Revue culturelle d’

C’est le mois des poissons d’avril, alors il faut prendre avec circonspection les affirmations qui paraissent dans les médias. Mais depuis quelques temps, j’ai vu passer des titres tellement grotesques que je les ai d’abord pris pour des canulars du Gorafi. Cela a commencé avec un policier accusé d’avoir uriné sur deux mineurs, puis la Belgique qui saisit tellement de cocaïne qu’elle n’arrive pas à s’en défaire assez vite, ou plus récemment le Liban qui repousse le passage à l’heure d’été pour alléger d’une heure le jeûne du ramadan (comme si le changement d’heure modifiait la longueur du jour), et même l’Iran qui condamne la répression des manifestations en France. Au moment où je termine cet article, le jour même du premier avril, Emmanuel Macron est en interview dans Pif Gadget. Avec tout ça, on comprend que le Gorafi s’en émeuve.

Représentations

Au TAPS, la Compagnie du Matamore enchainait les représentations de deux pièces de Shakespeare (la fin de Henri VI et Richard III) dans York. La mise en scène très efficace de Serge Lipszyc mène tambour battant les combats, trahisons, meurtres et couronnements sans sacrifier la lisibilité du récit, avec des comédiens tous remarquables. On sort grandi du spectacle dans la compréhension des enjeux politiques et individuels qui font la trame de l’œuvre.

L’Opéra national du Rhin s’invitait au Palais universitaire pour la représentation de Candide, une comédie musicale de Bernstein construite sur le texte de Voltaire. Lambert Wilson, en narrateur et comédien-chanteur (notamment dans le rôle de Pangloss) n’usurpe pas son statut de vedette. Les autres chanteurs issus de l’Opéra Studio étaient tout à fait à la hauteur et participaient de ce spectacle réjouissant, menant la troupe des personnages de la Westphalie à Lisbonne, le Nouveau Monde, puis de retour en Europe pour cultiver leur jardin.

Au TNS, nous avons retrouvé Natalie Dessay sur un texte de Marie N’Diaye dans Un pas de chat sauvage, avec Nancy Nkusi impressionnante dans le rôle de Marie Sachs, formant un duo jubilatoire avec le musicien Greg Duret sur la mise en scène de Blandine Savetier. J’ai juste regretté que le texte ne fasse pas grand chose du rôle de l’universitaire, et que le piano monumental installé dans les gradins impose des angles de vue un peu inconfortables pour une partie du public.

Au TNS encore, Mineur non accompagné s’annonçait plus comme relevant de la performance, mais les deux écrivains qui occupaient la scène l’ont fait avec une scénographie et un jeu tout à fait professionnels. Sonia Chiambretto et Yoann Thommerel racontaient leur visite d’un centre d’accueil de jeunes migrants en Normandie, dans le cadre du g.i.g (groupe d’informations sur les ghettos).

Plusieurs élèves de première lisaient des passages de textes de Colette à l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance lors d’une rencontre avec Emmanuelle Lambert et Antoine Compagnon. Les auteurs étaient assez intéressants, notamment pour ces élèves qui étudient ces textes pour leur épreuve du baccalauréat de français. L’évènement inaugurait de façon très plaisante ce weekend avec plusieurs personnalités engagées (Le Temps des féminismes) dans le cadre des Bibliothèques Idéales.

Le titre Écho se retrouve sans doute dans la bande son construite avec beaucoup de répétitions de motifs sonores, dont de très courts extraits de parole. Le travail est indéniable, mais j’avoue que le désagrément de cet habillage sonore m’a empêché de profiter vraiment de la chorégraphie proprement dite de Simon Feltz. Dommage, car les quatre danseurs transcrivent avec performance et un peu d’humour le rythme qui leur est donné.

