rappelle tant de souvenirs. Je suis Ulysse, roi d’Ithaque, et il me tarde de rentrer chez moi.
Alkinoos — Quelle coïncidence ! Nous allons te donner un navire pour que tu puisses terminer ton voyage.
Scène 11 : Retour à Ithaque
Athéna — Te voici de retour à Ithaque, Ulysse. Mais les prétendants ont armé des soldats qui doivent te tuer s’ils te reconnaissent. C’est pourquoi j’ai changé ton apparence, afin que tu puisses approcher ton palais sans encombres.
Ulysse — Ah oui, tu m’as bien arrangé dis-donc. Tiens, je vais faire un test sur Eumée, le porcher, qui habite à côté.
Eumée — Oh là, qui c’est donc ?
Ulysse — Je suis un voyageur égaré, venu de Crète, et j’ai perdu tous mes compagnons lors d’un naufrage. On m’a parlé d’Ulysse, roi d’Ithaque. Un oracle m’a dit qu’il rentrerait bientôt de voyage.
Eumée — C’est n’importe quô ces prophéties ! Tous les jours y a des mendiants qui disent qu’izont vu Ulysse. Moi j’y crô pu. Mais viens donc, t’as pas l’air d’avoir mangé depuis un bout.
Ulysse — Merci, porcher.
Eumée — Tiens, v’là l’fils Télémaque. C’est un bon gaillard, et s’il est pas aussi fort que l’père, il est pas moins bon.
Télémaque — Bonsoir, Eumée. Tu as de la visite, à ce que je vois.
Eumée — Oui, j’allais chercher un cochon pour nourrir ce voyageur.
Télémaque — Vas-y, je partagerai votre repas.
Ulysse — Télémaque. Je suis ton père.
Télémaque — Sans blague.
Ulysse — Tu peux ne pas me croire, mais je dois rejoindre le palais pour délivrer Pénélope des prétendants. M’aideras-tu ?
Télémaque — Qui que tu sois, je ne peux que t’aider si tel est ton but. Ma mère est à bout. Elle a été forcée de céder à leurs avances, et elle doit en choisir un demain. Je vais te faire entrer au palais. Tu pourras t’installer dans le coin des mendiants.
Scène 12 : L’épreuve de l’arc
Pénélope — Messieurs, j’accepterai d’épouser celui qui parviendra à tendre l’arc d’Ulysse et à faire passer une flèche à travers ces douze haches.
Antinoos — Allez, vas-y, Liodès, montre-nous ce que tu sais faire.
(Liodès n’y arrive pas.)
Antinoos — Ha ! Ça ne m’étonne pas. Tu as du yaourt dans les bras. Vas-y, Eurymaque.
Eurymaque — Mais ce n’est pas possible ! Seul un dieu y arriverait !
Amphinomos — À moi !
(Tous essaient en vain.)
Ulysse — Puis-je essayer à mon tour ?
Antinoos — Eh, voilà le vieux débris qui parle. Écoute, tu as déjà de la chance qu’on te laisse dormir dans un coin. Alors ne viens pas nous embêter.
Pénélope — Antinoos, tu crains donc que cet homme se révèle plus fort que toi ?
Eurymaque — Mais il fait honte à cette maison, d’oser se comparer à nous !
Télémaque — Mère, je te conseille de sortir de cette pièce. Que l’on donne l’arc à l’invité.
(Pénélope sort. Ulysse prend l’arc et le tend, fait passer la flèche dans les haches.)
Ulysse — Alors, Antinoos, tu me reconnais maintenant ?
(Ulysse et Télémaque tuent tous les prétendants.)
Télémaque — Maman, papa est de retour ! Et il a tué tous les prétendants !
Ulysse — Pénélope, mon amour, me voici à nouveau devant toi.
Pénélope — Oh, mon chéri ! Mais dis-moi… c’est à cette heure-ci que tu rentres ?