Je rêve souvent de me promener la nuit seul. Il m’arrive parfois de plonger dans les eaux tourmentées du rêve mais la sensation de terre ferme est plus rassurante. Des loups sauvages en libertés, des détraqués mentaux qui massacrent des innocents, d’autres effectuant des rituels satanistes, une multitude de dangers tapis dans le noir et attendant de sortir de l’ombre... Malgré ces mythes de la nuit ancrés dans l’imaginaire collectif seul le néant nocturne m’entoure et m’intéresse. Renoncer à ces légendes nocturnes, est-ce renoncer à l’existence d’une entité qui donnerait un sens à notre instinct de survie la plus primaire ? Une fois cette démystification accomplie, n’y a t-il rien pour nous émerveiller, nous effrayer, nous rattacher à l’envie d’expliquer et de vivre notre monde intensément? Le néant de la nuit est pourtant bien rempli, mais pas de dangers obscurs. Plonger dans les ténèbres permettent de retrouver la lumière. Les insectes continuent de voltiger dans un bruit incessant. Par-ci par-là un lapin retourne se cacher dans son terrier, effrayé d’une présence inhabituelle en soirée, la mienne. Les chauves-souris sortent se balader, fatiguées d’avoir la tête retournée par la journée, comme moi, mais pas pour les mêmes raisons... Malgré l’obscurité, le néant nocturne n’est pas aussi vide que ça finalement, il n’est pas vraiment plus dangereux non plus d’ailleurs. Une fois que la terre a achevé de tourner sur elle même, la nuit dans toute sa splendeur prend la relève, paraissant plus dangereuse, inhabituelle et repoussante, mais pourtant plus calme. Le ciel aussi est loin d’être vide une fois le jour tombé. Il révèle au contraire toute sa magnifique étendue : ses constellations qui nous ont conduit là ou nous sommes aujourd’hui, les explorateurs des mers puis des cieux les ont utilisés pour progresser constamment. Dans mon orgueil démesuré j’essaie d’observer le fond du ciel à l’œil nu, il y a du chemin à faire avant que la nuit ne m’éclaire de sa sagesse. La nuit révèle à quel point l’humain est minuscule face à l’immensité de l’univers. Plus il s’offre à l’humain plus il devient opaque, plus il s’éclaircit plus il devient obscur. Une fois cette odyssée à travers le néant accomplie, je retourne me reposer chez moi avant de retrouver la vie quotidienne. C’est une fois le jour levé que les véritables dangers apparaissent ; les menaces de la nuit inventées par les plus forts uniquement pour faire diversion. Les hommes reprennent leurs disputes incessantes et ancestrales. Il s’entretuent au nom du bien et de la morale dans le vain espoir de voir leurs vies avancer. Une poignée d’entre eux aliènent une majorité d’autres habitués à l’inégalité dans le silence total. Commettre les pires atrocités de jour, et non de nuit, est une évidence : ils peuvent jouir de leurs méfaits et de leur pouvoir aux yeux de tous. Ainsi, une fois le calme de la nuit passé une nuit encore plus oppressante se fait sentir sans mot dire. Une nuit éternelle s’est abattue depuis bien longtemps sur la nature humaine. À nous maintenant de la dissiper.
En attendant, bonne nuit.