La lune s’élevait dans le ciel, illuminait chaque recoin de la petite ville. Sa lumière s’infiltrait dans les interstices des volets de la maison, pour venir s’échouer en fin traits sur le lit de la chambre. Allongé depuis plusieurs heures sur celui-ci, ce spectacle de la Nature s’imposait à lui comme un émerveillement. Il s’amusait avec ces bandes lumineuses, venant de ses mains arrêter sa trajectoire, stupéfait par la simplicité de ce moment.
Quelle heure était-il ? Il l’ignorait. Il avait perdu la notion depuis quelques jours. Ou bien était-ce plusieurs semaines ? Il errait dans la maison, dans leur chez-soi qui était maintenant seulement le sien. La solitude avait eu raison de lui : ses actes quotidiens étaient désormais des automatismes et sortir ne lui semblait plus nécessaire. Alors, quand venait l’heure où les gens de raison se couchent, il s’installait là, à fixer le blanc cassé du plafond de sa chambre et à attendre que les secondes s’écoulent, jusqu’à ce que le soleil vienne éclairer la pièce.
Ces moments plongés dans l’obscurité totale de la nuit inquiétaient ses amis. Depuis qu’elle était partie et qu’elle l’avait laissé là, plus personne ne le voyait. Il fallait même s’y prendre à deux fois pour avoir réellement de ses nouvelles. Et nombreux étaient ceux qui ne se privaient pas de lui exposer leur point de vue sur son état. Pourtant, peu importait pour lui : les heures tardives et le noir qui envahissait peu à peu chaque recoin de la pièce le calmaient. Même si quelques jours auparavant, la maison était encore pleine de vie, abritant leurs rires, leurs échanges, puis leurs disputes et leurs pleurs, le silence lui apportait un sentiment de plénitude. Ses pensées se figeaient pour quelques instants, comme si tout allait bien. Alors il pouvait enfin tout mettre au clair, pour tout arranger. Jusqu’à ce que les premiers rayons du Soleil arrivent et que la vie reprenne son cours.
Mais cette nuit, la lune s’était montrée. Le lit sur lequel il se trouvait comme à son habitude était éclairé, pour la première fois depuis des jours, ou des semaines, il ne savait plus. Ce spectacle l’émerveillait par sa simplicité et sa beauté, le replongeait en enfance.
Pour une fois, il ne pensait plus aux douleurs du passé, désormais obnubilé par les plaisirs du présent. Il savait qu’il allait devoir s’y faire, qu’il faudrait par la suite revenir à la réalité du futur, et reprendre sa vie comme si de rien n’était.
Mais cela pouvait bien attendre quelques heures. Car pour la première fois depuis très longtemps, il était heureux.