Vidéo

J’ai revu Premier contact de Denis Villeneuve. Ce film de science fiction met en scène une linguiste appelée par l’armée pour engager la communication avec des extra-terrestres dont les vaisseaux se sont installés à plusieurs endroits de la surface du globe. Tout n’y est pas crédible dans les réactions humaines et surtout organisationnelles, mais j’aime bien le problème de la construction du langage commun et la question du choix de donner la vie.

Dans le même genre, j’ai commencé la série française Missions d’Ami Cohen, Henri Debeurme et Julien Lacombe. J’ai tenu quatre épisodes, en essayant de surmonter le jeu peu convaincant des acteurs et le scénario confus. Quand l’intelligence artificielle a commencé à affirmer qu’un artefact rectangulaire d’un mètre de large et passablement usé respectait les proportions du nombre d’or avec 8 décimales (c’est à dire une précision de l’ordre du micron), j’ai jeté l’éponge.

Bande dessinée et récits graphiques

Dans un rayon de soleil (Tille Walden) raconte l’émotion d’une amour adolescente dans un pensionnat de jeunes filles sur une sorte de station spatiale, et la reconstruction d’une des protagonistes sur des chantiers de restauration au début de sa vie adulte, après la séparation. Loin de l’ambiance fleur bleue, la dureté des conditions de vie rend son histoire très prenante, et le traitement graphique participe d’une ambiance à la fois sombre et colorée. La question du genre apparait en creux, avec des aspects fantastiques qui donnent une grande liberté visuelle.

J’ai relu Midi à quatorze heures des Nouvelles Aventures de Lapinot (Trondheim), une valeur sûre. Le personnage de Richard gagne en épaisseur tandis que l’histoire pose le problème de la responsabilité du gouvernement dans la crise climatique.

En bande dessinée documentaire, L’incroyable histoire de l’immortalité (Bercovici et Simmat) tente de montrer la construction du transhumanisme, depuis les sectes gnostiques et les alchimistes jusqu’aux magnats de la technologie contemporaine. À grand renfort de milliards, ces derniers essaient de repousser les limitations du corps humain et en particulier la mort, quitte à opter pour la cryogénisation, ou l’implantation d’interfaces artificielles. Il est peut-être discutable d’avoir choisi pour narrateur Alan Turing, certes crucial dans cette histoire, mais pas forcément représentatif de la mystique sous-jacente.

Coda (Spurrier, Bergara) anime des personnages désabusés dans un monde punk fantastique postapocalyptique où la magie est matérialisée par un liquide vert, l’ichor, que les dernières puissances s’arrachent. Les couleurs sont un brin agressives mais le scénario est plutôt original.

Axolot rassemble les planches d’une dizaine de dessinateurs (Libon, Boulet, Marion Montaigne) qui constituent une sorte de cabinet de curiosités dessiné. Le résultat est par nature un peu décousu mais assez plaisant.

Josselin Duparcmeur décrit dans Waterlose un Napoléon facétieux et pince-sans-rire reconstruisant ses mémoires sur Sainte-Hélène, reprenant ainsi le procédé déjà utilisé dans Salade César. C’est assez potache mais quand on a envie de rire, ça marche bien.

Moonshadow se présente comme un chef d’œuvre graphique, mais le scénario est bien résumé dès les premières pages, avec ces grosses boules jaunes qui ne semblent agir que par arbitraire. Du coup, on suit les aventures du personnage principal, de la jeunesse de sa mère jusqu’à sa propre mort, sans qu’il se construise vraiment autre chose qu’une succession d’évènements.

Angie Bongiolatti est l’un des personnages de cette bande dessinée mettant en scène le milieu semi-underground de ce siècle à New York, entre relations humaines, manifestations et pressions au travail. Cette tranche de vie aurait sans doute gagné à suivre une narration plus structurée.

Dans Erreur système, des activistes se font sauter avec des dégâts croissants. Les révélations successives sur les personnages principaux sont censées nous étonner, mais elles ajoutent surtout de la confusion. Il est sans doute prévu une suite, qui apportera peut-être plus d’intérêt à ce démarrage un peu bruyant mais pas convaincant.