Revue culturelle de décembre 2021

Après plusieurs mois de jachère sur ce blog, du fait de mon déménagement et de ma réinsertion professionnelle, voilà une nouvelle sélection de spectacles, films, expositions, livres et jeux, pour fêter le retour en salles et un accès plus régulier aux médiathèques. Bonne fin d’année !

Spectacles

Théâtre

Toutes les choses géniales est une pièce de Duncan McMillan mise en scène par Arnaud Anckaert (Théâtre du Prisme) accessible à partir de 12 ans. Un enfant rédige une liste de choses géniales pour aider sa mère dépressive. Le résultat est jubilatoire et tout en délicatesse, avec un jeu qui inclut les spectateurs avec beaucoup de bienveillance. Courez-y !

J’ai été aussi emporté par Ce qu’il faut dire de Léonora Miano, recueil de textes à la fois poétiques et révélateurs sur la condition noire aujourd’hui. La mise en scène de Stanislas Nordey au Théâtre National de Strasbourg, fait le grand écart entre une première partie statique, à mi-voix, par l’intermédiaire d’une caméra incongrue, et une deuxième partie flamboyante, coup de poing argumentatif dynamique porté par une comédienne et une percussionniste épatantes (Mélody Pini, Lucie Delmas).

Hilda n’apparait jamais sur scène dans cette pièce de Marie NDiaye, mais elle est au centre de la tension entre son mari, Frank, et Mme Lemarchand qui l’emploie, admirablement servis par Natalie Dessay et Gauthier Baillot dans cette mise en scène d’Élisabeth Chailloux au TNS également.

Nous entrerons dans la carrière est une adaptation du Siècle des Lumières d’Alejo Carpentier par Waddah Saab et Blandine Savetier qui l’a mis en scène au TNS cet automne. Comment Victor Hugues, administrateur colonial dans la République française naissante, travaille à l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe, avant de participer à son rétablissement quelques années plus tard en Guyane.

Je n’avais jamais vu (ni lu) Quai ouest de Bernard-Marie Koltès. L’histoire me laisse un peu sur ma faim, mais la langue est magnifique, et très bien servie dans cette mise en scène de Ludovic Lagarde, toujours au TNS.

Opéra

Carmen regorge d’airs cultes et la mise en scène de Sivadier donne à l’opéra de Bizet toute l’ampleur qu’il mérite. Servi par des chanteuses et chanteurs aussi brillants vocalement que scéniquement, ce spectacle nous aura permis de renouer avec le plaisir de l’art vivant.

Musique

À l’Opéra National du Rhin, le ténor Lawrence Brownlee donnait un très beau récital traversant les mélodies du XIXe et du XXe siècle (Bellini, Donizetti, Liszt…) jusqu’à des compositions de Ben Moore sur des poèmes de Yeats et Joyce, pour finir sur des gospels qui mettent en valeur son art du bel canto.

Cinéma

Rouge est la couleur de boues toxiques rejetées par des usines de traitement de déchets industriels. Le film de Farid Bentoumi s’inspire de l’histoire réelle d’une infirmière engagée dans une telle usine et qui fait la lumière sur les conditions de travail des ouvriers et la pollution engendrée sur le site naturel. Magistralement porté par le jeu de Zita Hanrot, Sami Bouajila et Olivier Gourmet, il montre aussi les atermoiements politiques et les pressions hiérarchiques qui entravent le fonctionnement des contrôles sanitaire et citoyen.

Près de 40 ans après l’adaptation du roman par David Lynch, Denis Villeneuve nous propose sa version de Dune, plus lisse esthétiquement, plus proche du texte dans son rythme, mais plus contemplatif que loquace. Au bout de deux heures et demie, le générique nous laisse dans le désert à la rencontre de Paul avec Chani. On appréciera les acteurs qui donnent corps à chacun des personnages principaux.

Expositions

La Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg présente jusqu’au L’Orient inattendu, du Rhin à l’Indus avec de nombreux ouvrages imprimés dont des incunables, des carnets de voyage, des dessins et des photographies, mais aussi des objets d’art.

Le Musée de l’Orangerie à Paris accueille un panorama d’un an en Normandie (A Year in Normandie) par David Hockney, confiné là-bas au début de la crise sanitaire. Le format fait écho aux Nymphéas de Monet visibles dans le même bâtiment. La technique de dessin sur tablette ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais l’évolution de la palette au fur et à mesure des saisons est assez intéressante (jusqu’au ).

La Galerie de l’Homme à Paris invite à réfléchir sur les Frontières de l’Humain avec un parcours assez inégal, une bonne idée mais pas très bien exploitée. Mieux vaut aller voir l’exposition permanente, assez riche et moins fréquentée.

Littérature

Romans

L’essentiel de l’histoire de l’Anomalie (Hervé Le Tellier) se déroule entre mars 2021 et juin 2021. C’était assez amusant de le lire au cours des semaines correspondantes ! Avec une très belle écriture, drôle et référencée, l’auteur nous met au prises avec un évènement qui échappe à tout protocole prévisible pour les armées et gouvernements du monde entier. Heureusement, il y a aussi un protocole pour l’imprévisible. Excellent.

Sauveur et fils est une série de romans jeunesse de Marie-Aude Murail sur un psychologue et son jeune fils, aux prises avec les déboires familiaux des patients de l’un et camarades de classe de l’autre. C’est touchant, intelligent et drôle, abordant des problématiques réelles sans pathos ni enjolivement forcé.

Merci à Justin, grâce à qui j’ai lu Spin de Robert Charles Wilson. Dans ce roman de science-fiction, la Terre est isolée du reste de l’univers par une barrière artificielle avec un faux ciel sans étoiles et qui ralentit l’écoulement du temps par rapport à l’extérieur. Pourquoi l’humanité est-elle mise sous cloche ? Par qui ? Peut-elle s’en échapper ? Il faut maintenant que je trouve la suite : Axis.

Bande dessinée et récits graphiques

Soon (Thomas Caden) est clairement mon coup de cœur BD de l’automne. Je ne suis pourtant pas très amateur de bichromie ni de ce trait de crayon, mais cette anticipation pseudo-documentaire met patiemment en place la perspective de la reconstruction, la diversité des comportements face aux injonctions d’une écologie présente dans les faits, du départ volontaire et du devoir de présence pour ceux qui nous sont chers.

Le 11e tome de l’Histoire dessinée de la France s’intitule Dans l’absolu. Reprenant la technique du dialogue imaginaire entre spécialistes de l’époque accompagnés par Alexandre Dumas, l’historien Stéphane Van Damme déroule avec la dessinatrice Héloïse Chochois un récit complet sur le Grand Siècle, à Versailles comme dans les compagnes et les villes françaises.

Jeux

Merci à Maxime de nous avoir fait découvrir Everdell, jeu de placement d’ouvriers et de pose de cartes en trois saisons où de mignons petits animaux travaillent dans divers bâtiments pour préparer l’hiver. C’est très joli, pas très compliqué, avec un facteur chance non négligeable dans la combinaison des lieux et des métiers, mais qui permet de passer un bon moment (moins de deux heures pour une première partie à quatre, environ une heure à deux joueurs avec un peu plus d’expérience).

La première extension de Demeter installe nos observations de dinosaures dans deux nouvelles saisons. Le mécanisme ne change pas en automne, mais la réorganisation des bonus pousse à renouveler les priorités. En hiver, le stégosaure fait son apparition avec des bonus à clés qu’on peut déverrouiller. Le démarrage est un peu plus lent (sans doute parce qu’il fait plus froid) mais l’utilisation de toutes les cartes permet de développer plus loin sa stratégie.